Machines � Sous

�� Association Internet des droits de l'Homme
1962-2000/1�� -�� 40 ANS APR�S, L�EXIGENCE DE V�RIT�
Pr�s de 40 ans apr�s les accords d�Evian (18 mars 1962) - qui ont permis l�accession de l�Alg�rie � l�ind�pendance -, la m�moire de la guerre d�Alg�rie ressurgit en France pour les t�moins et les acteurs de ce drame qui a dur� de 1954 � 1962. L�histoire enfouie de la torture pratiqu�e par l�arm�e fran�aise a ressurgi v�ritablement, en octobre 2000, � la suite de l�appel lanc� par 12 anciens militants de la cause alg�rienne qui demandaient � l�Etat fran�ais de reconna�tre les crimes commis et de s�en excuser, comme il l�a fait pour ceux de Vichy.

1. L�APPEL DE 12 INTELLECTUELS
Le 31 octobre 2000, douze intellectuels fran�ais, parmi lesquels Henri Alleg, auteur de �La Question�, et les historiens Madeleine Reb�rioux, Pierre Vidal-Naquet et Jean-Pierre Vernant, lancent un �appel � la condamnation de la torture durant la guerre d�Alg�rie�. Le 18 mai 2001, les �Douze� rendent public un second appel qui r�it�re leurs demandes apr�s la publication du livre du g�n�ral Aussaresses.

2.JACQUES MASSU� D�clarations
Jacques Massu, 92 ans, g�n�ral du cadre de r�serve. En 1957, commandant de la 10e division parachutiste, charg�e du r�tablissement de l�ordre � Alger. Ses d�clarations au journal �Le Monde�, juin et novembre 2000.

3. PAUL AUSSARESSES D�clarations
Paul Aussaresses, 82 ans, g�n�ral du cadre de r�serve. En 1957, commandant, coordinateur des services de renseignement � Alger. Ses d�clarations au journal "Le Monde", novembre 2000.

4. 40 ANS APR�S, L�EXIGENCE DE JUSTICE
Les �aveux� du g�n�ral Paul Aussaresses sont accablants. Les faits relat�s - tortures, ex�cutions sommaires et massacres de civils - peuvent-ils �chapper � toute poursuite p�nale ? Est-il encore possible de juger aujourd�hui les militaires qui se sont rendus coupables d�actes de torture ?

5. LES AVEUX DE PAUL AUSSARESSES - Mai 2001
Le g�n�ral Paul Aussaresses, 83 ans, personnage central de la bataille d�Alger en 1957, revendique, sans remords, dans un livre � �Services sp�ciaux, Alg�rie 1955-1957 � � les tortures et les ex�cutions dont il fut l�organisateur ou le protagoniste.

6. BOURDET et MAURIAC d�noncent la torture
1951 � 1554 ... Du "J'accuse" de Claude Bourdet [�France Observateur�] � la condamnation de la torture par Fran�ois Mauriac [�L�Express�].

7. LES PROPOS DU G�N�RAL AUSSARESSES : condamnations et plaintes
Les r�actions en France apr�s les nouvelles r�v�lations du g�n�ral Aussaresses sur les tortures et les ex�cutions sommaires pratiqu�es par l�arm�e durant la guerre d�Alg�rie. Les plaintes d�pos�es par les organisations de d�fense des droits de l�homme et par Josette Audin.. Ouverture d�une enqu�te pour �apologie de crimes de guerre�.


Douze intellectuels fran�ais appellent � la condamnation
de la torture pendant la guerre d�Alg�rie

http://www.droitshumains.org/faits_documents/algerie/appel.html






Le quotidien communiste "L'Humanit�" a publi�, le 31 octobre 2000, un "appel � la condamnation de la torture durant la guerre d'Alg�rie", sign� par douze intellectuels, parmi lesquels Henri Alleg, auteur de "La Question", et les historiens Madeleine Reb�rioux, Pierre Vidal-Naquet et Jean-Pierre Vernant. Les signataires demandent au pr�sident de la R�publique, Jacques Chirac, et au premier ministre, Lionel Jospin, "de condamner ces pratiques par une d�claration publique".

