Conférence donnée le 7 mars 2007 à l’Assemblée Générale de la Régionale de l’APLV de Grenoble, par Claire Bourguignon, Maître de conférences HDR, IUFM de l’Académie de Rouen
Dans le même temps qu’un rapport de l’Inspection Générale souligne que « la médiocrité des performances françaises [en langues], inférieures à celles des autres pays, constitue un défi à relever » [1], le Cadre européen commun de référence invite les enseignants à « prendre en considération un choix d’options plus large ou à mettre en question les hypothèses traditionnelles sur lesquelles ils fonctionnent et qu’ils n’avaient pas examinées auparavant. » (CECR p. 21)
C’est face à la constatation de l’Inspection générale -
qui ne date pas de janvier 2007 mais remonte à 1996 (date de la
première étude conduite au niveau européen !) - que j’ai tenté de
trouver une solution en tenant compte du potentiel que renferme le CECR,
sans renier l’existant mais en le faisant évoluer. Il suffit de lire à
cet égard les propos d’une stagiaire à la suite d’un stage PAF sur la
perspective actionnelle que j’ai animé pour comprendre qu’il ne s’agit
pas de rompre avec les pratiques actuelles mais de les faire
évoluer :
« Je ne savais pas ce qu’était la perspective actionnelle mais
souhaitais élargir le champ de la communication ; finalement,
c’est une
prolongation de la communication dans une application concrète et dans
un but précis que j’ai découverte. »
Voilà 10 ans que nous constatons que le niveau de nos élèves est
médiocre, et aujourd’hui nous voudrions faire du Cadre
un simple levier d’une approche, l’approche communicative autour d’un
apprentissage centré sur les compétences, qui remonte elle aussi à
environ 10 ans et qui, par conséquent, ne semble pas avoir donné les
résultats escomptés. Qu’il s’agisse maintenant de travailler les
compétences, aujourd’hui appelées « activités de communication
langagières » en vue d’un objectif à faire atteindre, les niveaux
de
compétences ne changent pas grand-chose à la démarche. Ce n’est pas la
définition d’un objectif à atteindre qui donnera du sens à
l’apprentissage des langues tant que ce dernier reposera sur des textes
qui n’intéressent pas nécessairement les élèves, voire pas du tout.
N’oublions pas que si ces derniers sont intéressés par un thème, ils
n’ont pas besoin des cours de langues pour trouver des informations
correspondantes ! Par ailleurs, ce n’est pas la définition d’un
objectif qui évitera le cloisonnement entre les activités de
communication langagières, ce cloisonnement empêchant les élèves de
comprendre réellement à quoi sert la langue, étape incontournable pour
qu’ils aient envie de l’apprendre. Communiquer pour communiquer a-t-il
d’ailleurs réellement un sens ?
Dans le même temps, le désintérêt des élèves pour l’apprentissage
des langues entraîne le découragement des enseignants, comme en
attestent les deux témoignages suivants :
« Cette formation est arrivée comme une bouffée d’oxygène. Une
nouvelle piste à explorer quand on a l’impression d’avoir tout essayé
et que rien ne marche ! »
« C’est exactement l’aide dont j’avais besoin pour décoder le CECR,
mais aussi pour trouver des solutions nouvelles d’enseignement auprès
d’un public terriblement démotivant..... vu les résultats faibles
malgré mon investissement total. »
(Commentaires de deux stagiaires à la suite d’un stage
PAF sur la perspective actionnelle et le scénario
d’apprentissage-action)
C’est donc dans un souci de donner du sens à l’apprentissage, mais aussi pour aider les enseignants « frappés » par le découragement, que j’ai réfléchi aux orientations préconisées par le CECR pour déboucher sur ce que j’ai appelé l’ « approche communic’actionnelle » autour du « scénario d’apprentissage- action ».
