La
pédagogie actionnelle (Overmann, 2012) |
La pédagogie de projet | La pédagogie de la tâche |
La méthode /
l'approche
traditionnelle |
naturelle |
directe |
active |
audio-orale | audio-visuelle |
communicative (1) (2) |
Diverses conceptions de l'einseingement-apprentissage | Constructivisme et socio-constructivisme |
1.
La méthodologie traditionnelle.
La méthodologie
traditionnelle est également appelée méthodologie classique ou
méthodologie
grammaire-traduction. Elle était utilisée en milieu scolaire pour
l’enseignement du latin et du grec. Puis elle a constitué une méthode
d’apprentissage des langues modernes qui ont par conséquent été
considérées
comme des langues mortes. Elle a été largement utilisée dans
l’enseignement
secondaire français dans la seconde moitié du XIXème siècle. Il
s’agit
d’une méthodologie qui a perduré pendant plusieurs siècles et qui a
contribué
au développement de la pensée méthodologique. D’après Christian Puren,
la
méthodologie traditionnelle a donné lieu entre le XVIIIème et le XIXème
siècles
à des variations méthodologiques assez importantes, et a subi toute une
évolution interne qui a préparé l’avènement de la méthodologie directe.
Le
but essentiel de
cette méthodologie était la lecture et la traduction de textes
littéraires en
langue étrangère, ce qui plaçait donc l’oral au second plan. La langue
était
conçue comme un ensemble de règles et d’exceptions que l’on
retrouvait et
l’on étudiait dans des textes et qui pouvaient être rapprochées de la
langue
maternelle. Cependant on accordait plus d’importance à la forme
littéraire
qu’au sens des textes, même si celui-ci n’est pas totalement négligé.
Par
conséquent il existe une langue “normée” et de qualité, celle utilisée
par les
auteurs littéraires qui devait être préférée à la langue orale et
imitée
par les apprenants afin d’acquérir une compétence linguistique
adéquate. La
culture était perçue comme l’ensemble des oeuvres littéraires et
artistiques
réalisées dans le pays où l’on parle la langue étrangère.
Au
XVIIIème siècle,
la méthodologie traditionnelle utilisait systématiquement le thème
comme
exercice de traduction et la mémorisation de phrases comme technique
d’apprentissage de la langue. La grammaire était enseignée de manière
déductive
( on présentait d’abord la règle, puis on l’appliquait à des cas
particuliers
sous forme de phrases). C’est à cette époque que s’est répandue
l’utilisation
d’un métalangage grammatical dans l’enseignement des langues; un
métalangage
dont l’héritage persiste encore aujourd’hui.
Au
XIXème siècle, on
a pu constater une évolution de la méthodologie provoquée par
l’introduction de
la version-grammaire dont les pratiques consistaient à découper en
parties un
texte de la langue étrangère et le traduire mot à mot à la langue
maternelle.
Cette traduction était le point de départ d’une étude théorique de la
grammaire, qui n’occupait plus une place de choix dans l’apprentissage
et ne
pouvait donc plus être graduée par difficultés. Par conséquent, les
points
grammaticaux étaient abordés dans l’ordre de leur apparition dans les
textes de
base.
L’instruction
de
l’Education Nationale du 18 septembre 1840 donnait une explication très
précise
de la méthodologie traditionnelle et de son application en classe de
langue
étrangère dans les lycées de l’époque:
La
première année (...) sera consacrée tout entière à la grammaire et à la
prononciation. Pour la grammaire, les élèves apprendront par c½ur pour
chaque
jour de classe la leçon qui aura été développée par le professeur dans
la
classe précédente. Les exercices consisteront en versions et en thèmes,
où sera
ménagée l’application des dernières leçons. (...) Pour la
prononciation, après
en avoir exposé les règles on y accoutumera l’oreille par des dictées
fréquentes,
et on fera apprendre par c½ur et réciter convenablement les morceaux
dictés.
(...) Dans la seconde année (...) les versions et les thèmes
consisteront
surtout en morceaux grecs et latins qu’on fera traduire en anglais et
en
allemand, et réciproquement. (...) Dans la troisième année,
l’enseignement aura
plus particulièrement un caractère littéraire.[1]
Etant
donné le
faible niveau d’intégration didactique que présentait cette
méthodologie, le
professeur n’avait pas besoin de manuel, il pouvait en effet choisir
lui-même
les textes en fonction de leur valeur littéraire (subjective, bien
évidemment)
sans tenir vraiment compte de leurs difficultés grammaticales et
lexicales.
Dans ces conditions, il n’existait aucun schéma de classe et les
activités se
juxtaposaient dans un ordre aléatoire. C’est l’enseignant qui dominait
entièrement la classe et qui détenait le savoir et l’autorité, il
choisissait
les textes et préparait les exercices, posait les questions et
corrigeait
les réponses. La langue utilisée en classe était la langue maternelle
et
l’interaction se faisait toujours en sens unique du professeur vers les
élèves.
L’erreur n’étant pas admise, le professeur la corrigeait
systématiquement comme
s’il s’agissait d’un outrage à la langue “normée”, la seule admissible.
Le
vocabulaire était
enseigné sous forme de listes de mots présentés hors contexte et que
l’apprenant devait connaître par c½ur. En effet, le sens des mots était
appris
à travers sa traduction en langue maternelle. On peut donc
constater que
la méthodologie traditionnelle proposait un modèle d’enseignement
imitatif qui
n’admettait aucune variation créative de la part de l’élève. La
rigidité de ce
système et les résultats décevants qu’il apportait ont contribué à sa
disparition et à l’avènement d’autres théories plus attrayantes pour
les
élèves.
D’après
C. Puren,
dès le milieu du XVIIIème siècle, la demande sociale d’apprentissage
des
langues a évolué. On a alors besoin d’une connaissance plus pratique
des
langues étrangères. C’est ainsi qu’on assiste à la multiplication
d’ouvrages
didactiques qui se prétendent universalistes (ils visent des publics
hétérogènes et souvent professionnels) et que l’on a appelé “cours
traditionnels à objectif pratique” (CTOP). Dans ces cours, on remet en
question
la méthodologie grammaire-traduction et on prépare l’avènement de la
méthodologie directe. Les CTOP intègrent autour d’un texte de base des
contenus
grammaticaux gradés et réduits par rapport à la méthodologie
traditionnelle,
ils multiplient et varient les exercices de réemploi des formes
linguistiques
enseignées, et introduisent au fur et à mesure des besoins des
apprenants des
listes de vocabulaire organisées par rapport à des thèmes de la vie
quotidienne.
D’après
Henri Besse,
la méthodologie traditionnelle ne peut pas être considérée efficace
puisque la
compétence grammaticale des apprenants a toujours été limitée et que
les
phrases proposées pour l’apprentissage étaient souvent artificielles.
Remise en
question, la méthodologie traditionnelle coexistera vers la fin du
XIXème
siècle avec la méthode naturelle. Puis, à partir des années 1870 une
interminable polémique va opposer les traditionalistes aux partisans de
la
réforme directe jusqu’en 1902, date à laquelle une instruction
officielle
imposera d’une manière autoritaire l’utilisation de la méthodologie
directe
dans l’enseignement national, ce que C. Puren nomme “le coup d’état
pédagogique
de 1902”
et sur lequel nous nous
pencherons plus tard. Rodriguez,
Seara: L'évolution des méthodologies dans
l'enseignement du français
langue étrangère depuis la méthodologie traditionnel jusqu'à nos jours,
2004, 19 p. Dossier word
2. La
méthode naturelle (Méthode des séries de F.
Gouin.)
La
méthode naturelle
se situe à la fin du XIXème siècle et a coexisté avec la méthodologie
traditionnelle de grammaire-traduction bien qu’elle suppose une
conception de
l’apprentissage radicalement opposée aux idées précédentes. La théorie
de F.
Gouin naît de l’observation de ses propres problèmes pour apprendre
l’allemand
par une méthode traditionnelle et de l’observation du processus
d’apprentissage
de la langue maternelle par son petit-neveu. Il a en effet été le
premier à
s’interroger sur ce qu’est la langue et sur le processus
d’apprentissage d’une
langue pour en tirer des conclusions pédagogiques. Pour F. Gouin, la
nécessité
d’apprendre des langues viendrait du besoin de l’homme de communiquer
avec
d’autres hommes et de franchir ainsi les barrières culturelles. C’est
pourquoi
il faut enseigner l’oral aussi bien que l’écrit, même si l’oral doit
toujours
précéder l’écrit dans le processus d’enseignement-apprentissage.
C’est
à partir de la
méthode de F. Gouin que les méthodes didactiques vont se baser sur des
théories
de l’apprentissage (psychologiques, sociologiques, linguistiques,
etc.).
Selon
F. Gouin,
l’apprentissage d’une langue étrangère doit se faire à partir de la
langue
usuelle, quotidienne, si l’on prétend que cet apprentissage ressemble
le plus
possible à celui de la langue maternelle par l’enfant. D’après lui, un
enfant
apprendrait sa langue maternelle par un principe “d’ordre”: il se
ferait
d’abord des représentations mentales des faits réels et sensibles, puis
il les
ordonnerait chronologiquement et enfin il les transformerait en
connaissances
en les répétant dans le même ordre, après une période “d’incubation” de
cinq à
six jours. L’enfant n’apprendrait donc pas des mots sans rapport, sinon
qu’il
ajouterait les nouvelles connaissances à son acquis personnel. La
langue étant
essentiellement orale, l’oreille serait l’organe réceptif du langage,
c’est
pourquoi l’enfant devrait être placé en situation d’écoute prolongée en
langue
étrangère. C’est pour cela que pour C. Germain, F. Gouin peut
être
considéré comme le pionnier de l’immersion et le premier à avoir primé
le sens
sur la forme et la proposition sur le mot.
F.
Gouin avait une
particulière conception de la langue que nous n’allons pas nous
attarder à
présenter ici, qui lui a permis de créer la méthode des séries.
Une
“série linguistique” étant pour lui une suite enchaînée de récits, de
descriptions, de thèmes qui reproduisent dans l’ordre chronologique
tous les
moments et phénomènes connus de ce thème. C’est ainsi qu’il dresse une
“série”
de phrases qui représentent dans l’ordre chronologique toutes les
actions
nécessaires pour, par exemple, aller puiser de l’eau. Il établit une
progression de thèmes de la vie quotidienne par difficultés. Cependant,
sa
méthode reste incomplète car il ne présente que quelques-unes des
séries
possibles.
En
dépit des
critiques qui ont été faites à la méthode naturelle de F. Gouin et de
la
difficulté de sa mise en place dans le système scolaire, il est
indéniable que
cette méthode a provoqué une certaine révolution en s’opposant
radicalement à
la méthodologie traditionnelle utilisée par ses contemporains.
Rodriguez, Seara: L'évolution des
méthodologies dans
l'enseignement du français
langue étrangère depuis la méthodologie traditionnel jusqu'à nos jours,
19 p. Dossier word
La
méthodologie
directe est considérée historiquement par C. Puren comme la
première
méthodologie spécifique à l’enseignement des langues vivantes
étrangères. Elle
résulte d’une évolution interne de la méthodologie traditionnelle
(apparition
des CTOP), et de la méthode naturelle qui a anticipé certains de ses
principes.
De plus, de nombreux facteurs externes dont nous parlerons plus tard
ont
impulsé son développement.