Le 18 mai 2001, les "Douze" ont rendu public un second appel, toujours publi� par"L'Humanit�", qui r�it�re leurs demandes apr�s la publication du livre du g�n�ral Aussaresses.Ils r�clament de nouveau "que toute la v�rit� soit dite sur la torture" et "que les plus hautes autorit�s fran�aises condamnent la responsabilit� du gouvernement d'alors". "Sans cela, ajoutent-ils, demeure une �quivoque sur la raison d'Etat dont se recommandent toujours les tortionnaires".

L�appel du 31 octobre 2000

Aur�s 1957. Cette femme, appel�e Hania, a �t� arr�t�e pour avoir tu� avec une hache le soldat qui tentait de la violer. Elle fut ensuite viol�e, tortur�e, puis ex�cut�e. Document Mus�e national du Moudjahid, Alger.

�Des deux c�t�s de la M�diterran�e, la m�moire fran�aise et la m�moire alg�rienne resteront hant�es par les horreurs qui ont marqu� la guerre d'Alg�rie tant que la v�rit� n'aura pas �t� dite et reconnue.

�Ce travail de m�moire appartient � chacun des deux peuples et aux communaut�s, de quelle qu'origine que ce soit, qui ont cruellement souffert de cette trag�die dont les autorit�s fran�aises portent la responsabilit� essentielle en raison de leur obstination � refuser aux Alg�riens leur �mancipation.

�Aujourd'hui, il est possible de promouvoir une d�marche de v�rit� qui ne laisse rien dans l'ombre. En France, le nouveau t�moignage d'une Alg�rienne, publi� dans la presse, qui met en accusation la torture, ne peut rester sans suite ni sanction. Le silence officiel serait ajouter au crime de l'�poque une faute d'aujourd'hui. En Alg�rie, se dessine la mise en cause de pratiques condamnables datant de la guerre et surtout lui ayant surv�cu commises au nom de situations o� "tout serait permis". Il reste que la torture, mal absolu, pratiqu�e de fa�on syst�matique par une "arm�e de la R�publique" et couverte en haut lieu � Paris, a �t� le fruit empoisonn� de la colonisation et de la guerre, l'expression de la volont� du dominateur de r�duire par tous les moyens la r�sistance du domin�.

�Avec cette mise � jour il ne s'agit pas seulement de v�rit� historique, maisaussi de l'avenir des g�n�rations issues des diverses communaut�s qui vivent avec ce poids, cette culpabilit� et ce non-dit.

�Pour nous, citoyens fran�ais auxquels importe le destin partag� des deux peuples et le sens universel de la justice, pour nous qui avons combattu la torture sans �tre aveugles aux autres pratiques, il revient � la France, eu �gard � ses responsabilit�s, de condamner la torture qui a �t� entreprise en son nom durant la guerre d'Alg�rie. Il en va du devoir de m�moire auquel la France se dit justement attach�e et qui ne devrait conna�tre aucune discrimination d'�poque et de lieu.

�Dans cet esprit, et dans cet esprit seulement, tourn� vers un rapprochement des personnes et des communaut�s et non vers l'exacerbation de leurs antagonismes, nous demandons � M. Jacques Chirac, pr�sident de la R�publique, et � M. Lionel Jospin, premier ministre, de condamner ces pratiques par une d�claration publique. Et, nous invitons les t�moins, les citoyens � s'exprimer sur cette question qui met en jeu leur humanit�.

Paris, 31 octobre 2000.

