Histoire
Bernard Lugan, Histoire de l'Afrique du Nord des origines à nos jours: 1: 09:51
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Après la désagrégation de l’empire almoravide, puis almohade, deux dynasties berbères qui ont unifié et dominé le Grand Maghreb dans les années 1070-1269, les pays du Maghreb se sont morcelés en régions distinctes avant de tomber sous l’emprise de l’Empire ottoman à partir du 16ème siècle. Seuls la Mauritanie et le Maroc ont conservé leur autonomie, malgré l’arrivée des Portugais et Espagnols qui ont installé les premiers comptoirs sur les côtes pour le commerce de l’or et des esclaves. Le Maghreb est devenu ensuite l’objet des ambitions coloniales européennes, avec en premier la conquête de l’Algérie par la France en 1830.
[La carte est extraite de BURESI, Pascal, « Vie et mort des empires berbères », dans : L'Histoire, novembre 2008, n° 336, p. 73.]
Activités autour du texte et de la carte
1. Décrivez et commentez la carte historique.
2. Enumérez les différentes populations qui ont occupé le Maghreb à travers l’histoire.
Peuple |
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Siècle |
- Macro-tâche: Deux apprenants font une recherche pour définir ce que c'est un "protectorat"
En dehors de l'Égypte qui a été un protectorat anglais de 1882 (date officielle 1914) jusqu'à son indépendance en 1922 et la Libye italienne, tous les autres pays ont été colonisés et administrés par la France, avec toutefois des statuts différents. La Tunisie et le Maroc ont été des protectorats français de 1881 / 1912 jusqu'en 1956. L'Algérie a déjà été colonisée en 1830 et est devenue une partie intégrante de la France. C'est seulement à la fin de 132 ans d'occupations que les algériens ont obtenu leur indépendance après une guerre particulièrement sanglante (1954-1962). Djibouti a été une colonie française de 1896 jusqu'en 1977; la Syrie et le Liban ont été administrés par la France sous forme d'un protectorat par le mandat de la Société des Nations (la future Organisation des Nations unies - ONU) de 1920 jusqu'en 1941 et 1943. Ces anciennes provinces ottomanes en été transformés par la France en deux Républiques laïques tout en respectant les communautarismes religieux. La Mauritanie, ancienne colonie française (1920-1960), située sur la côte nord-ouest du continent africain, est le pays traditionnel des Maures qui étaient des Berbères qu'on appelait aussi les « Blancs de Mauritanie ». Effectivement la Mauritanie constitue un point de passage entre l'Afrique du Nord, blanc, et l'Afrique noire. La Libye, ancienne colonie italienne (1911-1951), qui se trouve à l'est de l'Algérie et de la Tunisie et à l'ouest de l'Egypte est le premier État du Maghreb à obtenir son indépendance en 1951. Pendant la domination italienne qui s'est imposé à l'issue d'une guerre contre l'empire Ottoman, la moitié de la population locale a été exterminée ou forcée à l'exil.
Travaille en binôme : remplissez la grille, puis comparez vos résultats
pays | statut | occupation et indépendance | |
1 | protectorat anglais | 1882/ 1914 - | |
2 | colonie italienne | 1911 - | |
3 | Tunisie | ||
4 | Maroc | ||
5 | Algérie | colonisée par la France en | |
6 | guerre d'indépendance | 1954 - | |
7 | colonie française | 1896 - | |
8 | Syrie | - 1941 | |
9 | 1920 - | ||
10 | Mauritanie | 2 | - 1960 |
- Faites une synthèse sur le passé colonial de la France en Afrique du Nord et au Proche Orient en analysant le tableau ci-dessus.
- Quelles sont les questions évoquées par le texte que vous souhaiteriez approfondir ? Formulez vos intérêts particuliers, puis constituer des équipes pour faire des recherches internet. Exposez vos résultats devant la classe.