On
appelle
méthodologie directe la méthode utilisée en Allemagne et en France vers
la fin
du XIXème siècle et le début du XXème siècle. Elle s’est également plus
ou
moins répandue aux Etats-Unis. En France l’expression “méthode directe”
apparaît pour la première fois dans la Circulaire du 15 novembre 1901,
qui
l’opposait systématiquement à la méthodologie traditionnelle de
grammaire-traduction en raison de son principe direct. Dans cette
circulaire,
on oblige pour la première fois tous les professeurs de langue
étrangère à
utiliser une méthodologie unique, ce qui n’a pas manqué d’engendrer une
forte
polémique entre partisans et opposants du nouveau système
d’enseignement.
Dès
la fin du XIXème
siècle la France désirait s’ouvrir sur l’étranger. La société ne
voulait plus
d’une langue exclusivement littéraire, elle avait besoin d’un outil de
communication qui puisse favoriser le développement des échanges
économiques,
politiques, culturels et touristiques qui s’accélérait à cette époque.
L’évolution
des
besoins d’apprentissage des langues vivantes étrangères a provoqué
l’apparition
d’un nouvel objectif appelé “pratique” qui visait une maîtrise
effective de la
langue comme instrument de communication.
La
méthodologie
directe constituait une approche naturelle de l’apprentissage d’une
langue
étrangère fondée sur l’observation de l’acquisition de la langue
maternelle par
l’enfant.
Les
principes fondamentaux qui la définissent sont:
La
méthodologie
directe se base sur l’utilisation de plusieurs méthodes: méthode
directe,
active et orale.
Par
méthode directe
on désignait l’ensemble des procédés et des techniques permettant
d’éviter le
recours à l’intermédiaire de la langue maternelle dans l’apprentissage,
ce qui
a constitué un bouleversement dans l’enseignement des langues
étrangères.
Cependant l’opinion des méthodologues directs sur l’utilisation de la
langue
maternelle divergeait: certains étaient partisans d’une interdiction
totale
(thèse adoptée dans l’Instruction de 1908), tandis que la plupart
étaient
conscients qu’une telle intransigeance serait néfaste et préféraient
une
utilisation plus souple de la méthode directe.
Par
méthode orale on
désignait l’ensemble des procédés et des techniques visant à la
pratique orale
de la langue en classe. Les productions orales des élèves en classe
constituaient
une réaction aux questions du professeur afin de préparer la pratique
orale
après la sortie du système scolaire. L’objectif de la méthode orale
était donc
pratique. Le passage à l’écrit restait au second plan et était conçu
comme le
moyen de fixer par l’écriture ce que l’élève savait déjà employer
oralement,
c’est ce que certains ont nommé un "oral scripturé". D’après
l’instruction de 1902, la progression vers la rédaction libre passait
par la
dictée, puis par des reproductions de récits lus en classe et enfin par
des
exercices de composition libre.
Par
méthode active
on désignait l’emploi de tout un ensemble de méthodes :
interrogative,
intuitive, imitative, répétitive ainsi que la participation active
physiquement
de l’élève.
La
méthode interrogative
incitait les élèves à répondre aux questions du professeur, afin de
réemployer
les formes linguistiques étudiées. Il s’agissait donc d’exercices
totalement
dirigés.
La
méthode intuitive
proposait une explication du vocabulaire qui obligeait l’élève à un
effort
personnel de divination à partir d’objets ou d’images. La présentation
des
règles de grammaire se réalisait également à partir d’exemples, sans
passer par
l’intermédiaire de la langue maternelle. La compréhension se faisait
donc de
manière intuitive.
La
méthode imitative
avait comme but principal l’imitation acoustique au moyen de la
répétition
intensive et mécanique. Elle s’appliquait aussi bien à l’apprentissage
de la
phonétique qu’à celui de la langue en général.
La
méthode
répétitive s’appuyait sur le principe qu’on retient mieux en répétant.
La
répétition pouvait être extensive ou intensive. Cependant l’emploi
intensif du
vocabulaire donnerait lieu à une inflation lexicale incontrôlable et
négative
pour l’enseignement-apprentissage de la langue.
Finalement,
l’appel
à l’activité physique de l’élève pour la dramatisation de
saynètes, la
lecture expressive accompagnée par des mouvements corporels, etc.
permettrait
d’augmenter la motivation chez l’apprenant.
On
peut estimer que
c’est à partir de la méthodologie directe que la didactique des langues
vivantes étrangères a fait appel à la pédagogie générale: on tenait en
effet
compte de la motivation de l’élève, on adaptait les méthodes aux
intérêts, aux
besoins et aux capacités de l’élève, en faisant progresser les contenus
du
simple au complexe. C’est pourquoi C. Puren estime que la rupture entre
la
méthodologie traditionnelle et la méthodologie directe “se situe au
niveau de
la pédagogie générale de référence”[3] ce
qui suppose une grande nouveauté dans l’enseignement scolaire.
Le
déclin de la
méthodologie directe fut provoqué par des problèmes aussi bien internes
qu’externes. Les problèmes internes les plus importants ont été
l’incontrôlable
inflation lexicale et l’intransigeance dans l’utilisation de la langue
maternelle. En ce qui concerne les problèmes externes ont peut citer le
refus
par les enseignants d’une méthodologie qui leur a été imposée par une
instruction officielle et l’ambition excessive de cette méthodologie
qui
exigeait des professeurs une excellente maîtrise de la langue orale
sans pour
autant offrir un recyclage massif des enseignants. Raison pour laquelle
L.
Marchand la qualifie de “véritable gaspillage d’énergie”.[4]
On peut
ajouter que la plupart des enseignants
ont contourné la méthodologie directe et se sont lancés dans une
période
d’éclectisme pendant laquelle ils utilisaient le manuel direct d’une
manière
traditionnelle, répondant vraisemblablement ainsi à un manque
d’identification
avec une méthodologie trop innovante. Rodriguez, Seara:
L'évolution des
méthodologies dans
l'enseignement du français
langue étrangère depuis la méthodologie traditionnel jusqu'à nos jours,
19 p. Dossier word
La méthodologie
active a été utilisée d’une manière généralisée dans l’enseignement
scolaire
français des langues vivantes étrangères depuis les années 1920
jusqu’aux
années 1960. Cependant on constate une certaine confusion
terminologique en ce
qui concerne cette méthodologie. En effet, on la nommait également
“méthodologie éclectique”, “méthodologie mixte”, “méthodologie orale”,
“méthodologie directe”, etc. Cette réticence à nommer cette nouvelle
méthodologie
révèle la volonté d’éclectisme de l’époque et le refus d’une
méthodologie
unique. Certains l’appelaient méthodologie de synthèse, considérant
qu’elle
représentait un compromis entre la méthodologie directe et la
méthodologie
traditionnelle, alors que d’autres, comme C. Germain, ne la considérant
pas
comme une méthodologie à part entière, préfèrent l’ignorer.
La méthodologie
active représente un compromis entre le retour à certains procédés et
techniques traditionnels et le maintien des grands principes de la
méthodologie
directe. Lieutaud estime “qu’elle est en quelque sorte une méthode
directe
assouplie...”[5]. C’est
pourquoi on peut dire que la
méthodologie active se veut une philosophie de l’équilibre.
Ce sont les
problèmes d’adaptation de la méthodologie directe en second cycle qui
ont
orienté dès 1906 les méthodologues directs vers une solution
éclectique. La
volonté d’intégration de l’enseignement des langues vivantes étrangères
dans
l’enseignement scolaire était devenu le principal souci des
méthodologues
actifs. Ils revendiquent un équilibre global entre les trois objectifs
de
l’enseignement-apprentissage: formatif, culturel et pratique. Faisant
preuve de
pragmatisme, ils permettaient l’utilisation de la langue maternelle en
classe.
En ce sens, on peut dire qu’ils ont réellement assoupli la rigidité de
la
méthode précédente. Ils n’hésitaient pas à intégrer tous les
procédés
compatibles avec les objectifs de la méthode, lui conférant ainsi un
caractère
éclectique, et proposaient une ouverture aux innovations techniques.
Cependant, cet
éclectisme technique n’a pas modifié le noyau dur de la méthodologie
directe,
ne faisant qu’introduire certaines variations. On constate ainsi un
assouplissement de la méthode orale qui rendait au texte écrit sa place
comme
support didactique. Cependant les textes de base étaient plus
souvent
descriptifs ou narratifs que dialogués.
On a également
privilégié l’enseignement de la prononciation à travers les procédés de
la
méthode imitative directe. La phonétique était enseignée à la manière
des
manuels d’anglais de l’époque et c’est avec l’instruction de 1969 que
s’est
développée l’utilisation des auxiliaires audio-oraux (gramophone,
radio,
magnétophone).
En outre on
constate
un assouplissement de l’enseignement du vocabulaire puisqu’on
n’interdisait
plus le recours à la langue maternelle comme procédé d’explication. Par
conséquent il était permis d’utiliser la traduction pour expliquer le
sens des
mots nouveaux. Cependant, dans tous les cours de FLE de cette époque on
retrouve des leçons sur des thèmes de la vie quotidienne dans
lesquelles on
utilisait des images pour faciliter la compréhension et éviter si
possible la
traduction du vocabulaire. D’autre part, on se souciait
particulièrement de
contrôler l’inflation lexicale, véritable bête noire de la méthodologie
directe.
L’enseignement
de la
grammaire s’est également assoupli. On a privilégié l’apprentissage
raisonné en
considérant que l’apprenant avait besoin de se rendre compte du
pourquoi des
phénomènes. On essayait donc d’éviter l’empirisme dans l’enseignement
de la
grammaire et on utilisait une démarche inductive qui privilégiait la
morphologie sur la syntaxe.
Avec la
méthodologie
active, l’enseignement du vocabulaire et de la grammaire ne se faisait
plus sur
le mode de la répétition intensive, on lui préférait plutôt la
répétition
extensive des structures.
De même la
méthode
active était amplement valorisée afin d’adapter les méthodes utilisées
à
l’évolution psychologique de l’élève et de créer une ambiance favorable
à son
activité puisque la motivation de l’apprenant était considérée comme un
élément
clé dans le processus d’apprentissage.
Cependant
l’instruction de 1969 va supposer une rupture avec la méthodologie
active et
favorisera le passage à la méthodologie audiovisuelle, répondant ainsi
à un
objectif pratique. Les méthodologies audio-orale et audiovisuelle
auront comme
objectif la recherche d’une cohérence maximale. C’est pourquoi elles
intègreront des théories de référence, comme le distributionnalisme et
le
béhaviorisme, et utiliseront de nouveaux matériels pédagogiques, comme
le
laboratoire de langues, le magnétophone, le projecteur de vues fixes,
entre
autres. Rodriguez, Seara: L'évolution des
méthodologies dans
l'enseignement du français
langue étrangère depuis la méthodologie traditionnel jusqu'à nos jours,
19 p. Dossier word
La
méthodologie audio-orale naît au cours de la deuxième guerre mondiale
pour
répondre aux besoins de l’armée américaine de former rapidement des
gens
parlant d’autres langues que l’anglais. On a alors fait appel au
linguiste
Bloomfield qui va créer “la méthode de l’armée”. Cette méthode n’a duré
en
réalité que deux ans, mais elle a provoqué un grand intérêt dans le
milieu
scolaire. C’est dans les années 1950 que des spécialistes de la
linguistique
appliquée comme Lado, Fries, etc. ont créé la méthode audio-orale
(MAO), en
s’inspirant des principes de la méthode de l’armée. Pour C. Puren
la MAO
américaine, comme la méthodologie directe française, un demi-siècle
plus tôt, a
été créée en réaction contre la méthodologie traditionnelle dominante
aux USA à
cette époque.
