Histoire de Pondichéry des comptoirs français à l'Inde d'aujourd'hui (1664-1962) B2-C1
Pondichéry a toujours été un carrefour plurilingue et multiethnique pour les Indiens de tous les états et nationalités du monde entier qui y cohabitaient. Encore aujourd’hui Puducherry avec des noms de rue en partie en français et en tamoule, éveille un imaginaire qui remonte aux comptoirs français du 17e siècle et au gouverneur Dupleix du 18ème dont la statue le long de la mer débouche sur une autre, plus célèbre encore, celle de Mahatma Gandhi. Selon Jacques Weber la mosaïque pondichérienne « est une création franco-indienne, dont le caractère cosmopolite et l’hétérogénéité sociale ne font que s’accentuer avec le temps. En dépit de heurts fréquents entre « nations », religions et castes, la ville est, au XVIIIe siècle, un creuset où même les communautés les plus jalouses de leurs particularismes s’imprègnent plus ou moins de la culture des autres. »
© Ondřej Žváček 2008, CC - Statue de Joseph François Dupleix à Pondichéry / © Aviad 2001, CC Promenade au bord de mer à Pondichéry avec la statue de Gandhi
L’aventure commence à la fin du XVe siècle avec les Grands navigateurs espagnols et portugais qui lancent des expéditions vers l’Amérique (1492), contournent l’Afrique (1488) et rallient l’Inde en 1497 (Vasco de Gama). La Hollande, l’Angleterre et la France sont en retard pour la course maritime aux richesses des terres inconnues et contestent le Traité de Tordesillas (1494) qui a scellé la suprématie luso-hispanique et le partage du monde entre les Portugais et les Espagnols en cédant à chacun une demi-planète. Dès le début du XVIe siècle les Portugais établissent des factoreries sur la côte est de l’Inde et ensuite vers 1550 à Pondichéry et à Kalapeth et Kunimedu plus au nord. Au début du XVIIe siècle, en pleine guerre de succession des rois de Gingy, les Portugais sont forcés de quitter la ville et seront remplacés par les Danois qui possèdent déjà des comptoirs à Porto Novo. Effectivement les rois de la région souhaitent continuer à commercer avec des Européens et les encouragent à fonder des établissements commerciaux qui « fourniraient un important débouché à l’industrie textile florissante sur la côte. »
En dehors des voyages de Jacques Cartier (1534) vers la future Nouvelle France fondée par Samuel Champlain en 1608 , c’est surtout le Cardinal de Richelieu qui va accélérer le commerce avec le Nouveau Monde et l’Asie en créant des Compagnies de commerce. La fondation réciproque de la Compagnie anglaise, puis hollandaise des Indes orientales en 1602 et 1621 n’a fait qu’augmenter la pression sur la France qui est la dernière puissance maritime européenne du XVIIe siècle à vouloir obtenir sa part des richesses. Richelieu est notamment à l’origine de la création de la Compagnie des Îles d’Amérique en 1635, puis de la Compagnie de Madagascar en 1642 qui est la première Compagnie d’Orient d’envergure nationale, chargée en outre de l’administration de l’Île de la Réunion, point vert de ravitaillement dans l’Océan indien sur la route des Indes. Cette Compagnie qui se lancera sur les pas de Vasco de Gama est réorganisée par Colbert, ministre de Louis XIV, en 1664 pour devenir la Compagnie française des Indes orientales.
CC Produits du Lion Noir. France 1920.
Louis XIV remettant ses privilèges à la Compagnie des Indes Orientales, 1664
Avec l'aimable autorisation de Mr Gwenc'hlan Broudic ( 7.07.2015) du © Musée de la Compagnie des Indes, Ville de Lorient
Ces Compagnies sont des associations nationales de négociants disposant de capitaux importants et d’un monopole des armements afin de rentabiliser le commerce. Les bénéfices parfois énormes sont proportionnels aux risques du voyage très long et périlleux. Certains agents de la Compagnie font fortune, d’autres font faillite ou succombent aux périls en route vers le pays de Cocagne.