L�appel du 18 mai 2001

"Dans notre appel du 31 octobre 2000, nous demandions que toute la v�rit� soit dite sur la torture, ce mal absolu, pratiqu�e par une arm�e de la R�publique, pendant la guerre d'Alg�rie. De tr�s nombreux t�moignages, venus de tous les horizons, en particulier d'anciens soldats, mais aussi celui d'un g�n�ral revendiquant la torture, les ex�cutions sommaires et leur ampleur, l'�motion soulev�e, et le d�bat qui n'a plus cess�, font que la r�ponse � cette demande est d�sormais attendue par le pays.

"Notre requ�te, � ce stade, porte sur des points pr�cis :

1. Il est urgent que la condamnation de la responsabilit� des gouvernants d'alors intervienne sous forme d'une d�claration officielle des plus hautes autorit�s. Sans cela, demeure une �quivoque sur la raison d'Etat dont se recommandent toujours les tortionnaires;

2. La v�rit� sur les faits doit �tre �tablie avec rigueur. Les pouvoirs publics ont � charge d'en susciter les moyens, notamment gr�ce au concours des historiens, avec l'ouverture publique des archives, des t�moins, des victimes, des �lus;

3. L'enseignement de la guerre d'Alg�rie appelle une mise � jour en particulier concernant la colonisation. Il doit r�pondre � l'int�r�t qui se manifeste aujourd'hui dans la jeunesse;

4. Gr�ce � ce travail de v�rit�, gr�ce � la prise de conscience du crime qu'est la torture, la France en condamnant solennellement les actes incrimin�s, donnerait un exemple salutaire. Cela ne pourrait, par ailleurs, que favoriser l'acc�s � la connaissance du c�t� alg�rien et la r�conciliation des deux peuples;

5. Nous souhaitons vivement enfin qu'une d�l�gation des Douze puisse �tre re�ue le plus rapidement possible par le pr�sident de la R�publique ainsi que par le Premier ministre afin de proc�der � un �change de vue sur ces propositions."

Paris, le 16 mai 2001.

Les deux appels ont �t� sign�s par: Henri Alleg, ancien directeur d'Alger r�publicain, auteur de "La Question"; Josette Audin, �pouse de Maurice Audin universitaire assassin� apr�s avoir �t� tortur� en 1957 et dont le corps n'a jamais �t� retrouv�; Simone de La Bollardi�re, veuve du g�n�ral P�ris de La Bollardi�re, oppos� � la torture et condamn� � deux mois de forteresse; Nicole Dreyfus, avocate de Baya Hocine et Djohor Akrou; No�l Favreli�re, rappel�, d�serteur; Gis�le Halimi, avocate de Djamila Boupacha; Alban Liechti, rappel�, insoumis, puni de qutre ans de prison; Madeleine Reb�rioux, historienne, secr�taire du Comit� Audin; Laurent Schwartz, math�maticien, pr�sident du comit� Audin; Germaine Tillion, ethnographe, r�sistante, auteur de "L'Afrique bascule vers l'avenir"; Jean-Pierre Vernant, historien, r�sistant; Pierre Vidal-Naquet, historien, auteur de la "Torture dans la R�publique".






JACQUES MASSU� D�clarations

Jacques Massu, 92 ans, g�n�ral du cadre de r�serve. En 1957, commandant de la 10e division parachutiste, charg�e du r�tablissement de l�ordre � Alger. Ses d�clarations au journal �Le Monde�. (http://www.droitshumains.org/faits_documents/algerie/Massu.html)

"La torture faisait partie d'une certaine ambiance. On aurait pu faire les choses diff�remment" - "Le Monde", 22 juin 2000 / EXTRAITS
"Le principe de la torture �tait accept� mais, personnellement, j'avais autre chose � faire, et je n'y ai jamais �t� directement m�l�. Les civils, membres du gouvernement, trouvaient cela tr�s bien. Je pense en particulier � deux d'entre eux qui venaient r�guli�rement nous voir, visitaient nos centres d'interrogatoires et ne s'�tonnaient de rien. Ils avaient m�me tendance � dire [�] : "Allez-y, les gars !". Cette action [de torture sur Louisette Ighilahriz], assur�ment r�pr�hensible, �tait couverte, voire ordonn�e, par les autorit�s civiles, qui �taient parfaitement au courant. Quand, plus tard, les m�mes sont venus dire � la t�l�vision qu'ils n'y �taient pour rien, alors qu'ils �taient venus sur place, et qu'ils nous encourageaient, vous imaginez la faible estime que j'ai eue pour eux...[�]