La méthodologie
audio-orale constituait un mélange de la psychologie béhavioriste et du
structuralisme linguistique qui a largement influencé l’enseignement de
la
grammaire grâce aux “pattern drills” ou “cadres syntaxiques”.
D’un point de
vue
linguistique, la MAO s’appuyait principalement sur les travaux
d’analyse
distributionnelle des disciples de Bloomfield. Ce type d’analyse
considérait la
langue dans ses deux axes: paradigmatique et syntagmatique. Ceci
explique que
les exercices structuraux (pattern drills, tables de substitutions,
tables de
transformations) proposaient aux apprenants d’effectuer sur les
structures
introduites en classe les deux manipulations de base: la substitution
des
unités les plus petites de la phrase ou la transformation
d’une
structure à une autre. Il s’agissait donc d’exercices de répétition ou
d’exercices d’imitation à partir desquels les apprenants devaient être
capables
de réemployer la structure en proposant de nouvelles variations
paradigmatiques.
La MAO
s’appuyait
également sur la psychologie béhavioriste créée initialement par J. B.
Watson
et développée postérieurement par B. F. Skinner. Le langage, selon
cette
théorie, n’était qu’un type de comportement humain et son schéma de
base était
le réflexe conditionné: stimulus-réponse-renforcement. Les réponses
déclenchées
par les stimulus étaient supposées devenir des réflexes, c’est-à-dire
des
acquis définitifs. C’est pourquoi le laboratoire de langues va devenir
l’auxiliaire privilégié de la répétition intensive car il
faciliterait la
mémorisation et l’automatisation des structures de la langue.
Le but de la MAO
était de parvenir à communiquer en langue étrangère, raison pour
laquelle
on visait les quatre habiletés afin de communiquer dans la vie de
tous
les jours. Cependant, on continuait à accorder la priorité à l’oral. On
concevait la langue comme un ensemble d’habitudes, d’automatismes
linguistiques
qui font que des formes linguistiques appropriées sont utilisées de
façon
spontanée. On niait la conception universaliste de la langue en
considérant que
chaque langue a son propre système phonologique, morphologique et
syntaxique.
Comme on ne considérait pas le niveau sémantique, la signification
n’occupait
pas une place prioritaire en langue étrangère. C’est pourquoi le
vocabulaire
était relégué au second plan par rapport aux structures syntaxiques. De
plus,
les habitudes linguistiques de la langue maternelle étaient
considérées
principalement comme une source d’interférences lors de l’apprentissage
d’une
langue étrangère; afin de les éviter, il était recommandé d’utiliser la
langue
étrangère en classe.
La MAO a été
critiquée pour le manque de transfert hors de la classe de ce qui a été
appris
et on a considéré que sa validité se limitait au niveau élémentaire. De
même, à
l’enthousiasme pour les exercices structuraux a succédé la déception.
En effet
les exercices ennuyaient les élèves, les démotivaient et le passage du
réemploi
dirigé au réemploi spontané ne se faisait que rarement.
D’un autre côté,
la
grammaire générative-transformationnelle chomskyenne s’est attaquée au
structuralisme linguistique bloomfieldien en lui reprochant de ne
s’intéresser
qu’aux phénomènes de surface et de négliger les structures profondes de
la
langue. Pour les générativistes, apprendre une langue ne consisterait
pas
seulement à acquérir “un simple système d’habitudes qui seraient
contrôlées
par des stimulus de l’environnement” mais à assimiler “un système
de
règles qui permet de produire des énoncés nouveaux et de comprendre des
énoncés
nouveaux”.
A partir du
début
des années 1960, on a assisté à une importante influence de la
linguistique sur la didactique du français langue étrangère.
L’expression
“linguistique appliquée” devient alors synonyme de “pédagogie des
langues” ce
qui révèle son influence sur la didactique des langues étrangères en
France.
Même si les références à la MAO et aux principes de la linguistique
appliquée
sont très nombreuses dans le discours didactique français de cette
époque,
cette méthodologie a eu une influence limitée en France parce qu’aucun
cours
audio-oral n’a été publié ni pour l’enseignement du FLE ni pour celui
des
langues vivantes étrangères en milieu scolaire. Rodriguez, Seara:
L'évolution des
méthodologies dans
l'enseignement du français
langue étrangère depuis la méthodologie traditionnel jusqu'à nos jours,
19 p. Dossier word
Méthode
audio-orale
Ensemble de principes méthodologiques (> Méthode 1) qui ont trouvé
leur expression la plus nette à partir de 1950 aux Etats-Unis et de
1960 en France, et qui s’appuient explicitement sur :
A partir
de
la deuxième guerre mondiale, l’anglais devient de plus en plus la
langue des
communications internationales et le français se sent alors menacé. La
France a
besoin de renforcer son implantation dans les colonies, de restaurer
son
prestige à l’étranger et de lutter contre l’essor de l’anglais. Elle va
faire
de l’enseignement du FLE une affaire d’Etat. C’est pourquoi le
Ministère de
l’Education Nationale a mis sur pied une Commission chargée de mettre
au
point “le français élémentaire” (rebaptisé plus tard français
fondamental),
conçu comme une gradation grammaticale et lexicale élaborée à
partir de
l’analyse de la langue parlée. C’est le linguiste G. Gougenheim et le
pédagogue
P. Rivenc entre autres qui sont chargés de cette mission en vue de
faciliter
l’apprentissage et par-là même la diffusion du français.
Les
méthodologues du CREDIF vont publier en 1954 les résultats de cette
étude
lexicale en deux listes: un français fondamental premier degré
constitué de
1475 mots, puis un français fondamental second degré comprenant 1609
mots. Le
français fondamental est considéré comme une base indispensable pour
une
première étape d’apprentissage du FLE pour des élèves en situation
scolaire. Il
désire leur proposer une acquisition progressive et rationnelle de la
langue
qui devrait leur permettre de mieux la maîtriser. Le français
fondamental a été
l’objet de beaucoup de critiques surtout d’ordre linguistique: pour
certains,
c’était un crime contre l’intégrité de la langue française, pour
d’autres,
il devait être actualisé car certains dialogues “fabriqués”
présentaient une
langue peu vraisemblable, il devait également tenir en compte les
besoins
langagiers et les motivations réelles du public visé. C’est ce que
prétendra
faire plus tard le CREDIF avec un Niveau Seuil.
C’est au milieu
des
années 1950 que P. Guberina de l’Université de Zagreb donne les
premières
formulations théoriques de la méthode SGAV (structuro-globale
audio-visuelle).
La méthodologie audiovisuelle (MAV) domine en France dans les années
1960-1970
et le premier cours élaboré suivant cette méthode, publié par le CREDIF
en
1962, est la méthode “Voix et images de France”.
La cohérence de
la
méthode audiovisuelle était construite autour de l’utilisation
conjointe de
l’image et du son. Le support sonore était constitué par des
enregistrements
magnétiques et le support visuel par des vues fixes. En effet, les
méthodes
audiovisuelles avaient recours à la séquence d’images pouvant être de
deux
types: des images de transcodage qui traduisaient l’énoncé en rendant
visible
le contenu sémantique des messages ou bien des images situationnelles
qui
privilégiaient la situation d’énonciation et les composantes non
linguistiques
comme les gestes, les attitudes, les rapports affectifs, etc.
Selon C.
Puren, la MAV française est une méthode originale, parce qu’elle
constitue une
synthèse inédite entre l’héritage direct, la méthodologie induite par
les
moyens audiovisuels et une psychologie de l’apprentissage spécifique,
le
structuroglobalisme. La MAV se situait dans le prolongement de la
méthodologie
directe tout en essayant de donner des solutions aux problèmes auxquels
s’étaient heurtés les méthodologues directs. Les didacticiens français
ont
également reconnu l’influence décisive américaine dans les débuts de
l’élaboration de la MAV française, cependant c’est Chomsky qui
influencera la
suite de son élaboration et la méthodologie finie.
Dans la
méthodologie audiovisuelle, les quatre habiletés étaient visées, bien
qu’on
accordât la priorité à l’oral sur l’écrit. La MAV prend aussi en compte
l’expression des sentiments et des émotions, non considérés auparavant.
Sur
le
plan de l’apprentissage, la MAV suivait la théorie de la Gestalt, qui
préconisait la perception globale de la forme, l’intégration par le
cerveau,
dans un tout, des différents éléments perçus par les sens. Dans le cas
des
langues, l’apprentissage passerait par l’oreille et la vue. La
langue
étant considérée comme un ensemble acousticovisuel, la grammaire, les
clichés,
la situation et le contexte linguistique avaient pour but de faciliter
l’intégration cérébrale des stimuli extérieurs.
D’après
C.
Puren, toutes les méthodes présentes dans la méthodologie directe se
retrouvent
organisées dans la MAV.
Pour
la méthode directe ce sont les images qui servent de point de départ
pour une
compréhension directe, c’est-à-dire sans passer par la langue
maternelle. Cette
méthode s’appliquera aussi bien à l’enseignement du lexique (sans
recourir à la
traduction en langue maternelle) qu’à l’enseignement grammatical
(sans
l’intermédiaire de la règle, l’apprenant saisit les règles de manière
intuitive). Comme la méthode directe, la méthode audiovisuelle
s’appuie
sur un document de base dialogué conçu pour présenter le vocabulaire et
les
structures à étudier.
En
ce qui concerne la méthode orale, le support audiovisuel remplace le
support
écrit. La forme “dialoguée” du dialogue de base vise à faciliter son
exploitation orale en classe. L’accent est placé dès le début sur la
correction
phonétique en évitant les interférences de la graphie.
La
méthode active est présente dans la MAV puisqu’on sollicite l’activité
de
l’élève à travers l’image qui stimule la motivation. Les personnages
présentés
dans les dialogues se veulent proches des élèves afin qu’ils
s’identifient à
eux. L’enseignement lexical et grammatical se fait d’une manière
intuitive. Le
vocabulaire de base est sélectionné et présenté à partir de centres
d’intérêt
inspirés du français fondamental.
La
méthode interrogative apparaît également car la MAV considère
nécessaire un
dialogue constant entre le professeur et la classe sans que celle-ci ne
dépende
entièrement de lui. En effet, grâce au support audiovisuel il est
possible de rompre le face à face élève-professeur.
La
méthode intuitive en fait aussi partie étant donné que l’image
audiovisuelle
permet au professeur d’éviter les “pitreries” auxquelles il était
condamné par
la méthodologie directe. Le dialogue sert à illustrer dans un
contexte un
nombre de mots usuels nouveaux par un procédé intuitif. En effet
l’élève
établit une association systématique du dialogue et de l’image chargée
de
représenter la situation de communication. La MAV se différencie de la
méthodologie directe parce qu’elle interdit toute explication
grammaticale. Les
exercices structuraux fonctionnent comme une technique d’application de
la
méthode intuitive intégrale en enseignement grammatical et c’est le
professeur
qui facilitera à l’élève au cours des exercices l’analyse implicite des
structures.