Pas un moindre que Stendhal a eu le rêve et le projet de partir pour une durée de huit ans à Pondichéry pour y faire fortune comme nous l’apprend l’auteur dans son « Journal » lors d’une de ses conversations avec un certain Cheminade, condisciple de l’École Centrale de Grenoble. En comparant la valeur d’achat entre Pondichéry et Paris, Stendhal conclut : « A Pondichéry, avec douze louis par an, on a chevaux, voitures et huit domestiques, une vie analogue à celle qu’on se procure à Paris avec 20 000 livres de rente (…) Ne vaut-il pas mieux mener huit ans cette vie que de languir, toute sa vie dans un bureau ? »
C’est à Pondichéry que se négocient la quantité et la qualité des marchandises à charger, les toiles blanches de coton et de mousselines, les épices et notamment le poivre, la cannelle, le café Moka, la cardamone, la galenga et l’esquine. Dans la cargaison du retour, la France offre de l’or, mais aussi de la farine, des viandes salées, du vin et des eaux-de vie.
C’est au moment où le jeune Louis XIV prend en main personnellement les affaires du royaume en montant sur le trône en 1661 à l’âge de 21 ans que les nouveaux territoires d’outre-mer entrent dans la ligne de mire pour qu’ils soient rattachés à la couronne (p. ex. la Martinique, la Guadeloupe ou l’île Bourbon où le premier gouverneur, Étienne Regnault, débarque en 1665).
Le premier comptoir de la Compagnie française des Indes orientales est installé à Surate en 1668, puis Bellanger de Lespinay, « officier de la garde de Jacob Blanquet de La Haye, commandant en chef de l’Escadre de Perse, composée de neuf vaisseaux de guerre dont la mission était d’apporter un soutien logistique à la Compagnie royale des Indes » fonde un deuxième comptoir sur la côte inhospitalière du Coromandel pour concurrencer les Hollandais. Cette « bourgade » appelée alors « Poudou Cheri » entre dans l’histoire de France lorsque la Compagnie des Indes obtient cette zone d’un prince maure en 1673, Sher Khân Lodi, lequel gouverne cette région sous l’autorité du sultan de Bijapur. Après avoir essayé en vain d’attirer les Hollandais, Sher Khân Lodi propose ce bout de terre aux Français pour qu’ils y installent des activités de commerce en échange du droit de séjour. Un an plus tard, en janvier 1674, un autre employé de la Compagnie des Indes, François Martin (1674-1706), personnalité fort remarquable , viendra s’établir dans le comptoir français pour soutenir Bellanger dans son entreprise et deviendra le premier gouverneur et véritable bâtisseur de Pondichéry. Bellanger quittera à nouveau Pondichéry avec toute l’escadre, mais laissera derrière lui soixante marins de La Diligente, six Français, deux capucins ainsi qu’un chirurgien de marine. Voilà la composition de la première communauté française de Pondichéry. Martin fera entreprendre d’importants travaux pour construire une ville qui deviendra splendide et prospère en deux générations et transformera le port de pêche en tête de pont des intérêts commerciaux de la France en Inde.
Cependant il faudra attendre dix ans avant que ne s’établisse un échange maritime permanent avec le Saint-Assise qui assurera le commerce entre la France et Pondichéry. Lorient est le port principal d’armement des vaisseaux de la Compagnie des Indes. Les navires dont la navigation est commandée par le rythme de la mousson, appareillent de Lorient en plein hiver pour faire une première escale de quelques jours aux Iles du Cap-Vert ou à Gorée, puis ils contournent le Cap de Bonne-Espérance et se ravitaillent à nouveau aux Mascareignes (Ile de France ou Ile Bourbon) d’où ils mettent encore six semaines avant d’arriver à destination, ce qui correspond à quatre ou cinq mois de trajet à haut risque.
En 1686, Martin entreprendra la fortification du port afin d’abriter les marchands français et protéger les artisans indiens travaillant au service de la Compagnie des Indes. C’est de cette époque que date aussi la première « rue des Français », l’actuelle rue Dumas qui se trouve à l’extérieur du fort. Le nombre total des habitants européens s’élève alors à environ 200 personnes.
En dehors de Pondichéry les Français regroupent quatre autres possessions en Inde du sud. En 1688 François Martin obtient l’autorisation de faire du commerce avec Karikal et plus tard avec Yanam, tous deux situés sur la côte de Coromandel. En 1690 est fondé le comptoir de Chandernagor au Bengale, puis de Mahé en 1721 sur la côte de Malabar.