"La torture n'est pas indispensable en temps de guerre, on pourrait tr�s bien s'en passer. Quand je repense � l'Alg�rie, cela me d�sole, car cela faisait partie, je vous le r�p�te, d'une certaine ambiance. On aurait pu faire les choses diff�remment".

La torture pendant la guerre d'Alg�rie reconnue par la France et condamn�e ?

"Je pense que ce serait une bonne chose. Moralement, la torture est quelque chose de moche, je prendrais donc cela pour une avanc�e. Et si cela pouvait avoir d'heureuses cons�quences, je trouverais cela tr�s bien".

[Propos recueillis par Florence Beaug�, "Le Monde", 22 juin 2000.]

"Si la France reconnaissait et condamnait ces pratiques, je prendrais cela pour une avanc�e" / "Le Monde", 23 novembre 2000 / EXTRAITS
"Cette guerre [d'Alg�rie] �tait tr�s complexe : elle avait des aspects � la fois politiques, policiers, sociaux et �conomiques. Mais j'aimerais qu'on �vite de mettre l'arm�e fran�aise en accusation. On lui a impos� une mission d�sagr�able le r�tablissement de l'ordre , elle l'a effectu�e du mieux qu'elle a pu.

"Quant � d�finir la responsabilit� du pouvoir politique, je ne vois pas comment ce serait possible. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'ils venaient r�guli�rement � Alger, � la 10e division parachutiste, et qu'ils allaient visiter les r�giments et contr�ler le travail de renseignement. Ils venaient m�me quand je n'�tais pas l�. Il y en avait toujours un dans le secteur, ce qui se comprend, car nous menions une action extr�mement importante � ce moment-l� � Alger. Mais aucun d'entre eux ne m'a jamais dit quoi que ce soit � ce sujet, pas m�me : "Allez-y plus doucement !" Je pense qu'ils avaient tous tr�s peur de ce qui se passait � Alger, des assassinats, des bombes (Lacoste en particulier) et qu'ils voulaient que �a cesse � tout prix".

[Le "pouvoir politique" de l'�poque �tait le suivant : Max Lejeune, secr�taire d'Etat aux forces arm�es; Robert Lacoste, ministre r�sident en Alg�rie; Maurice Bourg�s-Maunoury, successivement ministre de l'int�rieur puis pr�sident du Conseil � la suite de Guy Mollet.]

[�] "J'ai dit et reconnu que la torture avait �t� g�n�ralis�e en Alg�rie ! Elle a ensuite �t� institutionnalis�e avec la cr�ation du CCI (Centre de coordination interarm�es) et des DOP (dispositifs op�rationnels de protection), et institutionnaliser la torture, je pense que c'est pire que tout ! Mais je n'y suis pour rien. Ce n'est pas moi qui ai donn� l'ordre de cr�er le CCI et les DOP et qui les ai mis sur pied. J'ai cherch� � savoir � l'�poque qui avait fait cela : le commandement civil ou militaire ? L'�tat-major de l'arm�e de terre � Paris ? Aujourd'hui encore, je m'interroge".

[Propos recueillis par Florence Beaug�, "Le Monde", 23 novembre 2000.]


La d�claration du g�n�ral�Aussaresses

Cette photo, prise par un appel� fran�ais a �t� remise aux autorit�s alg�riennes apr�s l'ind�pendance de l'Alg�rie. Elle a �t� publi�e la premi�re fois dans le livre "Les Egorgeurs" de Beno�t Rey, aux �ditions Marinoor.