Et finalement
les
méthodes imitative et répétitive que l’on retrouve dans les exercices
de
mémorisation et dramatisation du dialogue de base, et dans les
exercices
structuraux réalisés au laboratoire ou dans les exercices écrits.
D’après H.
Besse, la
méthodologie Structuro-globale-audiovisuelle serait plus proche de la
méthodologie directe européenne que de l’audio-orale américaine et
présenterait
également des affinités avec la méthode situationnelle anglaise. En ce
sens la
SGAV aurait le mérite de tenir compte du contexte social d’utilisation
d’une
langue et permettrait d’apprendre assez vite à communiquer oralement
avec des
natifs de langues étrangères, mais n’offrirait pas la possibilité de
comprendre
des natifs parlant entre eux ni les médias.
Pour conclure,
l’une
des principales raisons du succès des méthodes audiovisuelles semble
correspondre au faible investissement qu’elles requièrent de ceux qui
les
pratiquent. Cependant la méthodologie SGAV est entrée en déclin et a
cédé sa
place à l’approche communicative basée sur d’autres théories
linguistiques (le
fonctionnalisme) et psychologiques (le cognitivisme). Rodriguez,
Seara: L'évolution des
méthodologies dans
l'enseignement du français
langue étrangère depuis la méthodologie traditionnel jusqu'à nos jours,
19 p. Dossier word
Méthode
audio-visuelle
Ensemble d’hypothèses méthodologiques qui ont trouvé leur expression,
en France en particulier, avec les travaux des équipes de Zagreb et de
Saint Cloud, à partir des années 1950. Ces hypothèses, ensuite
diversi-fiées et adaptées par d’autres méthodologues, s’appuient sur
les considérations, les choix et les principes suivants.
Au plan méthodologique :
L’approche
communicative s’est développée en France à partir des années 1970 en
réaction
contre la méthodologie audio-orale et la méthodologie audio-visuelle.
Elle
apparaît au moment où l’on remet en cause en Grande-Bretagne l’approche
situationnelle et où aux USA la grammaire
générative-transformationnelle de
Chomsky est en plein apogée. Elle est appelée approche et non
méthodologie par
souci de prudence, puisqu’on ne la considérait pas comme une
méthodologie
constituée solide. Quoique Chomsky ait beaucoup critiqué les méthodes
audio-orale et situationnelle, sa linguistique n’est pas directement la
source
de l’approche communicative. En effet, c’est la convergence de quelques
courants de recherche ainsi que l’avènement de différents besoins
linguistiques
dans le cadre européen ( Marché commun, Conseil de l’Europe, etc.) qui
a en
définitive donné naissance à l’approche communicative.
Il n’y a pas de
rupture dans les objectifs entre les méthodes structurales et la
méthode
fonctionnelle comme cela avait été le cas entre les méthodologies
directe et
traditionnelle. La différence se situe au niveau de la compétence: pour
les
structuralistes l’important est la compétence linguistique tandis que
pour les
fonctionnalistes il faut privilégier la compétence de communication,
c’est-à-dire l’emploi de la langue.
A ce moment-là
l’intérêt de nombreux psychologues, sociologues, pédagogues,
didacticiens s’est
porté sur les besoins d’un nouveau public composé d’adultes,
principalement de
migrants. En effet, la loi de juillet 1971 insistait sur le droit à la
formation continue, c’est pourquoi on a mis en place de nouvelles
structures
d’enseignement et de recherche pour donner naissance à une nouvelle
méthodologie. Pour sa part, l’enseignement des langues étrangères en
milieu
scolaire a cherché à s’approprier le système d’enseignement des langues
étrangères pour adultes insérés dans le monde du travail, ce qui a
produit une
brusque inversion du modèle éducatif de référence. En France
cette loi
sur la formation continue a permis d’obtenir des moyens financiers pour
la
création de deux ouvrages clés commandés par des organismes publics: un
Niveau
Seuil par le Conseil de l’Europe, et Analyse de besoins
langagiers
d’adultes en milieu professionnel par le Secrétariat d’Etat aux
Universités. Grâce à ces crédits et pour la première fois en didactique
des
langues on a pu composer des équipes de chercheurs pluridisciplinaires.
Dans les années
1960, la MAV se basait pour la sélection et la gradation linguistiques
sur des
listes de fréquence (Français Fondamental) supposées correspondre à la
langue
de base devant être acquise quel que soit l’usage postérieur de la
langue
étrangère. Mais au début des années 1970, les méthodologues de FLE se
sont
trouvés confrontés aux problèmes spécifiques posés par l’enseignement
du
français langue étrangère à des étudiants non-spécialistes de français,
dans
leurs pays, pour leur permettre l’accès à des documents écrits de
caractère
informationnel. Les choix d’objectifs, de contenus et de méthodes
étaient donc
motivés par la situation des pays concernés et par les besoins présents
et
futurs des étudiants de ces pays.
La MAV, même
adaptée
à un contenu scientifique, ne pouvait convenir à ce genre de public,
puisqu’elle donnait la priorité à l’expression orale, proposait une
acquisition
très progressive du lexique à partir d’un tronc commun et ne
travaillait pas
au-delà du niveau de la phrase. Cette approche fut appelée tout d’abord
français instrumental et par la suite français fonctionnel étant donné
la
diversité du public visé: ouvriers migrants, scientifiques,
techniciens,
étudiants en formation, etc. Contre l’approche universaliste de la MAV
s’imposait ainsi une approche diversifiée dont la préoccupation était
de
s’adapter aux besoins langagiers de chaque public. Toute une partie de
la
recherche en didactique des langues vivantes étrangères va s’orienter
dans les
années 1970 vers l’analyse des besoins avant même d’élaborer un cours
de
langue. Ceci provoque une nouvelle définition d’apprentissage:
Apprendre
une langue, c’est apprendre à se comporter de manière adéquate dans des
situations de communication où l’apprenant aura quelque chance de se
trouver en
utilisant les codes de la langue cible.
Le français
instrumental ne vise pas la communication orale, autrement qu’en
situation de
classe, il désire satisfaire un besoin de compréhension immédiat, il
s’agit
d’acquérir une compétence de compréhension. Il s’intéresse à la
compréhension
de textes spécifiques plutôt qu’à la production.
Le français
fonctionnel,
lui, est fondé sur les besoins langagiers réels des individus. Il
envisage une
relation de locuteur à locuteur dans certaines situations de
communication, et
selon certains rôles sociaux. Un Niveau Seuil est la tentative la
plus
importante d’élaboration d’un français fonctionnel pour l’enseignement
du
français à des étrangers adultes. On détermine les besoins langagiers
des
apprenants en fonction des actes de parole qu’ils auront à accomplir
dans
certaines situations. Cependant le français fonctionnel et le français
instrumental ont le même objectif pédagogique, celui de l’enseignement
volontairement limité plus ou moins utilitaire et répondant à un appel
urgent
d’un public spécialisé.
Jusque là en
enseignement scolaire les besoins langagiers étaient inconnus.
L’enseignant
fixait les contenus d’apprentissage à partir d’objectifs généraux.
D’après
Richterich l’enseignement d’une langue est étroitement lié au type de
public
auquel il s’adresse, il est donc indispensable de faire une description
minutieuse
du public visé. Même si la notion de besoin est ambiguë et se confond
parfois
avec intérêt, but, etc., l’élève demande d’autant plus de formation
qu’il a
lui-même une formation plus large. Néanmoins, il existe de nombreux
facteurs de
diversification des besoins des apprenants selon le pays où il habite
et les
contacts que ce pays entretient avec les pays où l’on parle la langue
étrangère, son niveau de langue, la filière choisie dans ses études et
les
propres différences entre individus.
L’évaluation des
besoins des apprenants en milieu scolaire restait cependant difficile à
établir
étant donné qu’ils étaient souvent incapables de les exprimer
clairement. Il
reviendrait donc au didacticien d’établir une liste de besoins plus ou
moins
généraux pour le milieu scolaire, de peur qu’on en arrive à supprimer
l’étude
des langues étrangères à l’école jusqu’à l’âge où l’apprenant puisse
communiquer personnellement ses besoins linguistiques. De même les
besoins ne
pouvaient être définis une fois pour toutes en début d’apprentissage
puisqu’ils
évoluent au cours même du processus d’apprentissage.
La notion de
besoin
langagier a été controversée et certains, comme D. Coste, pensent que
la notion
de besoin langagier n’aurait pas d’existence réelle. En effet, il n’y
aurait
que des besoins d’être et de se réaliser à travers le langage ou même
des
besoins de survivre dans le cas des migrants. En réalité seuls des
spécialistes
du langage comme les poètes et les écrivains auraient d’authentiques
besoins
langagiers, car ils utilisent la langue pour elle-même. De même,
pour H.
Besse, l’approche fonctionnelle se préoccuperait trop des besoins de
l’apprenant et pas assez de ce qu’il a appellé “ses potentialités
d’apprentissage”, c’est-à-dire ses propres stratégies d’apprentissage
et les
“savoir-apprendre” qu’il a déjà assimilés dans sa culture maternelle.
Pour les
méthodologues, les étudiants qui ont besoin d’apprendre le français
pour des
raisons professionnelles seraient motivés par une approche
fonctionnelle,
contrairement aux apprenants en milieu scolaire qui apprennent une
langue
étrangère par obligation.
Dans l’approche
communicative les quatre habiletés peuvent être développées puisque
tout dépend
des besoins langagiers des apprenants. La langue est conçue comme un
instrument
de communication ou d’interaction sociale. Les aspects linguistiques
(sons,
structures, lexique, etc.) constituent la compétence grammaticale qui
ne serait
en réalité qu’une des composantes d’une compétence plus globale: la
compétence
de communication. Elle prend en compte les dimensions linguistique et
extralinguistique qui constituent un savoir-faire à la fois verbal et
non
verbal, une connaissance pratique du code et des règles psychologiques,
sociologiques et culturelles qui permettront son emploi approprié en
situation.
Elle s’acquiert en même temps que la compétence linguistique. Il ne
suffirait
donc pas de connaître les règles grammaticales de la langue étrangère
pour
communiquer, il faudrait en plus connaître les règles d’emploi de cette
langue
(quelles formes linguistiques employer dans telle ou telle situation,
avec
telle ou telle personne, etc.). L’objectif est d’arriver à une
communication
efficace:
Les
tenants de l’approche communicative considèrent qu’une communication
efficace
implique une adaptation des formes linguistiques à la situation de
communication (statut de l’interlocuteur, âge, rang social, lieu
physique,
etc.) et à l’intention de communication (ou fonction langagière:
demander
d’identifier un objet, demander une permission, donner des ordres, etc.
De plus,
le
sens communiqué n’est pas toujours totalement identique au message que
le
locuteur a voulu transmettre, car le sens est le produit de
l’interaction
sociale, de la négociation entre deux interlocuteurs. En effet, lorsque
l’on
produit un énoncé rien ne garantit qu’il sera correctement
interprété par
notre interlocuteur.
Selon l’approche
communicative, apprendre une langue ne consisterait pas, comme le
croyaient les
béhavioristes et la méthode audio-orale, à créer des habitudes, des
réflexes.