Toutefois Pondichéry est occupée par son rival hollandais en 1693, puis reprise par les Français en 1699 selon l’article VIII du traité de Ryswick (21 septembre 1697). La politique de Louis XIV ne se limite pas au théâtre européen, mais se joue sur la scène du monde avec un fort soutien naval. Entre 1698 et 1705 il enverra quatre escadres dans les établissements en Inde pour réduire la puissance hollandaise. A Pondichéry on continuera cependant à reconstruire la ville selon le plan en damier esquissé par les Hollandais pour redonner toute sa splendeur au centre des intérêts français en Asie. Ce plan, dit « des Augiers », dessiné en 1699 et mis au jour par Nicolas de Fer, montre le Pondichéry avec le « fort long » et les établissements français bien séparés de la ville noire des indigènes à l’est.
Nicolas de Fer: Plan de Pondichéry à la côte de Coromandel occupé par la Compagnie Royale des
Indes Orientales, Paris 1705. © Musée du quai Branly – Paris / Commons wikimedia.
En 1703, pour renforcer la défense, François Martin fait construire une nouvelle forteresse à la Vauban, digne de ce nom, le fort Saint-Louis, qui deviendra le centre du quartier français. C’est de part et d’autre de la rue des Français que se développera la Ville blanche, appelée alors quartier Saint-Laurent tandis que le quartier Saint-Joseph qui fait symétrie au quartier français sera habité par les indiens tamouls. L’architecture tamoule des maisons et de deux temples d’époque en sont le témoignage. Avec l’accroissement de la communauté, Martin décide de tracer deux autres rues parallèlement à la rue Dumas (rue des Français), la rue des Capucins (aujourd’hui rue Romain Rolland) et la rue du Pavillon (rue Suffren). La construction du palais du gouverneur, d’un bazar, de magasins et de boutiques représente la vitrine d’une ville et d’un Empire français qui compte 40 000 habitants à la mort de François Martin en 1706 après avoir passé trente-huit années dans les Indes.
En 1718 la population passe déjà à soixante mille habitants et le chiffre de cent mille sera atteint en 1725. Le cloisonnement de la société blanche reste cependant très marqué. La majorité des habitants se composant d’indiens musulmans ou hindous, l’effort d’évangélisation par les capucins et surtout les jésuites sera très acharné. Puis on manque cruellement de femmes pour peupler le comptoir. Pouchot de Chantassin écrit à ce propos : « Les femmes étant rares dans le Pondichéry de François Martin, des Français épousèrent des Portugaises venues par exemple de San Tome (…) qui font assez chérir le pays à nos soldats pour qu’ils ne souhaitent pas retourner en France ». D’autres Français ou Européens se sentent attirés par les Indiennes, « comme le chevalier de La Farelle qui leur trouve la physionomie des plus douces et le regard pénétrant ».
Peu de temps après le décès de François Martin les hostilités avec les Anglais reprennent et la ville tombe dans le chaos jusqu’à l’arrivée d’un nouvel administrateur, Pierre Lenoir en 1721. Il fait preuve d’une grande tolérance et lutte contre certains interdits de « caste » faisant des « intouchables » des sujets secondaires qui n’ont pas le droit d’utiliser les mêmes voies publiques que les autres habitants. Sur ordre du roi il fait lire une proclamation à chaque coin de rue qui est traduite par un interprète tamoul et stipule que « Le roi ne veut faire aucune distinction entre ses sujets quelles que soient leurs croyances, leur race, leur richesse ou leur pauvreté, par conséquent chacun peut, à cheval ou à palanquin, emprunter pour rentre chez lui les nouvelles voies percées. » . Souvent une famille française moyenne emploie jusqu’à dix ou douze domestiques indiens issus des basses castes qui sont exploités en raison de salaires dérisoires. En même temps ces domestiques pratiquent souvent la division du travail à l’excès, « le majordome refusant de donner le moindre coup de balai, et le jardinier affirmant qu’il perdrait sa caste s’il devait blanchir le linge ». Bien même que les castes nobles soient attirées parfois par les valeurs occidentales, la plupart restent des défenseurs dévoués, vigilants et assidus de l’hindouisme. Il n’y a que très peu d’employés hindous de la Compagnie des Indes qui franchissent le Rubicon pour se convertir au catholicisme. La conception de l’incroyable mosaïque de castes est souvent difficile à comprendre et reste obscure ou impénétrable pour les Européens.