Après avoir rappelé brièvement les aspects du CECR sur lesquels s’est appuyée ma réflexion, j’en viendrai à l’objet de cette conférence, le scénario d’apprentissage-action autour de trois points : le scénario, c’est QUOI, c’est POURQUOI et c’est COMMENT et je terminerai par l’évaluation, pièce maîtresse de la démarche qui conditionne sa pertinence.
La perspective privilégiée ici est, très généralement aussi de type actionnel en ce qu’elle considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donné, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier. Si les actes de parole se réalisent dans des actions langagières, celles-ci s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification. (CECR, p.15)
Ces quelques lignes du CECR,
parfois mentionnées mais presque toujours survolées, renferment
pourtant la clef pour une nouvelle approche didactique et par là même
une nouvelle démarche d’enseignement/apprentissage des langues.
Pour transformer la perspective préconisée en démarche didactique,
trois éléments sont à prendre en compte :
Ces trois points repérés, il s’agissait de voir comment
il était possible d’aller dans le sens des préconisations du Cadre sans perdre de vue que l’objectif d’un cours de
langue, c’est que les élèves apprennent une langue.
C’est ainsi qu’est née l’idée du scénario d’apprentissage-action.
II.1 Genèse : la définition du terme « action »
Au-delà des trois points précédemment soulevés, ma
réflexion a porté sur le terme « action ». Ce terme et le
chapelet
terminologique qui en découle « acteur »,
« actif »,... n’est pas
nouveau dans le contexte de l’enseignement/apprentissage des langues.
Pour autant, jusqu’à présent, dans ce contexte, il se référait à des
« actions » autour de tâches scolaires, c’est à dire rendre
l’élève
acteur de son apprentissage en lui proposant des tâches communicatives
dans lesquelles il est impliqué ; par exemple, en écrivant une
lettre
ou en échangeant avec son voisin. Ces actions, bien qu’ayant toute leur
place dans le cadre de l’apprentissage, sont réductrices de ce qu’il
faut entendre par « action » tel que le définit le Cadre, c’est-à-dire « action sociale ».
Dans ce contexte, l’action se caractérise par l’ensemble des
paramètres qu’il faut prendre en compte pour qu’elle réussisse, sachant
que l’intention seule ne garantit pas la réussite de l’action.
Comme le suggère Edgar Morin,
Dans chaque situation, l’acteur fait
l’expérience concrète d’un spectre de possibilités qui s’ouvrent à
lui.....Certes les actions ne sont ni aléatoires ni imprévisibles mais
elles ne sont soumises à aucune nécessité irrécusable.
L’action est une décision, un choix, mais c’est aussi un pari....
Or, dans la notion de pari il y a la conscience du risque et de
l’incertitude. [2]
Impliquer les apprenants-usagers de langue dans une action revient à définir une situation d’apprentissage qui les amène analyser la situation dans laquelle ils vont devoir utiliser la langue pour en déduire les connaissances dont ils auront besoin plutôt que d’appliquer des connaissances dans des tâches proposées. Il s’agit de passer d’une logique d’optimisation des connaissances - « toujours plus » - à une logique d’adéquation - « toujours mieux » -, le mieux, n’excluant pas le plus bien évidemment. Il faut qu’à la fin d’une séquence d’apprentissage, l’apprenant soit amené à prendre une décision par rapport à un problème posé en utilisant la langue à la fois de manière correcte et pertinente
C’est cette démarche d’apprentissage que permet le
scénario d’apprentissage-action.