Pour les psychologues cognitivistes, l’apprentissage est un processus
beaucoup
plus créateur, plus soumis à des influences internes qu’externes. C’est
pourquoi les exercices structuraux ont été critiqués car ils
provoquaient une
certaine lassitude chez les élèves et le professeur. On leur reprochait
d’être
purement mécaniques et de ne faire référence à aucune situation
concrète. Alors
que pour l’approche communicative les constructions ne devraient jamais
fonctionner hors des énoncés naturels de communication.
L’apprentissage
n’est plus considéré comme passif, recevant des stimuli externes, sinon
comme
un processus actif qui se déroule à l’intérieur de l’individu et qui
est
susceptible d’être influencé par cet individu. Le résultat dépend du
type
d’information présenté à l’apprenant et de la manière dont il va
traiter cette
information. L’enseignant devient ainsi “un conseiller”. Il doit
recourir à des
documents appelés “authentiques”, c’est-à-dire non conçus exclusivement
pour
une classe de langue étrangère.
L’approche
communicative présente, au moins pour la compréhension orale, diverses
formes
linguistiques destinées à transmettre un même message. On prend en
compte le
niveau du discours et on distingue entre cohésion (les relations
existant entre
deux énoncés) et cohérence (les relations établies entre des énoncés et
la
situation extralinguistique). On utilise en classe de préférence la
langue
étrangère, mais il est possible d’utiliser la langue maternelle et la
traduction. En ce qui concerne l’erreur, elle est considérée
inévitable.
Selon D. Coste,
l’acte de parole dans l’approche communicative est un outil d’analyse
encore
trop statique et manque de réalité psychologique. Les listes de
structures
morphosyntaxiques et de mots ont fait place aux listes d’actes de
parole et de
notions: on n’aurait alors pas dépassé le stade de la
description-inventaire.
D. Coste critique le fonctionnalisme pur et dur parce qu’il vise un
public
idéal et des enseignants surdoués, évoluant dans des situations
d’enseignement-apprentissage débarrassées des contraintes matérielles
et des
programmes scolaires classiques. Il estime que les apprenants en milieu
scolaire ne sont pas en mesure d’assumer leur éducation et que les
enseignants
sont insuffisamment formés pour appliquer correctement cette méthode.
Cependant
l’approche
fonctionnelle a eu le mérite de montrer qu’il n’est pas nécessaire de
disposer
d’un bon cours pour réaliser un bon enseignement, que l’apprenant
devait être
situé au premier plan, que l’écrit devait récupérer son statut et qu’il
n’est
pas nécessaire de suivre un cours général de langue pour atteindre un
objectif
spécifique. Rodriguez, Seara: L'évolution des
méthodologies dans
l'enseignement du français
langue étrangère depuis la méthodologie traditionnel jusqu'à nos jours,
19 p. Dossier word
La perspective
actionnelle prônée par le Cadre Européen Commun de Référence "considère
avant tout l'usager et
l'apprenant d'une
langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des
tâches
(qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances
et un
environnement donnés, à l'intérieur d'un domaine d'action
particulier. Si
les actes de paroles se réalisent dans une activité langagière,
celles-ci s'inscrivent elles-mêmes à l'intérieur d'actions en
contexte
social qui seules leur donnent leur pleine signification".
(2000, chap.2.1., p.15 ). Ces quelques lignes du CECR renferment
la clef pour une nouvelle approche didactique passant d'une approche
communicative à une perspective actionnelle (AC - PA) afin de
surrmonter les difficultés de communication rencontrées par les
professionnels des langues vivantes (CECR, p. 9).
La tâche est à relier à la théorie de l'approche actionnelle du cadre au sens de réalisation de quelque chose, d'accomplissement en termes d'actions. Autrement dit, l'usage de la langue n'est pas dissocié des actions accomplies par celui qui est à la fois locuteur et acteur social. Ceci peut aller du plus pragmatique (monter un meuble en suivant une notice) au plus conceptuel (écrire un livre, un argumentaire, emporter la décision dans une négociation). Dans cette perspective, la compétence linguistique peut être sollicitée en totalité (ex du livre), en partie (cas de la notice de montage), ou pas du tout (confectionner un plat de mémoire). La compétence linguistique est un type de compétence qui entre dans la réalisation de tâches.
On pourrait résumer, à ce stade, le cadre comme la somme de
niveaux de maîtrise de compétences (langagières ou non
langagières) entrant dans la réalisation de tâches.
Cette approche a des incidences sur les apprentissages et leur
conception car cela veut dire sérier les activités langagières et les
croiser, hiérarchiser les difficultés et associer le dire au faire.
"De tous les dispositifs s’inscrivant dans le cadre général d’une approche communicative, c’est l’apprentissage par tâches qui cherche le plus résolument à reproduire les conditions naturelles de la communication et à centrer la pédagogie sur les activités de l’apprenant. Le principe d’une telle démarche consiste à proposer comme élément central la mise en place de tâches communicatives dans une séquence qui les approche progressivement en complexité et en authenticité de la communication en situation naturelle (Long & Crookes, 1992). D’après une définition de Skehan (1998, 95), une tâche communicative comporte les caractéristiques suivantes : le sens prime sur la forme ; il y a un problème de communication à résoudre ; il existe un rapport avec des activités du monde réel ; l’achèvement de la tâche est prioritaire ; la tâche s’évalue en termes du résultat. La mise en ½uvre d’une tâche communicative entraîne en général, d’une part, la répartition des apprenants en binômes ou en petits groupes et, d’autre part, la création d’un écart d’informations entre différents locuteurs (information gap), les apprenants ayant pour but de diminuer cet écart par une activité communicative en L2.
L’utilisation de tâches comme outils pédagogiques s’inspire largement de l’idée qu’une communication authentique suffit pour déclencher une dynamique d’acquisition. Selon les thèses interactionnistes, une interaction asymétrique, telle qu’une communication exolingue, entraîne une négociation des sens, caractérisée par des demandes de clarification, des contrôles de compréhension, des auto- et hétéroreformulations, qui génère des processus plus ou moins implicites d’acquisition chez le locuteur faible en l’amenant à focaliser sur les formes langagières pour assurer sa participation dans la communication [3].
La position interactionniste semble pourtant valoir beaucoup moins pour le cas des tâches communicatives en contexte scolaire, où les élèves partagent une langue maternelle commune et possèdent à peu près le même niveau de compétences dans la langue cible. Des travaux antérieurs (Griggs, 2000, 2002 ; Nussbaum & al., 1999) montrent en effet que dans ces conditions les problèmes d’intercompréhension sont rares et que les tâches communicatives génèrent donc peu de négociation des sens. En outre, les apprenants ont souvent tendance à privilégier la communication à tout prix en mettant l’accent sur la fluidité de la production aux dépens de la correction linguistique et de la complexité du discours. La conséquence, traduite en termes du modèle cognitif, est que les règles procédurales qu’ils utilisent reposent trop sur la L1 et sur des structures lexicales mémorisées ou construites ad hoc, au détriment de la génération et de l’évolution de règles morpho-syntaxiques en L2, ceci provoquant une procéduralisation précoce, et donc une fossilisation, de certaines structures idiosyncrasiques. Par ailleurs, comme les tâches communicatives se réalisent généralement entre apprenants sans l’intervention directe d’un enseignant, il manque souvent au cours des interactions un modèle linguistique pouvant fournir l’input et le feedback textuels et grammaticaux nécessaires pour ajuster les productions des locuteurs aux normes conventionnelles de la langue cible.
Il ne suffit donc pas de
communiquer dans une classe de langues pour apprendre une langue
étrangère. Bien que les tâches communicatives créent des conditions
favorables, ce sont les conduites langagières que les apprenants
adoptent en les réalisant qui constituent le facteur le plus
déterminant pour leur apprentissage. D’après une étude déjà citée
(Griggs, 2000, 2002), les interactions les plus fructueuses du point de
vue acquisitionnel se caractérisent par un taux élevé d’activité
métalinguistique (auto- et hétéroreformulations, recours à L1…)
destinée non pas à l’intercompréhension mais à un travail, effectué
souvent en collaboration, de recherche de la forme conventionnelle de
la langue cible. Cela dit, l’enseignant a un rôle primordial à jouer
dans un dispositif d’apprentissage par tâches. Même s’il se tient à
l’écart au cours de l’activité communicative, il doit, lors d’une phase
préparatoire, mettre en place d’autres activités destinées à générer
l’input nécessaire pour alimenter les productions des élèves, et, lors
d’une phase d’évaluation, fournir un feedback permettant aux élèves de
prendre un recul métalinguistique par rapport à leurs productions..."
Würffel, Nicola (2006): Strategiengebrauch bei Aufgabenbearbeitungen in internetgestütztem. Tübingen: Narr (Giessener Beiträge zur Fremdsprachendidaktik).
Bausch, Karl-R./Burwitz-Melzer, Eva/Königs, Frank G./Krumm, Hans-J. (Hrsg.) (2006): Aufgabenorientierung als Aufgabe. Arbeitspapiere der 26. Frühjahrskonferenz zur Erforschung des Fremdsprachenunterrichts. Tübingen: Narr (Giessener Beiträge zur Fremdsprachendidaktik).
Pédagogie différenciée : tentative de réponse à l’hétérogénéité des classes par une adap-tation des démarches, des supports, des aides, des modes d’évaluation, etc., aux besoins des apprenants ou groupes d’apprenants. (Voir I.O. pour les classes de col-lège, pp. 22-24.) (d’après Y. Cossu, 1995)
La
pratique de la différenciation pédagogique
consiste à organiser la classe de manière à permettre à chaque élève
d'apprendre dans les conditions qui lui conviennent le mieux.
Différencier la pédagogie, c'est donc mettre en place dans une classe
ou dans une école des dispositifs de traitement des difficultés des
élèves pour faciliter l'atteinte des objectifs de l'enseignement.
Existe-t-il des dispositifs différents permettant d'atteindre un même
objectif pédagogique, ou peut-on déterminer des profils d'élèves à
qui certaines méthodes conviennent mieux que d'autres?
Remarque importante : il ne s'agit donc pas de différencier les
objectifs, mais de permettre à tous les élèves d'atteindre les mêmes
objectifs par des voies différentes.
Pourquoi parler de
différenciation ?
La
transformation du système
éducatif,
en particulier du premier cycle de l'enseignement secondaire (création
des Collèges d'Enseignement Secondaire à trois filières en 1963, et du
collège unique par René Haby en 1976) a placé les professeurs devant la
difficulté d'avoir à enseigner un même programme dans des classes
devenues très hétérogènes : différences de niveau scolaire et d'origine
sociale, arrivée au collège d'élèves dont les parents n'avaient pas
fait d'études secondaires et qui avaient donc plus de difficultés à
rentrer dans le nouveau contrat, etc...
Des expérimentations tendant à gérer ces
différences on été conduites dans les classes au cours des années 70,
impulsées par l'Institut National de la Recherche Pédagogique et
par des mouvements pédagogiques. En liaison avec ces innovations, une
réflexion s'est développée autour de l'idée de différenciation
pédagogique chez des auteurs qui étaient également les animateurs
de ces expérimentions, comme Louis Legrand (1), André de Peretti (2) et
Philippe Meirieu (3).
Ce courant, représentatif des préoccupations pédagogiques de l'époque,
privilégiait l'acquisition de méthodes par les élèves ; mais la prise
en compte des difficultés liées à l'apprentissage de contenus de
savoirs particuliers - le pôle "savoir" du triangle
didactique - s'est
peu à peu imposée par la suite.