Paul Aussaresses : "Je me suis r�solu � la torture... J'ai moi-m�me proc�d� � des ex�cutions sommaires... Si c'�tait � refaire, je le referais

Paul Aussaresses, 82 ans, g�n�ral du cadre de r�serve. En 1957, commandant, coordinateur des services de renseignement � Alger. Ses d�clarations au journal "Le Monde", 23 novembre 2000, rapport�es par Florence Beaug� / EXTRAITS

[La figure du g�n�ral Aussaresses appara�t dans de nombreux r�cits parus ces derni�res ann�es. Dans La Guerre d'Alg�rie , Yves Courri�res le pr�sente sous l'appellation "commandant O". Pierre Vidal-Naquet, dans La Torture dans la R�publique, parle de lui comme �tant le chef de file "de ce qu'il faut bien appeler une �quipe de tueurs professionnels" et souligne que son nom "ne figurera gu�re que dans un seul dossier publi�, celui de l'affaire Audin.". Dans Les Centurions , de Jean Lart�guy, le g�n�ral Aussaresses est pr�sent� sous le nom de Boisfeuras. Il est enfin "le barbu" dans le roman de Robert Escarpit, Meurtre dans le pignadar .]

Le g�n�ral Paul Aussaresses �voque d'abord, dans l'entretien au "Monde", le "syst�me" mis alors en place par le g�n�ral Massu : avoir un officier de liaison avec les services de police et la justice.

"Je suis arriv� � Alger d�but 1957, � la demande du g�n�ral Massu qui, � la t�te de la 10e division parachutiste, venait de se voir confier les pouvoirs de police sur le Grand Alger. Son second, le colonel Yves Godard, ne voulait pas de cette action polici�re. "Ce n'est pas pour nous", disait-il. Alors Massu avait d�cid� d'appeler deux types qu'il estimait s�rs et sur lesquels il pourrait s'appuyer : le lieutenant-colonel Trinquier et moi. J'avais re�u une mission pr�cise : travailler avec la police d'Alger � dont Paul Teitgen �tait alors secr�taire g�n�ral � la pr�fecture � et les officiers de renseignement, ainsi que le juge B�rard, conseiller juridique de Massu. Au d�but, nous n'avons eu aucun probl�me avec Teitgen. Ce n'est que plus tard qu'il a commenc� � montrer des r�ticences � coop�rer avec les paras. [�]

"Livrer ces hommes � la justice ? C'�tait hors de question"
"Tous les matins, avec Trinquier, je faisais mon rapport � Massu et lui racontais ce qui s'�tait pass� la nuit pr�c�dente. Pour qu'on s'en souvienne, nous consignions tout dans un gros cahier manifold. Il y avait quatre pages pour chaque jour : une pour Massu, une pour Salan [commandant en chef des forces arm�es en Alg�rie], une pour Lacoste, [ministre r�sident en Alg�rie] et enfin une pour moi.

"Parfois, je disais � Massu : "On a ramass� untel" et je le regardais dans les yeux avant d'ajouter : "On le tuera demain." Massu poussait un grognement, et je prenais cela pour un oui. "Une nuit, je m'en souviens, Bigeard m'a dit-: "J'ai captur� le groupe terroriste de Notre-Dame-d'Afrique, une bande de tueurs dont je ne sais pas quoi faire. Est-ce que vous pouvez demander � Massu son avis ?" Que pouvait-on faire ? Livrer ces hommes � la justice ? C'�tait hors de question, nous avions autre chose � faire que d'examiner les situations particuli�res de certains individus dans le cadre de la l�galit�... Trinquier et moi, on va alors chez Massu, et Trinquier lui sugg�re : "Tu ne crois pas qu'on devrait les envoyer dans le maquis (autrement dit les flinguer) ?" Massu a r�pondu : "Un maquis �loign�!" [�].