Il ne faut pas le confondre avec des problèmes qui sont fabriqués en
vue de tester la maîtrise de connaissances acquises et dont, de ce
fait, la résolution ne donne lieu qu’à une réponse possible. Les propos
suivants de C. Barbier expliquent très clairement la différence entre
de telles résolutions de problèmes et ce que j’appelle le scénario
d’apprentissage-action :
En effet, la réalité sur laquelle doit se fonder
une décision dans la réalité, a de toutes autres caractéristiques. La
solution n’est généralement pas unique et d’ailleurs pas non plus
parfaite. Elle fait l’objet d’un certain nombre de compromis et conduit
à une décision d’action dont les conséquences ne sont pas prévisibles
exactement. Bien souvent des facteurs humains viennent interférer avec
les décisions à prendre. Ces décisions ne sont en outre pas des fins en
soi comme l’est le fait d’avoir pu résoudre un problème, mais plutôt le
début d’un processus interactif qui conduit à une succession de
décisions dépendant en permanence de l’appréciation qui peut être faite
d’une situation donnée et évolutive.
On voit que cette description du déroulement d’un processus
d’action est d’une grande complexité. Le savoir d’action lui-même ne
peut donc être qu’intrinsèquement complexe. C’est là où peut apparaître
une approche nouvelle [3].
Il ne faut pas non plus confondre le scénario d’apprentissage-action avec un scénario thématique qui, bien que motivant pour les élèves, se situe en général en aval de l’apprentissage dans un souci de transfert de connaissances comme en attestent de nombreux « case studies » à la fin des manuels d’anglais par exemple.
Ceci étant, chacun a sa place et son intérêt, l’un n’éclipse pas l’autre mais chacun répond à des objectifs différents qu’il est important de connaître pour faire le bon choix.
II.2 Le scénario d’apprentissage-action : c’est QUOI ?
Tenant compte des orientations du Cadre, j’ai défini le scénario d’apprentissage-action comme une simulation basée sur une série de tâches communicatives, toutes reliées les unes aux autres, visant l’accomplissement d’une mission plus ou moins complexe par rapport à un objectif. Cette série d’activités amène à la réalisation de la tâche finale.
Ainsi, le scénario se caractérise par une mission (que l’on peut
appeler »projet » [4])
à laquelle l’apprenant-usager de la langue va être confronté et qui va
servir de trame au processus d’apprentissage, tout en orientant les
activités d’apprentissage proposées par l’enseignant.
La mission donne du sens à la tâche
(« toute visée actionnelle que l’acteur se représente comme devant
parvenir à un résultat donné en fonction d’un problème à résoudre,
d’une obligation à remplir, d’un but qu’on s’est fixé » [5])
Cette mission se situe dans un « contexte
donné » (« multitude des évènements et des paramètres de la
situation
propres à la personne mais aussi extérieurs à elle, dans laquelle
s’inscrivent les actes de communication » [6])
Enfin, elle est reliée à un « domaine »
(« grands secteurs de la vie sociale » [7]) qui
permet de définir l’arrière-plan thématique et culturel du scénario.
Dans ce cadre, pour accomplir la tâche définie par la mission, l’apprenant-usager doit effectuer une succession de micro-tâches impliquant 5 activités de communication langagières, toutes reliées les unes aux autres dans l’ordre suivant :
La notion de « succession » est essentielle car elle fait disparaître la possibilité d’action « gratuite ». Chaque micro-tâche est imbriquée dans l’autre et au service de l’accomplissement de la mission. Il est évident que chacune des activités de communication langagières fera l’objet de tâches d’apprentissage à part entière mais toutes seront organisées autour du but à atteindre dans le cadre de la mission. De même, il n’est pas obligatoire, il est même quasiment impossible que dans le cadre d’une séquence chaque activité de communication fasse l’objet d’un travail approfondi, néanmoins, il est recommandé que chacune figure dans le déroulement de la mission et qu’en tous les cas les activités de réception conduisent aux activités de production. De fait, il ne peut y avoir de production sans recherche d’informations auparavant et c’est bien en organisant les informations qu’il a trouvées que l’apprenant-usager va pouvoir faire le choix que lui impose sa mission.