Alors que l'enseignement primaire assume depuis le siècle dernier la
formation de l'ensemble de la population, la pédagogie différenciée
est apparue comme un moyen de faire face aux difficultés des premiers
apprentissages. Dans le cadre de l'organisation en cycles de l'école
primaire, les dispositifs de différenciation doivent permettre aux
enseignants de gérer des groupes classes dans lesquels certains élèves
n'ont pas atteint tous les objectifs du niveau considéré. On retrouve
donc au niveau d'une mesure institutionnelle des modalités
d'organisation du travail en classe traditionnellement mises en ½uvre
depuis longtemps dans l'enseignement primaire.
Il convient de souligner que pour les auteurs de la pédagogie
différenciée,
la classe homogène est un mythe - le mythe identitaire selon de Peretti
-, puisque l'enseignant recrée toujours de l'hétérogénéité à partir
d'un groupe homogène.
Qu'est-ce qu'un
dispositif de pédagogie différenciée ?
L'enseignant,
ou l'équipe
d'enseignants :
Qu'en est-il des
différences attribuées aux élèves ?
La
question des différences entre
élèves
est diversement appréciée
selon les auteurs et les acteurs :
Remarques
:
D'un
point de vue pratique, le choix de cette grille d'analyse est
évidemment le point crucial : elle doit être à la fois pertinente à
l'objectif et suffisamment simple pour être gérable.
D'un point de
vue théorique, il est difficile d'y voir clair : au débat scientifique
s'ajoutent des considérations idéologiques, certaines différences ne
sont pas fondées scientifiquement, d'autres sont vivement discutées,
d'autres encore relèvent de critères pragmatiques.
Comment adapter les
stratégies aux "profils" des
élèves ?
En
faisant varier certaines
caractéristiques du dispositif
pédagogique :
Après
de Peretti, beaucoup d'auteurs ont souligné que la différenciation
n'était pas forcément simultanée, mais qu'elle pouvait également être
successive : deux stratégies sont proposées successivement à la classe
pour deux tâches analogues (5).
Soulignons pour terminer que la stratégie choisie par l'enseignant peut
être conforme, ou contraire à celle que l'élève privilégierait
spontanément: cela dépend de l'objectif que l'enseignant se fixe à un
moment donné.
Peut-on connaître les
caractéristiques des élèves ?
Les
ouvrages sur la différenciation proposent des questionnaires ou des
entretiens à mener avec les élèves sur leurs méthodes de travail.
L'observation de leur comportement, l'analyse des questions qu'ils
posent, de leurs erreurs, des demandes d'aides qu'ils formulent,
constituent d'autres indices de leurs difficultés. Les contraintes
temporelles qui pèsent sur l'enseignement et ce que nous avons dit
précédemment des grilles d'analyse montrent les limites de ces
investigations, mais l'instauration de ce questionnement entre le
professeur et l'élève sur les modalités d'accès au savoir peut être
très utile.
En conclusion
"Projet"
apparaît au XV° siècle. C'est un terme dérivé du verbe "porjeter" qui
signifie en vieux Français "jeté dehors, au loin, en avant". De la
Renaissance à aujourd'hui quatre figures de la notion de projet se sont
succédées (1).
La première est celle du projet architectural, première forme de
division du travail entre la conception et la réalisation d'une ½uvre.
Au XVIII° siècle, le projet glisse de l'univers technique à l'univers
sociétal. Prédomine alors la figure du projet de société, portée par la
philosophie des Lumières, la croyance en la science et le progrès. Puis
s'impose au XIX° une troisième figure : le projet existentiel, concept
philosophique central de la phénoménologie et de l'existentialisme. Le
projet définit l'intentionnalité de l'homme, ce par quoi il va
instaurer une relation privilégiée avec son environnement et qui va
donner sens à son existence. Enfin, la dernière figure est celle du
projet individualisé, qui occupe tous les secteurs depuis le milieu des
années 70. Si l'on parle tant "projet" dans un contexte de crise, c'est
pour demander à l'individu d'orienter lui-même ses actions, dont la
société n'en produit plus le sens et n'en offre plus les cadres de
référence, en l'absence d'un projet sociétal global.
Le projet est en
effet,
par définition :
Il
est représentation et gestion de l'espace et du temps, rationalisation
et orientation de l'action. C'est un processus dynamique, moteur de
l'action, puisque par son projet l'individu vise non seulement une
situation future mais organise aussi très concrètement l'ensemble des
opérations nécessaires à l'avènement de cette situation. C'est
également un processus ouvert parce que tant que l'action anticipée
n'est pas factuelle, elle garde un caractère réversible. C'est là un
des caractères fondamentaux de tout projet. Un projet n'est pas un
carcan. Il n'est pas un cadre rigide et enfermant. Il n'est pas non
plus un contrat, une "convention par laquelle une ou plusieurs
personnes" s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à
faire ou à ne pas faire quelque chose" (Code civil)" (Le petit
Robert). Il est le fil conducteur évolutif et malléable à souhait d'une
histoire en devenir, un scénario possible parmi d'autres qui peuvent à
tout moment être privilégiés à la place du choix initial.
Avoir un projet suppose donc l'exploration d'un environnement ouvert.
Cela suppose que l'individu puisse agir sur son environnement, que ce
dernier ne soit pas entièrement déterminé. La notion de projet véhicule
une conception optimiste et humaniste des rapports sociaux : elle
sous-entend l'existence d'un champ accessible de possibles.
Par ailleurs, la démarche de projet est une démarche globale et
singulière. Globale parce que le projet forme un tout cohérent entre le
but visé et la démarche entreprise pour l'atteindre. Il englobe à la
fois l'élaboration, l'exécution, la gestion et l'évaluation de
l'action. Singulière parce qu'il propose une réponse spécifique à un
cas particulier.
Le projet dans
l'Education nationale
L'idée
de l'élève acteur de ses apprentissages n'est pas récente. Elle est
présente dès la première moitié du XX° siècle dans les courants
pédagogiques prônant les méthodes actives, comme la pédagogie ouverte
(Dewey) ou l'éducation nouvelle (Freinet, Montessori, Decroly). L'idée
de projet, elle, apparaît plus tard. Elle apparaît dans les textes
officiels au milieu des années 70, à une période marquée par la
pédagogie par objectifs, centrée sur
l'apprenant et la finalité des apprentissages.
Le premier moment de la politique de projet a été l'instauration en
1973 des "10% pédagogiques". Cette mise à disposition des
établissements secondaires d'un contingent horaire a été à l'origine de
nombreux projets pédagogiques innovants, d'expérimentations dans les
classes et les écoles. Ont suivi en 1979 les projets d'action
culturelle et éducative (PACTE), en 1981 les projets d'action
éducative (PAE) et les projets de zones d'éducation prioritaires
(ZEP), en 1989 le projet d'établissement et le projet
personnel de l'élève...
La liste est longue. Tous les niveaux du système éducatif
sont concernés : l'élève dans sa trajectoire scolaire ; les enseignants
dans leur pratique pédagogique ; le chef d'établissement et le
personnel non enseignant dans l'organisation et le fonctionnement de
l'établissement, dans la gestion du public accueilli ; les zones
d'éducation prioritaires
et les bassins de formation dans la gestion du réseau éducatif...
Personne n'y échappe. L'Education nationale de plus en plus confrontée
à des situations problématiques (échec scolaire, orientations mal
vécues, tensions...), comme la société globale, s'est mise à l'heure du
projet. Avec la loi d'orientation sur l'éducation de 1989,
l'élève est officiellement placé au centre du système éducatif.
C'est l'aboutissement du
mouvement d'individualisation des scolarités et
l'institutionnalisation de la mise en projet des pratiques scolaires,
amorcés dix ans plus tôt.
Si la notion de projet est omniprésente à l'Ecole, c'est parce qu'elle
joue un rôle essentiel : elle participe à la gestion institutionnelle
des dysfonctionnements. D'une part, elle permet de répondre au problème
de l'hétérogénéité du public scolaire qu'un même mouvement éducatif ne
permet plus d'embrasser et de mobiliser. Il appartient désormais à
chacun de trouver sa place dans la formation. D'autre part, elle permet
d'apaiser les tensions élève/institution en déplaçant le problème de
l'échec scolaire et des orientations subies du système vers l'individu.
En personnalisant les parcours, le projet renvoie la responsabilité des
scolarités difficiles sur les élèves.
Avec le projet, l'Education nationale laisse au "terrain" l'initiative
de résoudre les situations de crise, d'imaginer de nouveaux modes de
fonctionnement. Le projet est un outil central des politiques
éducatives.
Il permet de déléguer mais aussi d'évaluer la mise en ½uvre de ces
politiques. Cependant, pour évaluer les pratiques scolaires, encore
faut-il que les projets élaborés soient de vrais projets. C'est-à-dire
qu'ils reposent sur des actions concrètes, impulsées par la volonté
d'un individu ou d'une équipe, non des chartes fantômes reprenant les
généralités des textes dans le seul but de satisfaire à la demande
institutionnelle.
Les projets de
l'univers
scolaire
Au-delà
la dimension concrète des points abordés, ce type de projet détermine
la politique même de l'école ou de l'établissement : les orientations
prises en matière de notation, d'orientation, de lutte contre l'échec
scolaire, d'apprentissage de la lecture, de gestion des actes de
violence, d'ouverture sur l'environnement... Poser des objectifs
et des axes de travail commun permet d'intégrer les activités de chacun
dans l'action collective, de dynamiser et mobiliser tout ou partie de
l'équipe éducative dans la vie de l'établissement. Ceci est un point
non négligeable. En effet, une étude récente sur la violence en milieu
scolaire (3)
a montré l'importance de la mobilisation et de la cohésion interne de
l'équipe éducative dans la régulation des conflits. Or, le projet
d'établissement
peut être le moyen de faire émerger et de légitimer une image forte de
l'établissement, et de rassembler enseignants, personnel éducatif et
élèves autour de cette identité.
Se
projeter permet au jeune de se sentir impliqué dans l'évolution de sa
carrière scolaire, de "garder la face" (au sens goffmanien, 5)
dans une trajectoire sur laquelle les contraintes pèsent lourdement. Il
n'est plus seulement un élève, le projet lui rend son statut de
personne. Cependant, la demande institutionnelle de projet est porteuse
de paradoxes et d'illusions. La demande même de projet auprès d'un
public en difficulté est une injonction paradoxale. En effet,
l'expérience scolaire de ces élèves est tellement sous tension qu'elle
ne recèle "aucune des ressources du projet" (6).
En l'occurrence, la responsabilisation et l'autonomisation des choix
scolaire et professionnel, sous-jacentes à cette demande, fonctionnent
comme un miroir déformant. La formulation d'un projet d'orientation
n'implique pas forcément une grande liberté de choix des possibles. Ce
n'est pas parce que le jeune a un "projet-opératoire" qu'il a un
"projet-existentiel". Au contraire même, le premier peut légitimer
l'absence du second, et faire oublier aux "outsiders" du système que
les conditions de leur expérience ne permettent pas l'émergence d'un
"projet-liberté".
L'utilisation
des PAE, malgré l'idée qui est à l'origine de leur création, peut
s'accompagner d'effets pervers. Comme le montre une étude portant sur
le contenu de 430 projets "la nature des activités entreprises et les
objectifs poursuivis à travers les PAE varient sensiblement en fonction
de la composition du public scolaire" (8).