Le Maghreb – une colonie française? Téléchargement word
1912
Lettre du père Charles de Foucauld (1858-1916), explorateur et missionnaire à sa sœur :
Ma chère Elisabeth,
Le bon Dieu a donné à la France au nord-ouest de l’Afrique un magnifique empire colonial : le tiers ou le quart de l’Afrique formant un seul bloc face à la France, séparé d’elle par quelques heures de mer. Prie pour que ces peuples soient bien gouvernés…
Ces vastes étendues comprennent environ 30 millions d’habitants ; elles en auront le double dans cinquante ans, grâce à la paix.
Si on gouverne bien, si on civilise, si on francise, si on se fait aimer de ces peuples, ils deviendront un admirable prolongement de la France.
Si on ne comprend pas le devoir d’aimer le prochain comme soi-même, si on administre mal, si on exploite au lieu de civiliser, si on se fait haïr et mépriser par des injustices et des duretés, ce tiers d’Afrique qui apprendra le maniement de nos armes et de notre outillage, qui aura une élite instruite comme nous, par nous-mêmes, profitera de l’union, de la force, des moyens d’actions que nous-mêmes lui aurons donnés, pour nous échapper et pour devenir non seulement indépendant de nous mais un redoutable ennemi…
Prions pour qu’on le comprenne en France.
(Cité dans la « Collection Dossiers » N° 5 du Nouvel Observateur, 1991.)
- Structurez le texte et trouvez des titres pour les différents paragraphes.
- Pourquoi Foucauld se réfère-t-il à Dieu ?
- Quel est le nombre des habitants dans le nord-ouest de l’Afrique ?
- Qu’est-ce que Foucauld veut dire en parlant d’ »un seul bloc face à la France » ?
- Que signifie « civiliser » et « franciser » dans le contexte ?
- Qu’impliquent-ils au niveau socio-économique ?
- Quelles valeurs est-ce que Foucauld attribue aux pays colonisés ?
- Quelle serait la situation idéale du Maghreb selon Foucauld ?
- Comment jugez-vous son attitude ?
- Remplissez le tabelau ci-dessous:
Si on gouverne bien | Si on gouverne mal |
Pour aller plus loin
Vermeren, Pierre (2011/2004) : Maghreb : Les origines de la révolution démocratique. Librairie Arthème Fayard / Pluriel.
De l’Afrique romaine aux États barbaresques
La romanisation de Tamazgha
Profondément ancrée dans l’espace méditerranéen, l’Afrique du Nord-Ouest ou Tamazgha (en Tamazight) entre dans la grande histoire – l’âge de l’écriture – au IIIe millénaire avant J.-C. Les chroniques pharaoniques rapportent les combats et victoires des pharaons contre leurs voisins de l’Ouest, les « Libyens » - peuple de race blanche, par opposition aux « Éthiopiens » du Sud. (…)
Le système montagneux de l’Atlas (ainsi nommé dès l’Antiquité, par référence aux montagnes de Tamazgha qui semblent soutenir le ciel…) est peuplé d’éleveurs et de nomades de culture commune. La langue libyque appartient à la famille des langues chamito-sémitiques (ou afro-asiatiques). Le groupe « berbère » (dit alors « libyque », par référence aux Loubins de la Genèse) se distingue des groupes « vieil égyptien » (devenue copte) et « sémitique » (araméen, babylonien, hébreu, arabe…) (…)
Les commerçants phéniciens du Levant (l’actuel Liban) reconnaissent les rivages de ce monde et s’y installent vers 1200 avant J.-C. Ils fondent de puissantes colonies, de Leptis (l’actuelle Tripoli) à Carthage (près de Tunis), de Saldae (Annaba, ex-Bône) à Icosium (Alger), et de Tingis (Tanger) à Lixos (Larache), sur la côte atlantique. (…) Les Phéniciens de Méditerranée occidentale, mêlés aux Libo-Imazighen des franges côtières, forgent la brillante civilisation punique ou carthaginoise.