Dans son organisation, le scénario d’apprentissage-action est tout à fait semblable au scénario utilisé dans le Diplôme de Compétences en Langue [8]. Néanmoins, le scénario d’évaluation est un scénario unique pour tout public (relevant de niveaux allant de A2 à C1) ; c’est à travers le degré d’accomplissement de la tâche que sera évalué le niveau de compétence langagière. Dans le scénario d’apprentissage, l’objectif est tout à fait différent. Il s’agit de faire atteindre un niveau à travers les micro-tâches qu’il propose ; de ce fait, la construction d’un scénario d’apprentissage- action doit se faire en tenant compte du niveau de départ des apprenants et de celui vers lequel on veut les amener. On peut envisager qu’un scénario pour une classe de 5ème se construira sur A1-A2 en terme de difficultés des textes et des activités de communication langagières, sachant que la production doit viser A2 ; un scénario pour une classe de 3ème peut se construire sur A1-B1, etc.
II.3 Le scénario d’apprentissage-action : c’est POURQUOI
La réponse a été en partie donnée dans l’introduction.
Il s’agit de donner du sens à l’apprentissage en remobilisant l’intérêt
des élèves en les impliquant dans la résolution d’un problème qui fait
naître le besoin de connaissances et donc le désir d’apprendre. Dans le
même temps, il vise à supprimer le cloisonnement des apprentissages qui
sont uniquement reliés par un thème (aujourd’hui, l’apprentissage de la
langue se fait autour d’un thème) et ne suscite pas nécessairement
l’intérêt.
Par ailleurs, ce type de progression autour d’une mission est tout
à fait en accord avec la progression des apprenants-usagers vers un
objectif tel que le préconise le Cadre. On
mesurera l’atteinte de l’objectif (non langagier) fixé par la mission
au niveau de compétence en production défini par les descripteurs du Cadre.
En faisant progresser les apprenants-usagers dans la mission,
l’enseignant cherche à les amener d’ un niveau de compétence de départ
vers un niveau de compétence à atteindre. La construction des
apprentissages se fait au fil de la mission et non pas par paliers
autour de chaque activité proposée.
Enfin, le scénario est peut être une réponse à un problème très
justement posé dans le rapport de l’Inspection générale :
La langue apprise en milieu scolaire est par
définition objet d’enseignement puisqu’elle a le statut de discipline
scolaire inscrite à l’emploi du temps des élèves. De ce fait, elle est
abordée en tant que système qu’il faut acquérir, avec ses codes et ses
règles, souvent au détriment de la fonction pragmatique qui est la
raison première d’exister d’une langue. C’est sa double nature -objet
d’étude et outil de communication- qui constitue un défi en milieu
scolaire car les finalités sont inversées : alors qu’en milieu
naturel
l’usage de la langue a pour but de communiquer et d’agir, en milieu
scolaire la pratique de la langue a pour visée l’apprentissage de la
langue elle-même. D’où un retour, par effet de miroir, sur le système
linguistique lui-même qui détourne l’usage de la langue de sa fonction
première. Si l’on admet que c’est la finalité qui
donne du sens à l’action, il y a sûrement là une part d’explication à
la faible motivation des élèves pour l’apprentissage des langues en
milieu institutionnel [9].
Pour autant, il ne faut pas confondre le scénario
d’apprentissage-action avec simulations ou jeux de rôles qui permettent
de « diversifier la gamme de situations de
communication » [10]
Le scénario n’est pas une activité parmi d’autres, ce n’est pas non
plus un simple « support » comme le serait un texte, c’est
réellement
une démarche d’apprentissage. En effet, l’objectif n’est pas simplement
d’intéresser les élèves mais bien qu’ils apprennent une langue dans
toute sa richesse y compris culturelle.
Ceci m’amène au quatrième point de cette deuxième partie.
II.4 Le scénario d’apprentissage-action : c’est COMMENT ?
Il vient d’être clairement dit que la mise en ½uvre d’un scénario d’aprentissage-action vise à développer et à construire l’apprentissage de la langue en lui donnant du sens.