D'une manière générale en effet (mais non systématique) les activités
rattachées au monde du travail, aux relations humaines, à la vie
quotidienne, les productions matérielles et intellectuelles sont
davantage présentes dans les collèges dont le public est issu de milieu
modeste ou très défavorisé. Il semblerait que les actions mises en
place visent à préparer ces élèves à la réalité sociale qui les attend,
ou à "compléter" les connaissances transmises dans leur milieu. Les
activités artistiques elles, scolairement appréciées, sont surtout
l'apanage des collèges dont le public est issu des classes aisées.
L'auteur conclut ainsi à un maintien de la différenciation sociale
inter-établissements "dans le sens où les savoirs et les savoir-faire
transmis dans le cadre des PAE n'ont pas la même valeur en termes de
culture légitime".
A
partir d'études portant sur les
projets
et les actions menés en ZEP, Rochex pose la question de
"l'extraordinaire du projet contre l'ordinaire de la classe" (10).
En effet, ces études montrent la séparation existant d'une part entre
les activités hors classe menées dans le cadre du projet de zone
(jugées motivantes) et celles menées en classe (jugées ennuyeuses), et
d'autre part entre les actions socialisantes et les apprentissages. Ces
dichotomies posent problème :
Rochex
met ainsi en évidence le fait
qu'à
trop couper les activités
pédagogiques du projet de zone des activités pédagogiques de la classe,
l'on risque de s'éloigner de l'objectif premier : réduire l'échec
scolaire et améliorer les conditions de scolarité des enfants issus de
milieu défavorisé.
Le nouveau plan de relance des ZEP fait évoluer le
projet de zone vers un contrat de réussite
qui "doit reposer sur un diagnostic de la situation et des résultats
obtenus, en identifiant les causes de réussite et d'échec. Il
comportera des objectifs précis et des engagements mutuels pour la
réussite des élèves" (9c).
Portant sur une période de 1 à 4 ans, ce contrat engagera l'ensemble
des partenaires concernés ainsi que le recteur de l'académie. On aura
compris que ce contrat-là n'est pas de même nature que le contrat
didactique : il prend l'idée de contrat
dans le sens de ce terme en droit civil, tandis que le contrat
didactique fait référence au contrat social comme système
d'attentes implicites que nul ne peut décrire en entier.
Le passage d'une politique de projet à une politique de contrat, s'il a
indéniablement des avantages, comporte aussi ses limites. Le contrat
de réussite
lève les ambiguités d'une utilisation "molle" du projet : le
faire-semblant d'une initiative pour se débarrasser d'une "corvée"
institutionnelle, la diffusion d'un discours d'autonomie qui masque la
réalité contrainte, le caractère nébuleux des objectifs et du plan
d'action pour échapper à une évaluation perçue comme un contrôle...
Avec le contrat, les choses sont claires : les acteurs "s'engagent
mutuellement" à ½uvrer pour une plus grande réussite des élèves. Or, un
individu qui signe un contrat se doit de respecter ses
engagements. Cette obligation morale et institutionnelle, légalisée,
permet moins facilement de renvoyer la responsabilité sur les autres,
ou de s'en tenir à de simples intentions. Les actions projetées
gagneront sans doute en réalisme et en pertinence. De par sa nature et
son mode de fonctionnement, le contrat oblige à plus de pragmatisme
et de clarté. Pour autant, ce mode de fonctionnement n'est pas sans
faire question. En effet, le passage de la notion de projet à celle de
contrat implique de renoncer à l'un des caractères fondamentaux et
essentiels du projet : le caractère réversible de l'action projetée.
Or, avec le contrat les choses sont définies dès le départ : la marge
d'erreur et de liberté d'action risque de se réduire comme peau de
chagrin.
Fin
des années 80, Jean Vassillef a
développé une théorie de la pédagogie
du projet.
Il définit celle ci comme "une socio-pédagogie, ce qui signifie que les
compétences comportementales s'y acquièrent par le vécu direct d'une
mise en situation réelle. Dans cette optique
la formation n'est pas considérée comme un lieu de préparation des
compétences pour leur mise en action ultérieure (plus tard et ailleurs)
dans la réalité sociale, mais comme une institution sociale à part
entière, de même grandeur que les autres (c'est même l'une des plus
importantes), où chaque vécu prend la dimension immédiate de la réalité
sociale" (13). Si l'on retrouve dans sa conception le
principe fondamental de la pédagogie du projet,
Vassillef, fort de son expérience de formateur confronté à un public en
difficulté, va en faire une véritable pédagogie de l'autonomie.
Cette approche est surtout pertinente avec les adolescents (notamment
ceux en échec, en mal de projet ou dont l'expérience scolaire est
douloureuse), la capacité à analyser son histoire et à se projeter
étant insuffisantes chez les jeunes enfants. En effet, ici le projet ne
sert pas seulement les activités de la classe, il n'est pas non plus un
simple outil de l'orientation ou de l'insertion. Il est à la base de la
démarche d'autonomie de la personne, l'autonomie étant entendue comme
"vivre selon un projet existentiel authentique, en retirant dans le
présent la satisfaction de réaliser un projet d'anticipation personnel
bâti sur les valeurs cohérentes d'un désir dont on connaît la genèse"
(13).
Dans cette conception, la pédagogie de
projet
consiste à articuler passé-présent-futur pour aider les individus en
formation à élaborer un projet motivé, c'est-à-dire un projet
d'anticipation qui s'articule de façon logique avec le projet
existentiel ("ligne de conduite générale (que la personne) se
donne et à laquelle elle tendra à rapporter l'ensemble des actes de sa
vie" (13),
un projet personnel qui ne soit pas "décharné", mais qui s'enracine
dans l'histoire de l'individu et ait une signification profonde pour
lui.
Conclusion
Pour
des raisons historiques liées au développement des disciplines
scientifiques, les rapports entre enseignement et apprentissage
scolaires sont traités différemment selon les courants théoriques. Par
exemple lorsqu'on parle de théories de l'apprentissage, il est fait
référence généralement à des recherches psychologiques. Mais les
psychologues, qui ont étudié finement les processus individuels
d'apprentissage, ne peuvent pas dire grand chose, en tant que
psychologues, sur l'enseignement. On pourrait tenir des propos
analogues pour la sociologie de l'éducation qui propose des
explications externes au processus d'enseignement-apprentissage.
Ce
n'est que récemment, notamment par le biais des Technologies de
l'Information et de la Communication, qu'un regain d'intérêt pour l'apprentissage
par enseignement
à réactiver des problématiques déjà anciennes en sciences sociales. De
même que la création des IUFM conduit à réinterroger les courants
théoriques "classiques" pour les besoins de la formation des
enseignants. D'abord parce que pour certains d'entre eux il existe des
rapports étroits entre enseignement et apprentissage, tandis que pour
d'autres les deux processus peuvent être considérés de manière quasi
indépendante. Ensuite, parce qu'on ne forme pas de la même manière les
futurs professeurs selon que l'on considère l'enseignement comme devant
suivre le développement psychologique des enfants et assister les
élèves dans leurs apprentissages, ou que l'on considère l'enseignement
comme ouvrant sur le développement de capacités ou de compétences
intellectuelles qui nécessite l'apprentissage d'outils de pensée
spécifiques. Enfin, parce que ces courants théoriques n'échappent pas
aux idéologies et aux débats actuels sur les enjeux sociaux de l'école.
Diverses conceptions
de
l'apprentissage scolaire
En matière d'éducation ou de formation, l'apprentissage peut être considéré :
On
notera que si ces deux courants dominants s'opposent sur le plan
théorique ils se conjuguent cependant sur le plan idéologique comme en
témoignent les directives ministérielles concernant l'individualisation
de l'enseignement. Le
seul courant théorique qui ait proposé de considérer
l'enseignement-apprentissage comme un système est l'approche historico-culturelle
qui souligne l'importance du processus de transmission de signes et
d'½uvres socialement élaborés et du travail collectif dans
l'appropriation individuelle des savoirs.
Les courants
théoriques,
leurs rapports à
l'enseignement et l'apprentissage scolaire
Le
behaviorisme (ou
comportementalisme en français)
considère l'apprentissage comme une modification durable du comportement
résultant d'un entraînement particulier. Les mécanismes d'acquisition
se fondent sur les théories du conditionnement selon lesquelles
l'apprentissage consiste à établir une relation stable entre la réponse
que l'on souhaite obtenir et les stimulations de
l'environnement, à l'aide de renforcements
(positifs ou négatifs). Motivation, répétition et renforcements
positifs de la bonne réponse sont les ingrédients indispensables à tout
apprentissage. Pour obtenir le comportement
attendu, la matière à enseigner est découpée en unités de comportement,
un programme de renforcements (1) doit être prévu pour orienter
l'action vers les
stimulus cibles (apprentissage discriminatif), les répétitions
permettent d'assurer l'association stimulus-réponse.
Le
behaviorisme
a particulièrement insisté sur le délai entre la réponse fournie par
l'élève et le renforcement en retour délivré par le professeur. De
nombreuses études expérimentales ont pu montrer que plus ce délai était
bref, meilleure était la performance
finale. Par exemple, un délai de trois semaines pour rendre des copies
ne constitue pas de bonnes conditions pour que l'élève réorganise son
action. Dans les pratiques courantes d'enseignement, cette idée s'est
traduite sous la forme d'une évaluation immédiate ou "en temps réel"
selon le scénario suivant : exposé de la notion, exercice
d'entraînement, évaluation de ce que les élèves ont retenu, de façon à
adapter la prochaine leçon aux résultats obtenus. Une des conséquences
de ce type de pratique est la disparition "d'écrits longs", par
exemple, réalisés en classe ou à la maison.
Les
thèses behavioristes se
sont
cristallisées dans
l'enseignement programmé qui vise à installer un apprentissage sans
erreur en proposant une progression graduée des unités
comportementales. Les machines à enseigner (ancêtres des
ordinateurs) proposées par Skinner sont supposées fournir un programme
de renforcements adapté à chaque élève (1). Elles
assureraient, mieux que ne peut le faire l'enseignant, une meilleure individualisation
de l'enseignement (2).
Pour
le béhaviorisme, l'apprentissage est le résultat de l'enseignement qui
doit fournir des formes adaptées aux besoins des élèves. L'enseignement
doit parvenir à "un système d'éducation presque sans erreur" (2). La
qualité de l'enseignement consiste à fournir aux élèves des situations
stimulantes, des renforcements adaptés, des rétroactions correctrices
sous forme d'évaluation formative.
Cette dernière consiste à mettre en place un programme d'entraînement
qui assure l'atteinte par tous les élèves des objectifs prescrits.
Ainsi, le béhaviorisme fournit à l'enseignement des instruments comme
la pédagogie de maîtrise et l'évaluation formative
pour assurer les apprentissages des élèves. L'apprentissage est défini
comme le temps requis pour atteindre un objectif précis pour un niveau
de maîtrise déterminé (voir par exemple l'organisation en cycles à
l'école élémentaire). La variable temporelle est essentielle dans
l'apprentissage. Par exemple, de nombreuses études expérimentales ont
montré qu'un entraînement distribué dans le temps produit un
meilleur apprentissage qu'un entraînement massé
(cours regroupés, par exemple). Mais, visiblement, ce n'est pas sur de
tels résultats que se fonde la semestrialisation des formations à
l'université, par exemple.