En 1735 la ville comptera déjà cent mille habitants et sa splendeur est comparable à une bonne ville d’Europe. Selon le chevalier de La Farelle « cette ville a beaucoup gagné sous le gouvernement de M. Lenoir ; elle est changée si avantageusement en toutes choses qu’elle ne serait pas reconnaissable à ceux qui ne l’auraient pas vue depuis dix ans. » Lenoir partira en France et sera remplacé par Benoist Dumas, l’ancien directeur général pour les îles de Bourbon et de France (la Réunion et Maurice) qui a développé l’économie des Mascareignes depuis 1727. A Pondichéry son plus grand succès sera d’avoir obtenu la permission de battre monnaie, privilège qui apportera d’importants bénéfices à la Compagnie des Indes.
Ensuite la ville connaîtra à nouveau son heure de gloire avec l’arrivée de Joseph Dupleix (1742-1754). La population de Pondichéry compte alors 1 200 Européens et 120 000 Indiens. Dupleix résistera à l’attaque par terre et par mer évitant l’occupation de l’armée anglaise et fera de la ville pendant ses douze années de gouvernorat l’une des plus importantes place du marché indien et pour ainsi dire la capitale de l’inde française. Dupleix lui-même mène la vie d’un souverain et habite dans le nouveau palais du gouverneur à partir de 1752. En même temps la ville connaît un essor splendide et une période de prospérité et de luxe où l’argent coule à flots et où la Ville blanche, devenue un « Versailles indien », connaît une fête perpétuelle.
Louis Sergent Marceau , 1789 : Fin du siège de Pondichéry en 1748. Pondichéry, attaquée par terre et par mer par une forte armée anglaise résiste grâce à l'action de Dupleix - [Public domain], via Wikimedia Commons
A la même époque les voyageurs rapportent leur engouement pour l’exotisme et les récits de voyages connaissent un essor fulgurant entre 1665 et 1745. Le choix des sources ne fait pas défaut : il y a d’abord les Mémoires de François Martin lui-même qui tient un journal entre 1665 et 1696 fort de 1600 à 1700 pages pour informer les directeurs de la Compagnie des Indes sur les activités commerciales, mais aussi pour les renseigner sur les coutumes, manières et habitudes des gens qu’ils fréquentent. Puis il y a la correspondance des jésuites et autres missionnaires et le livre célébrissime de l’époque de l’Abbé Raynal sur l’Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes (1713-1796). D’autres livres qui circulent à Paris sont le Journal du Voyage des Indes de Robert Challe (1690) , le Voyage du Sieur Luillier aux Grandes Indes, avec une instruction pour le commerce des Indes Orientales (1702) et l’ouvrage de Le Gentil Voyages dans les mers de l’Inde fait par ordre du Roi (1779) Au 19ème siècle, c’est la Correspondance (1801-1832) de Victor Jacquemont qui sera la plus prisée par les lecteurs, mais aussi le Souvenir d’un voyage dans l’Inde exécuté de 1834 à 1839 d’Adolphe Delessert (1843). – Pour la période de 1757 à 1818 nous renvoyons au très bel ouvrage de Florence D’Souza Quand la France découvrit l’Inde : Les Ecrivains-voyageurs français en Inde, 1757-1818, Paris, Harmattan 1995, et notamment à son abondante bibliographie (p. 337-350) qui illustre la richesse des publications d’époque consacrées à l’Inde. En 2013 Jean-Claude Perrier publie son voyage « Dans les comptoirs de l’Inde ». Mahé, Pondichéry, Karikal, Yanaon, Chandernagor « (Imperiali, Collection Genua, 102 p.). Ce carnet de voyage original et vécu dans les cinq anciens comptoirs français, abondamment illustré de photos prises par l’auteur, est une belle illustration de l’inde francophone du début de 21ème siècle.