1. La première chose
qu’il faut donc garder à l’esprit, c’est que langue et culture sont
indissociables et que nous devons éveiller les élèves aux différentes
cultures (rappelons qu’il y a d’autres sortes de cultures que la
« culture savante ») que véhiculent les langues auxquelles
ils sont
confrontés. Mais là encore, présenter la culture de « manière
frontale » à travers un texte ou l’étude d’un thème a peu de
chance de
susciter l’intérêt de la majorité des élèves, d’autant plus que la
représentation de la culture de l’enseignant est souvent en total
décalage avec la représentation de la culture chez les élèves. A cet
égard, les questions que se pose un stagiaire IUFM dans le cadre de son
mémoire professionnel portant précisément sur « comment faire
acquérir
des connaissances culturelles en classe de langue », sont tout à
fait
éclairantes. Il dit la chose suivante : « J’éprouve des
difficultés à
trouver LE document qui réunira apport culturel et apport linguistique
et/ou qui correspond au niveau de culture que je souhaite apporter à
mes élèves. » [11]
Dans le même temps, il déclare, « l’anglais reste pour beaucoup
une
langue ludique, la langue des séries TV américaines et/ou des chansons
à la mode, et est presque exclusivement associée à telle ou telle
« star » de la chanson ou (rarement) du grand écran »,
et de ce fait
« le niveau de culture que je souhaite atteindre semble trop élevé
ou
presque « impossible à atteindre », pour les élèves ».
Le constat de ce stagiaire n’est pas un cas isolé. C’est la raison
pour laquelle, plutôt que d’entrer « par la culture », je
propose
d’entrer « dans » la culture « par le scénario ».
De fait, la mission que doit accomplir l’apprenant-utilisateur est
nécessairement contextualisée. Or le contexte de l’action est
nécessairement lié à une thématique. Cette thématique est choisie en
lien avec le programme culturel donné dans les Instructions
Officielles. Ceci veut dire que pour accomplir sa mission, l’apprenant
devra retenir les informations d’ordre culturel nécessaires à
l’accomplissement de sa mission.
2. Après avoir choisi une
thématique, il faut rassembler un certain nombre de textes sur le
thème, textes dont la lecture et les informations qu’ils contiennent
amènent l’enseignant à définir une mission dans ses grandes lignes.
Dans l’absolu, l’enseignant devrait d’abord concevoir la mission et
ensuite rassembler des textes puisque les textes sont au service de la
mission. Néanmoins, dans la réalité, il est extrêmement difficile de
procéder ainsi. L’expérience prouve qu’en rassemblant des textes sur un
thème, on voit se dessiner une mission relativement rapidement.
Une fois la mission définie, il faut choisir parmi les textes
rassemblés ceux qui conviennent sur deux plans :
Il est important de rappeler que dans le cadre d’un scénario, le texte, écrit ou oral, est un pourvoyeur d’informations au service de la mission et que, de ce fait, l’entrée dans le texte se fait par la recherche d’informations.
3. Les textes étant sélectionnés et la mission définie dans ses grandes lignes, il faut définir le/les objectif(s) langagiers à atteindre. Sachant que la réalisation de la mission passe par la production, le type de production demandée devra correspondre à l’aptitude d’un élève du niveau visé. Dans ce cadre, les descripteurs du Cadre en matière de production sont d’une grande aide. Par ailleurs, les descripteurs n’étant que des énoncés, l’enseignant doit décliner ces descripteurs en critères et indicateurs de performance en termes linguistiques, pragmatiques et socio-linguistiques et comme le préconise le Cadre [12]. Les éléments linguistiques et pragmatiques définis devront faire l’objet d’un apprentissage au fur et à mesure que se déroule le scénario, apprentissage qui ne sera pas déconnecté pour les élèves du besoin qu’ils en ont pour accomplir la mission.