Carthage, qui s’est constituée en empire vers 450 avant J.-C. (après la défaite de 480 face aux Grecs de Sicile), exerce une « très forte et durable influence sur ce monde ». (…)
Pendant un millénaire, jusqu’à la chute de Carthage en 146 avant J.-C., la civilisation orientale s’installe en Afrique. « C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar… », écrit Flaubert, célébrant dans son Salammbô la puissante rivale qui faillit emporter Rome. Ville considérable pour l’époque, Carthage est ceinturée par 34 kilomètres d’une puissante muraille de 13 mètres de haut sur 9 mètres de large. Cet héritage urbanistique ne sera jamais perdu en Afrique. (…)
D’origine grecque, le terme Barbaroï qualifie, pour plus de deux millénaires, les Imazighen aux yeux des Européens. De Barbares ils deviennent au Moyen Âge les « Barbaresques », puis, à l’époque contemporaine, les « Berbères ». Comme pour les Grecs, ce terme repris par les Romains désigne des populations éloignées de leur civilisation (agricole, urbaine et technique), étrangères à l’Empire au même titre que celles de Germanie. (…)
Mais c’est à Rome qu’il revient, au terme du siècle des « guerres puniques » (246-146), d’abattre l’orgueilleuse cité : « Carthagodelenda est ! » Alors est fondée la province romaine d’Africa (le terme viendrait de la romanisation [le ca] du terme amazighafri, grotte, caverne, ancien nom de la Tunisie). Au Ier siècle avant J.-C., l’Africa donne son nom au continent. Six siècles de domination romaine commencent. (…)
La conquête de l’ » Afrique romaine » se déroule durant le siècle et demi qui suit la chute de Carthage. Elle entraîne une acculturation des « Berbères », de moins en moins marquée à mesure que l’on s’avance vers l’ouest. L’ancien domaine de Carthage (à l’est) devient la « province d’Afrique proconsulaire », conquise par Scipion l’Africain. (p. 27-31)
L’islamisation n’abolit pas l’amazighité de l’Afrique du Nord
Après l’éphémère domination des Vandales au Ve siècle, une reconquête orientale menée par Byzance s’opère dès 533. Gréco-chrétienne, elle est portée par la volonté de Justinien de restaurer l’Empire romain. Mais, comme l’épisode vandale, elle s’accompagne d’une rétraction de l’espace sous contrôle centralisé au profit des tribus et principautés berbères (les nomades chameliers zénètes remontent vers le nord). La cité de Cirta, perdue par les Vandales et reconquise par les Byzantins, devient Constantine (hommage à l’empereur Constantin qui, au IVe siècle, convertit l’Empire au christianisme. (…)
Ce nouveau partage inégal de l’Afrique du Nord entre Berbéro-Imazighen et Byzantino-romains dure un siécle, jusqu’à l’arrivée d’une nouvelle vague migratoire conqueérante originaire d’Arabie… L’islam pénètre en Egypte en 640, et les cavaliers arabes sont à Leptis Magna (qui devient Trablous, ou Tripoli en français) en 647. Kairouan est fondée en 670 par l’Arabe Oqba ben Nafi, au cœur de l’ancienne province romaine d’Afrique. Carthage (désormais Tunis) est atteinte en 695-97. (…)
En 711, les troupes du chef berbère converti Tarek traversent le détroit – dit désormais de Gibraltar : Jebel Tarek, la montagne de Tarek. Ils mettent à bas le royaume wisigoth ibérique et donnent naissance pour huit siècles à Al-Andalus (l’Andalousie), l’Espagne musulmane, qui rappelle le passage des Vandales par son nom arabo-berbère.(…)
L’Afrique arabe fait partie au VIIe siècle du vaste empire des Omeyyades de Damas. Au temps des califes abbassides de Bagdad (VIIIe siècle), la Tamazgha des Imazighen ou Afrique romaine devient le Maghreb arabe (le couchant), par opposition au Machrek (le Levant), et se scinde en États autonomes. (…)
Minoritaires au sein du monde berbère, les Arabes ont pu, grâce à l’autorité religieuse, accaparer le pouvoir de commandement politique. (p. 33-35)
Les États barbaresques et la Méditerranée occidentale