Du point de vue de l'enseignement, la référence essentielle est celle
du préceptorat (2)
puisque lui seul permet d'individualiser les parcours de formation, de
prendre en compte les difficultés de chaque élève. Idées que l'on
retrouve dans les propositions ministérielles relatives à l'aide
individualisée, aux parcours diversifiés, aux technologies de
l'information et de la communication éducatives (T.I.C.E.). Cette
perspective, essentiellement pragmatique, évacue notamment le rapport
au savoir,
les difficultés conceptuelles des matières d'enseignement, le rapport
aux autres, l'analyse du travail du professeur, et la question des
rythmes scolaires ne prend pas en compte les rythmes d'apprentissage
des élèves puisque celui-ci est confondu avec le temps
d'enseignement.
Le
constructivisme,
considère l'apprentissage comme un processus de construction des
connaissances qui se réalise dans l'interaction entre le sujet pensant
et l'environnement dans lequel il évolue. Ces thèses accordent un rôle
essentiel aux actions et aux opérations réalisées par le sujet dans la
structuration de la pensée. Pour
construire ses connaissances, l'individu utilise les connaissances
antérieures comme moyen de représentation, de calcul et de réflexion
sur sa propre action. Les connaissances anciennes jouant le rôle de
processus d'assimilation des connaissances nouvelles (3). En d'autres
termes, ce qu'un individu va
apprendre dépend de ce qu'il sait déjà.
Les
thèses constructivistes proposent un modèle universel (système de
régulation propre aux systèmes vivants) du développement individuel de
l'intelligence, considérée comme une forme particulière d'adaptation.
Elles proposent ainsi un modèle du développement intellectuel
unidirectionnel et autonome ; c'est à dire interne au sujet et dont
l'évolution est indépendante de l'environnement (culturel, éducatif,
etc.) et, a fortiori, de l'enseignement.
Cette approche a
été largement reprise par les discours pédagogiques et les instructions
officielles. Elle fournit la rationalité qui fonde les méthodes
d'éducation actives
dont les pionniers (Claparède, Decroly, Dewey) avaient souligné
l'importance de l'action propre de l'élève et d'une pédagogie centrée
sur la découverte et l'intérêt. Dans cette approche puérocentrique, le
rôle du professeur consiste à proposer un environnement structuré et
riche pour que l'élève découvre par lui-même les contradictions qu'il
est prêt à affronter en inventant de nouvelles structures
intellectuelles. Cette tendance est particulièrement marquée dans
l'enseignement scientifique (voir les micromondes informatiques
proposés par Papert ou "la main à la pâte" proposée plus récemment par
Charpack).
Ce que l'on retient généralement du constructivisme, dans sa forme
vulgarisée, c'est :
Dans
cette perspective, le rôle de l'enseignant consiste surtout à ne pas
entraver le processus de développement interne de l'élève en imposant
un programme d'enseignement (l'enseignement doit s'adapter aux besoins
des élèves). Son rôle consiste à observer, à diagnostiquer, à pratiquer
l'évaluation formative et la pédagogie différenciée.
Les pratiques de "l'enseignant-médiateur" qui tendent à se répandre
actuellement mêlent des ingrédients behavioristes à la "sauce"
constructiviste. Aussi convient-il dans les débats de bien distinguer
les résultats de la recherche scientifique, d'un côté, les doctrines
pédagogiques et les réformes ministérielles, d'un autre côté.
Ces deux courants théoriques privilégient essentiellement "l'apprenant"
: le behaviorisme
se centre sur les conditions et les mécanismes par lesquels un élève
parvient à fournir la réponse attendue dans des conditions bien
précises ; le constructivisme piagétien s'intéresse essentiellement à
la modification de processus internes de l'élève. Mais l'un comme
l'autre ignorent les conditions réelles du travail scolaire qui mettent
en présence un enseignant, des élèves, un savoir et les contraintes de
mise en ½uvre et de gestion d'une situation didactique
: épistémologiques, communicationnelles, temporelles, sociales, etc. En
somme, ces deux courants théoriques, qui inspirent bien des réformes,
des programmes scolaires et des doctrines pédagogiques, ne parviennent
pas complètement à rendre compte des rapports entre enseignement et
apprentissage.
Le
cognitivisme est
un
courant théorique qui n'étudie pas l'apprentissage stricto sensu ou la
construction de connaissances. Il tente de rendre compte de la
mobilisation de connaissances acquises dans la résolution de problèmes.
Les notions centrales de représentation de connaissances et de stratégies
de traitement de l'information
sont souvent évoquées pour rendre compte des difficultés des élèves
dans la lecture d'énoncés, la compréhension de consignes, le traitement
de l'information, etc. Ces difficultés, considérées comme préalables à
l'apprentissage sont alors imputées à l'élève, elles sont à l'origine d'erreurs
ou d'obstacles à l'apprentissage, mais ne sont pas considérées comme
des éléments constitutifs du processus d'enseignement ou
d'apprentissage. D'inspiration mentaliste, cette perspective renforce
les conceptions du constructivisme vulgarisé qui privilégie les thèses
internalistes du fonctionnement cognitif et individualistes de la
formation.
L'approche
historico-culturelle
proposée par Vygotski est le seul courant théorique qui se soit donné
pour objet d'étude les rapports entre l'enseignement et le
développement intellectuel médiatisés par un apprentissage
"instrumental" (4). La thèse essentielle pourrait être résumée de
la façon suivante : l'enseignement est un processus de
transmission culturelle qui engendre le développement de
capacités mentales, non encore maîtrisées par les élèves, et qu'ils
construisent par un apprentissage
d'outils spécifiques constitutifs des ½uvres humaines (littéraires,
scientifiques, artistiques…). La transmission culturelle de ces
dernières étant largement dévolue à l'école.
Selon
Vygotski, les savoirs enseignés (les "concepts scientifiques") se
distinguent des conceptions familières (les "concepts quotidiens")
construites à travers l'expérience pratique. Les premiers sont des
produits de l'activité humaine, des "½uvres" -littéraires,
scientifiques, artistiques…- socialement élaborées, historiquement
datées et culturellement transmises, notamment par l'école. Il ne
s'agit pas d'opposer les deux types de concepts, mais de différencier
leur mode de transmission et d'appropriation.
L'école transmet des
savoirs constitués (linguistiques, mathématiques, biologiques…), des
savoirs "écrits" qu'elle transmet sous différentes formes d'écritures
(différents types de textes, symboles, plans, cartes, tableaux…). Ce
qui engendre à la fois une difficulté particulière dans l'acquisition
et un changement dans le rapport de l'élève au monde. Pour connaître le
monde l'élève n'agit pas directement sur la réalité physique qui
l'entoure, il agit par l'intermédiaire de ces différents modes de
représentation sur une partie de monde reconfigurée à cette fin. Le
rapport au temps ou à l'espace, par exemple, ne peut se concevoir
indépendamment des outils qui seront utilisés pour l'apprécier
(sablier, calendrier, montre, système métrique…). L'école transmet des
"outils" qui assurent une fonction de médiation entre l'élève
et le monde, les autres et soi.
La thèse vygotskienne avance que le psychisme humain est de nature
sociale et que les fonctions intellectuelles se développent par
l'apprentissage de ces "outils" ou de "systèmes de signes", au premier
rang desquels figure le langage (4).
Cette approche historico-culturelle (ou socio-historique, selon les
auteurs) se distingue, d'un côté, du réductionnisme behavioriste, de
son "immédiateté" et de son "pragmatisme", et, d'un autre côté, du
constructivisme piagétien, dont elle refuse les explications
"internalistes". La transmission culturelle scolaire est à la fois la
source de la formation intellectuelle et de la socialisation. C'est
pour rendre compte de ce processus que cette approche étudie les
activités sémiotiques et les processus de médiation dans les
situations d'enseignement-apprentissage.
La transmission scolaire de tels savoirs se distingue des pratiques
sociales courantes (familiales, formation sur le tas). C'est la raison
pour laquelle l'école propose des situations dites "artificielles" par
opposition à des situations qui seraient "naturelles". Pour
ce faire, les rapports sociaux doivent être repensés dans une
perspective d'éducation formelle. B. Lahire parle de "pédagogisation
des relations sociales" (5),
pour désigner non seulement les rapports scolaires entre les maîtres et
les élèves, notamment l'asymétrie de la relation maître-élève, mais
aussi les formes du dialogue didactique, qui se distinguent de formes
langagières familières. Ce cadre d'échange est aussi une façon de
penser son rapport au savoir
et aux autres. C'est dans ce cadre que l'on peut situer l'action du
professeur et des élèves au sein d'un collectif de travail ou groupe-classe.
Le travail de l'enseignant consiste à organiser un milieu d'étude pour
un collectif d'élèves. Il organise non seulement l'environnement
technique et symbolique de construction d'une réponse collective, mais
il organise aussi les conditions du dialogue didactique :
professeur/collectif, explicitations, confrontations de points de vue
entre élèves, re-formulation, réinscription de connaissances anciennes,
etc. C'est le déroulement du dialogue didactique,
le développement discursif qui permet l'accomplissement du travail
réflexif sur l'action, l'analyse critique, la prise de distance et de
conscience de ce que l'on fait et des raisons pour lesquelles on fait
ainsi et pas autrement. C'est une technique d'enseignement qui dispose
les élèves pour étudier un objet de savoir particulier et les enrôle
dans un processus participatif.
Le processus
d'enseignement inscrit l'apprentissage dans le temps ; ce qui signifie
très précisément que le traitement fait des connaissances actuelles a
certes un sens par rapport à leur passé, mais doivent en avoir par
rapport à leur devenir. C'est dire que la progression scolaire suppose
la transformation permanente d'une mémoire en pensée agissante, la
construction progressive d'instruments de contrôle, de mobilisations
particulières, ce que Vygotski nomme les fonctions psychiques
supérieures
(attention, mémoire, volonté, pensée verbale,...). En proposant des
situations d'étude distribuées dans le temps, le professeur est
contraint de "gérer" à la fois la "continuité" des apprentissages et
leur "rupture" pour entraîner l'élève au-delà de ce qu'il sait faire.
Il est ainsi amené à créer une zone de proche développement.
Ce
paradoxe, continuité/rupture, est caractéristique du processus
transmission-appropriation qui doit transformer les contraintes
d'action en ressources cognitives qu'utilise le groupe-classe.
Par exemple, dans la classe l'élève construit une réponse raisonnée (il
doit rendre compte de son action dans les termes d'un système
sémiotique (grammaire, algèbre…) validé par d'autres que lui-même (la
société, la grammaire "officielle", l'algèbre enseigné…) et socialement
acceptable par le groupe-classe.
Ainsi, pour dire publiquement "comment et avec quoi" il pense, l'élève
doit utiliser des "outils de pensée" élaborés par les générations
précédentes, et ces significations sociales font l'objet
d'échanges et de partage. La contrainte "rendre public l'utilisation de
significations sociales" constitue une ressource cognitive pour l'élève
et le groupe. C'est pour cela qu'il doit d'abord raisonner avec les
autres (professeur et élèves) pour penser pour lui-même et par
lui-même. C'est le passage de l'interpsychique à l'intrapsychique
sur lequel le socioconstructivisme a particulièrement
insisté.
Le processus de
transmission-appropriation de savoirs