4. Il s’agit enfin de
revenir aux activités de compréhension. Après avoir défini les
informations que les élèves devront être amenés à trouver pour
accomplir la mission, l’enseignant doit repérer les problèmes
linguistiques susceptibles d’être une entrave à la recherche
d’informations (à l’oral, à l’écrit et en interaction) et prévoir les
activités à mettre en place pour pallier un manque de connaissances
préjudiciable.
De ce fait, alors que dans la réalité les activités de
compréhension laissent peu de place à un travail sur la langue mais
sont plutôt source à un travail sur le fond, le scénario réhabilite
l’apprentissage de la langue au service de la recherche d’informations.
Ainsi, le projet de l’enseignant ne sera pas seulement
« une analyse approfondie sur le support de cours utilisé et la
définition d’objectifs pour chaque cours de langue » [13]. En
préparant un scénario d’apprentissage-action, ce n’est pas tant le
support qui doit faire l’objet d’une analyse approfondie, que la
mission qui est demandée, car c’est elle qui va guider de manière
intégrée les tâches communicatives demandées aux élèves en
relation avec les activités de communication langagière qui seront les
unes après les autres au service de l’accomplissement de la tâche
finale.
Cette démarche évite le cloisonnement des différentes séances car
elle invite l’enseignant à concevoir sa séquence selon un processus et
non plus autour d’un « produit » qu’il s’agisse d’une
activité de
communication langagière, d’un thème ou d’un élément langagier.
Ceci évitera par là même que l’élève ait l’impression de recommencer à
zéro à chaque séance et, de ce fait, se démobilise.
Bien évidemment une telle démarche deviendrait caduque si l’évaluation se faisait selon une tout autre logique ; c’est la raison pour laquelle il est impossible de terminer cette présentation sans parler d’évaluation bien que ce ne soit pas directement le thème proposé.
III.Évaluer dans la perspective actionnelle
Avant toute chose, il s’agit de faire une mise au point
sur le terme « évaluation ». Très souvent, il est utilisé (à
la place
de « contrôle » mais ceci n’est pas l’objet de cette
présentation) dans
le sens de l’activité proposée, à savoir « une
évaluation » : donner
comme « évaluation », un texte à écrire, un résumé à faire,
..... Or,
ce n’est pas l’activité qui pose problème, c’est d’abord la
« validité » de ce que l’on propose (est-ce que ce que je
propose va
réellement me permettre d’évaluer ce que je veux évaluer ?) et
surtout
la modalité d’évaluation. C’est sur cet aspect que je voudrais insister
en relation avec la perspective actionnelle. Vous pouvez choisir de
prendre un scénario pour évaluer vos élèves, si vous mettez une note en
fonction d’une nombre de fautes de grammaire, le support retenu n’aura
aucun intérêt.
Quels sont les points dont il faut tenir compte pour définir des
modalités d’évaluation cohérentes [14] :
Le scénario d’apprentissage-action et l’approche
communic’actionnelle, émergences des orientations données par le CECR
ne révolutionnent pas l’enseignement/apprentissage des langue car tout
ce qui se faisait est toujours présent, les activités de communication
langagières, le travail sur la langue, la dimension culturelle,.....,
tout est présent, mais autrement.
Les activités de communication langagière ne sont pas travaillées
de manière cloisonnée autour d’un thème et donc de textes qui font
l’objet d’une série d’activités, entre autres sur la langue, ce qui
donne l’impression aux élèves d’un perpétuel recommencement à chaque
nouvelle séance.
Les activités langagières sont présentées de manière intégrée au
service de la mission et l’apprentissage se fait selon un processus
porteur de sens. Les tâches d’apprentissage proposées, qu’elles soient
d’ordre linguistique ou pragmatique, autour des activités langagières,
sont directement liées aux besoins des élèves en liaison avec leur
mission, ce qui non seulement donne du sens à l’apprentissage en
évitant des ruptures successives, mais les amènent à réfléchir au lien
entre les connaissances et leur utilisation, entre intention et action
et, de ce fait, les responsabilise.