Depuis 1492 s’est affirmée la dimension horizontale de l’Islam en Méditerranée occidentale. La chute du royaume musulman de Grenade achève le mouvement séculaire de reconquista des Rois Catholiques. La même année, l’expulsion des Juifs d’Espagne (sépharades) vers le reste du bassin méditerranéen, en particulier l’Afrique du Nord, met un terme à leur fonction de passeurs de civilisations. (…)
Depuis la chute de Constantinople en 1453, l’Empire ottoman est en pleine expansion dans les Balkans. (…)
La coupure Nord/Sud en Méditerranéen occidentale est fondamentale. Elle allait peser sur l’avenir de l’Afrique du Nord. Lorsque Berbères et Européens se sont séparés en 1492 sur une mauvaise bataille et sur des trahisons de palais, leur monde était globalement identique : circulation des idées, médecins, niveau des techniques, armement… Quand ils se retrouvent face à face en 1830, les deux mondes ont divergé à tel point que l’Europe est en mesure d’imposer son joug à un Islam nord-africain distancé, comme resté sur place. Fernand Braudel voyait dans cette fracture en deux mondes une des plus grandes énigmes de l’histoire de l’humanité. L’Europe occidentale est entrée, à l’époque moderne, dans l’ère de la croissance économique (qui « transforme tout », dit Braudel), alors que l’ancien monde semble stagner. (…)
La découverte de l’Amérique en 1492, puis sa colonisation entamée par le Portugais et les Espagnoles ont détourné l’essentiel des forces conquistadores vers le Nouveau Monde, et épargné à l’Afrique du Nord les affres d’une mise sous tutelle ibérique. (…)
Les trop faibles relations commerciales de la Berbérie ottomane avec l’Europe devaient cependant la mener à sa perte. Après des siècles de projets visant à détruire ou occuper les États barbaresques, se fut un régime français à bout de souffle, celui de la Restauration, qui décida de passer à l’acte en 1830. La décision fut prise pour des raisons d’opportunité politique interne, mais le décalage des forces et des techniques en présence ne pouvait qu’aller dans le sens de l’histoire. La Régence d’Alger fut le premier État barbaresques à tomber sous le joug colonial. Une dynamique irrémédiable s’était enclenchée, alimentée par les mythes et les représentations que l’Europe s’était forgés de la « Barbarie » depuis des siècles. (p. 39-45)
L’Afrique du Nord berbéro-arabe et la colonisation
L’arabisation partielle de l’Afrique du Nord
Pendant des siècles, l’Afrique du Nord fut considérée par les Européens comme la terre des royaumes « barbaresques » et « mauresques ». Dès le XVIe siècle, les régences d’Alger et de Tunis sont soumises au « Grand Turc », tandis que l’Empire chérifien (le pays des Maures) est indépendant. Les Barbaresques sont pour les Français les habitants de la Berbérie. Les Maures en sont une variante régionale (même si, en espagnole, Moros est un collectif, au demeurant très péjoratif, pour tous les musulmans, jusqu’aux Philippines).
Pourtant, dès la conquête de l’Algérie, l’ « Arabe » s’impose en France comme la figure de l’indigène nord-africain. Par effet de projection, l’indigène est un Arabe, à l’image du héros de la résistance, l’émir Abd el-Kader. Ce dernier s’impose dès l’hiver 1830-31 comme chef du djihad face à l’occupation des Français : cela est dû à son charisme, à sa grande culture religieuse, à ses qualités de chef militaire, mais d’abord à son ascendance chérifienne arabe, fût-elle supposée. Très marqué par sa haute culture coranique et sa difficulté à accepter le Jahiliya (l’ « ignorance » préislamique), Abd el-Kader ne s’embrasse guère de l’histoire du Maghreb : « Les Berbères sont arabes d’origine », a-t-il écrit. Ses adversaires français projettent cette vision sur toute la Berbérie, à l’instar du général Bugeaud en 1845 : « Il n’y a que l’épuisement des Arabes qui pourra obliger Abd el-Kader à se retirer de nouveau au Maroc. »
Comme l’ « Indien » en Amérique du Nord, l’ « Arabe » s’impose dans les représentations (il connote très vite la peur et l’hostilité), mais aussi dans la pratique administrative (les « Bureaux Arabes » sont crées par arrêté du 1er février 1844). (…) L’ « Arabe » sera l’ethnotype colonial de l’indigène en Afrique du Nord.