Cependant le ciel serein de Pondichéry commence à nouveau à s’assombrir vers le milieu du 18ème siècle. Les conflits franco-britanniques en Europe et en Amérique seront fatals à Pondichéry. Bien même que Dupleix ait pu étendre le territoire de la ville au sud, les conflits avec les Britanniques troublent les échanges commerciaux et Dupleix est rappelé en France en 1754. Deux années après son départ, la guerre éclate à nouveau (1756) et aboutit d’abord au siège de Pondichéry en 1760, puis à la destruction de la ville en 1763. L’armée anglaise remet Pondichéry à Pigot qui « fait raser la ville, détruire tous les bâtiments civils et militaires, y compris le palais à colonnes de Dupleix ». Deux ans après sa destruction, écrit l’astronome Le Gentil, « les herbes, les ronces, les épines, avaient recouvert une partie des ruines de la ville, ce qui offrait à la vue un objet de confusion et de la plus grande horreur. Pondichéry, cette ville si célèbre du temps de M. Dupleix, il n’y avait pas plus de douze ans, était devenue comme Jérusalem, le repaire des couleuvres et des serpents. »
Gravure réalisée un an après la destruction de Pondichéry par les troupes anglaises, 1762,
J Mac Lean, Archives anglaises - [Public domain], via Wikimedia Commons
C’est par le traité de Paris en 1763 que les Français perdent leur influence en Inde ainsi que leur premier empire colonial en Amérique du Nord. Cependant la ville de Pondichéry ainsi que les quatre comptoirs de Karikal, Yanam, Mahé et Chandernagor seront restitués aux Français par ce même traité et Pondichéry renaîtra à nouveau de ses cendres.
La Compagnie des Indes a été durement touchée par la guerre de Sept Ans, notamment par la perte d’une grande partie de sa flotte. En 1775 la Couronne décide de reprendre en main elle-même la responsabilité de l’administration des dernières colonies françaises en Inde et la Compagnie des Indes, soupçonnée d'activités contre-révolutionnaires pendant la Terreur de la Révolution, est dissoute définitivement en 1795. La période des troubles perdurera et les comptoirs pris et rasés par les Britanniques ne seront restitués définitivement à la France qu’en 1816 conformément au Traité de Paris (1815). Ce qui est essentiel, c’est que Pondichéry survivra et développera les premières filatures mécaniques en Inde lui permettant de commercer avec les Mascareignes, le Bengale, la Birmanie et Singapour. Pondichéry enverra aussi à Marseille les arachides indispensables à l’huilerie et à la savonnerie locales. Après l’abolition de l’esclavage en 1848, Pondichéry contribuera au peuplement de la Réunion et des Antilles en envoyant plus de cent mille engagés indiens qui doivent servir de main-d’œuvre en absence d’esclaves noirs.
Pendant le XIXe siècle plusieurs gouverneurs se succèdent et d’autres produits d’échange se développent avec plus ou moins de succès : le cuir, l’élevage de vers à soie, la canne à sucre, le tabac ou encore l’indigo. C’est pendant le Second Empire et Napoléon III que les activités à Pondichéry deviennent à nouveau particulièrement florissantes. Toutefois la ville est déjà partagée entre la partie « noire », insalubre et la ville « blanche » où les Français résident dans l’abondance. La chute de l’Empire et l’avènement de la Troisième République instaurent les premières élections libres en 1880, et la ville servira de refuge au célèbre révolutionnaire Sri Aurobindo chassé par les autorités indiennes à cause de ses engagements virulents pour l’indépendance de l’Inde. Quand il débarquera à Pondichéry en 1910, il n’en repartira plus jamais.
La ville de Pondichéry participe financièrement à la première Guerre Mondiale et se rallie aux forces libres du Général de Gaulle pendant la deuxième Guerre Mondiale. Encore aujourd’hui le culte voué à de Gaulle est présent chez les Pondichériens. Après la décolonisation de l’Inde britannique et l’accession à la souveraineté nationale (1947) d’un État qui allait devenir la plus grande démocratie du monde, le maintien des anciens comptoirs de la France sous forme d’enclaves territoriales devient un anachronisme. Il est alors inévitable qu’un processus semblable de libéralisation se produise pour les possessions françaises et qu’il aboutisse au même résultat, la réunification immédiate avec l’Inde indépendante. La France veut régler ce différend par des négociations et sans entrer dans un conflit ouvert. Le processus de détachement va cependant s’échelonner de 1951 à 1954, date à laquelle les quatre établissements de Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanam, toujours sous juridiction française, sont transférés de facto à l’Inde, seulement quelques mois après Diên Biên Phû et le même jour que « La Toussaint rouge » qui déclenche la guerre d’Algérie. L’intégration de jure n’interviendra que le 16 août 1962, soit 15 ans après l’accès de l’Inde à l’indépendance et un mois après l’indépendance de l’Algérie.
Mise à jour le Samedi, 22 Août 2015 16:12