Pour autant, le scénario d’apprentissage-action correspondant à
une démarche, il ne saurait y avoir une « formule » type.
L’important
est de susciter l’intérêt des élèves en leur faisant se poser la
question POURQUOI (pourquoi j’ai besoin de connaissances en langue)
avant que n’arrive la question du COMMENT.
Nous pourrions terminer avec ces propos de J.L Lemoigne,
Dis-moi quels sont les projets par rapport auxquels tu ordonnes, tu organises, tu donnes sens, tu articules, les propositions que tu me proposes. Si j’entends ce projet, les connaissances que tu me transmets m’iront ; si je n’entends pas ce projet, j’aurai une attitude a priori dubitative sur les connaissances que tu me proposes, mais je m’efforcerai de les interpréter par rapport à mes projets, élaborant alors des connaissances que tu pourras peut-être trouver intelligibles. [15].
Barbier J.M., Savoirs théoriques et savoirs d’action, Paris : PUF, 1996
Bourguignon C., « De l’approche communicative à l’approche communic’actionnelle : une rupture épistémologique en didactique des langues-cultures », in Synergie Europe N°1, 2006
Bourguignon C., Delahaye P., Puren C., Évaluer dans une perspective actionnelle - l’exemple du Diplôme de Compétence en Langue, Février 2007, référence sur le site de l’APLV
Bourguignon C., La responsabilité des enseignants de langues à l’aune du Cadre Européen Commun de Référence, site de l’APLV, décembre 2006
Goulier F., Les outils du Conseil de l’Europe en classe de langue, Paris : Éditions Didier, 2005.
Inspection Générale, Rapport « L’évaluation en langue vivante : état des lieux et perspective d’évolution », Rapport N° 2007-009, 2007
Morin E., Introduction à la pensée complexe, Paris : ESF Éditeurs, 1990.
[1] Rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale « L’évaluation en langue vivante : état des lieux et perspectives d’évolution », Rapport n° 2007-009, janvier 2007, p. 4.
[2] Morin E., 1990, p. 104
[3] Barbier J.M., Savoirs théoriques et savoirs d’actions, Paris : PUF, 1996 ; p. 152
[4] Rappelons que dans son ouvrage Les outils du Conseil de l’Europe en classe de langue (Paris : Éditions Didier, 2005), Francis Goulier écrit « On pense bien entendu à la pédagogie de projet, qui est certainement la forme la plus aboutie d’une démarche actionnelle ». p.21
[5] CECR, p. 16
[6] Ibid., supra, p. 15
[7] Ibid., supra
[8] Voir à cet égard sur le site du Diplôme de Compétence en Langue (d-c-l.net) des exemples de scénarios d’évaluation dans les quatre langues évaluées à travers le DCL : l’allemand, l’anglais, l’espagnol et l’italien.
[9] Rapport Inspection générale, p. 26
[10] Ibid., p.27
[11] Les majuscules sont écrites par le stagiaire dans sa fiche de préparation de mémoire.
[12] CECR, pp. 86- 96
[13] Rapport de l’Inspection générale, p. 24
[14] Tout ceci est plus amplement développé dans l’ouvrage Évaluer dans la perspective actionnelle - l’exemple du Diplôme de Compétence en Langue par Claire Bourguignon, Philippe Delahaye et Christian Puren, référence sur le site de l’APLV.
[15] Propos tenus par J-L Lemoigne dans sa conférence « Les enjeux éthiques de la didactique des langues et des cultures n’appellent-ils pas un Nouveau discours sur la méthode des études de notre temps ? », Colloque international sur la didactique comparée des langues-cultures, Interculturalité et interdidacticité : la Didactique des langues-cultures entre culture d’enseignement et cultures d’apprentissage, Université J. Monnet de Saint Etienne, 17-18 février 2005.