La réalité est tout autre dans la première moitié du XIXe siècle. En 1830, la carte linguistique de l’Algérie est une peau de panthère dans laquelle le tamazight et l’arabe se partagent les 516 tribus de la future « Algérie » (le terme apparaît pour la première fois en 1839 dans une correspondance française). Ces tribus sont de taille modeste (5 000 à 5 500 individus en moyenne) pour une population globale de 3 millions d’habitants. L’arabisation a commencé onze siècle auparavant, mais un relatif équilibre linguistique s’est instauré au fil du temps, malgré une islamisation complète (Juifs urbains mis à part). Le territoire est partagé entre tribus berbérophones et tribus arabisées (et plus rarement arabes au sens ethnique). Les « Arabes » du Maghreb sont en fait des arabophones, le plus souvent « Berbères arabisés ». (…)
Au XXe siècle, le patrimoine génétique des populations ibériques et d’Afrique du Nord est similaire à 98 %, à l’inverse de celui des Turcs ou des Arabes de Méditerranée orientale. Les auteurs en déduisent que les « invasions » arabes en Afrique du Nord et en Espagne sont restées marginales en termes d’apport génétique, et donc de population. (…)
À l’échelle de l’Afrique du Nord, la langue berbère domine de plus en plus vers l’ouest. Car l’arabisation, comme la romanisation/christianisation, s’est opérée dans les pas de l’islamisation, d’est en ouest, avec une efficacité décroissante. (…) D’après Louis Massignon, 60 % des Marocains sont berbérophones (y compris les bilingues) dans les années vingt.
À l’inverse, en Tunisie, l’amazighité est résiduelle. Pays le plus romanisé, l’Ifriqiya a été ensuite fortement arabisée. L’absence de refuge montagneux, l’ouverture commerciale de ce pays sur l’Orient, le rayonnement de Kairouan, le passage des routes vers l’Orient, tout a poussé les Imazighens romanisés de ce petit territoire à adopter la langue et la culture des nouveaux maîtres. (p. 47-52)
Et l’Afrique du Nord devint Maghreb !
Le Maghreb est l’Occident des Arabes. Or les Arabes sont historiquement les habitants de la péninsule arabique. Le concept politique du « Maghreb arabe » est né au Caire en 1947, lorsque les leaders politiques nationalistes d’Afrique du Nord ont fondé d’un commun accord (et dans l’indifférence des autorités égyptiennes) le « Comité de libération du Maghreb arabe ». Il s’inscrivait dans le droit fil du travail politique entamé à Genève par l’émir syrien Chekib Arslan qui fut, dans les années trente, l’apôtre de l’unité arabe auprès des jeunes nationalistes d’Afrique du Nord, avant de tourner ses espoirs vers le Reich. C’est ainsi que l’Occident des Arabes, le « Maghreb », est devenu l’Orient proche des Européens. Et que ces derniers ont monopolisé le concept politique d’ »Occidental » (car, de sa situation géographique, un Marocain est davantage « occidental » qu’un Français,…)
Le terme arabe de « Maghreb » s’est imposé à partir de 1960-65 pour se substituer à l’expression française d’ »Afrique du Nord ». La géographie coloniale avait fabriqué les termes d’ « Afrique blanche », d’ « Afrique mineure » (encore usités dans les années soixante), puis leur préféra celui d’Afrique du Nord, alors unifiée au sein de l’empire colonial français).
Ce coup de force terminologique a fait basculer l’Afrique « du Nord » de sa dimension Nord-Sud au profit de sa seule dimension Est-Ouest, conformément, il est vrai, à l’acception arabo-islamique commune (Maghreb/Machrek).
Le « Maghreb » s’impose dans les sciences humaines en France, alors qu’il demeure North Africa pour les Anglo-Saxons. L’Afrique du Nord est devenue « arabe » comme la Turquie était turque et la France française. Les « Nord-Africains » de France sont devenus des Maghrébins ou des Arabes puis leurs enfants des « beurs », alors qu’ils viennent pour l’essentiel des régions berbérophones (Rifains et Soussis du Maroc, Kabyles, Chaouis et Mozabites d’Algérie, Djerbiens de Tunisie). (p. 119-121)
Mise à jour le Samedi, 29 Août 2015 13:42