Il juge comme correspondant "� peu pr�s � la r�alit�" l'affirmation de Paul Teitgen [qui quitta ses fonctions le 12 septembre 1957 pour protester contre la torture] selon laquelle "3.024 des personnes" assign�es � r�sidence "avaient disparu". Il indique �galement que Robert Lacoste, alors ministre-r�sident en Alg�rie, "�tait parfaitement au courant. Il lisait tous les jours les comptes rendus du cahier manifold", ajoute le g�n�ral Aussaresses.

> Interrog� sur le fait de savoir si "la torture �tait indispensable", il r�pond :
"La torture ne m'a jamais fait plaisir mais je m'y suis r�solu quand je suis arriv� � Alger. A l'�poque, elle �tait d�j� g�n�ralis�e. Si c'�tait � refaire, �a m'emmerderait, mais je referais la m�me chose car je ne crois pas qu'on puisse faire autrement. Pourtant, j'ai le plus souvent obtenu des r�sultats consid�rables sans la moindre torture, simplement par le renseignement et la d�nonciation. Je dirais m�me que mes coups les plus r�ussis, �a a �t� sans donner une paire de gifles. [�].

"Cela ne me faisait pas plaisir"
"Personnellement, je n'ai jamais tortur�, et pourtant, je n'ai pas les mains propres. Il m'est arriv� de capturer des types haut plac�s au sein du FLN et de me dire : "Celui-l� est dangereux pour nous, il faut le tuer" et je l'ai fait, ou je l'ai fait faire, ce qui revient au m�me.

"Ce qu'il faut que vous compreniez, car c'est essentiel, c'est que cela ne me faisait pas plaisir. Et si j'ai moi-m�me proc�d� � des ex�cutions sommaires - "J'en ai tu� 24", pr�cise-t-il -, c'est que je voulais assumer ce genre de choses, [et non] pas mouiller quelqu'un d'autre � ma place. C'est d'ailleurs pourquoi je ne veux pas accuser le pouvoir civil de l'�poque. Affirmer qu'il nous donnait des ordres dans ce domaine serait faux et, surtout, s'abriter derri�re, cela reviendrait � dire que les militaires se d�chargent de leurs responsabilit�s. En mon nom personnel - mais je n'engage que moi -, je refuse cette attitude".

En conclusion, le g�n�ral Aussaresses se dit "contre" toute "repentance", qu'elle vienne de l'Etat fran�ais ou qu'elle �mane des individus qui, comme lui, pourraient �tre concern�s : "On n'a pas � se repentir. Qu'on reconnaisse des faits pr�cis et ponctuels, oui, mais en prenant garde � ne pas g�n�raliser. Pour ma part, je ne me repens pas".

[Propos recueillis par Florence Beaug�, "Le Monde", 23 novembre 2000.]


40 ans apr�s, l�exigence de justice

�������������� PEUT-ON JUGER LES TORTIONNAIRES



��������������� Quarante ans apr�s la fin de la guerre d'Alg�rie, est-il encore possible de juger les militaires qui se sont rendus
��������������� coupables d'actes de torture ? Les "aveux" du g�n�ral Paul Aussaresses, militaire et agent secret charg� entre
��������������� 1955 et 1957 � Alger des pires besognes, publi�s, d�but mai 2001, en France, sous le titre : "Services
��������������� sp�ciaux, Alg�rie 1955-1957", sont accablants.

��������������� Ces aveux, ainsi que le t�moignage de Louisette Ighilahriz, militante du Front de lib�ration national (FLN
��������������� alg�rien), tortur�e en 1957 � Alger, et les d�clarations contradictoires des g�n�raux Massu et Bigeard [publi�s
��������������� en juin et novembre 2000 dans le quotidien "Le Monde"], relancent le d�bat sur la responsabilit� de l'Etat
��������������� fran�ais dans les pratiques de torture durant la guerre d'Alg�rie.

��������������� Les faits - tortures, ex�cutions sommaires et massacres de civils - peuvent-ils �chapper � toute poursuite
��������������� p�nale ?

��������������� Plusieurs obstacles majeurs s'opposent au d�clenchement de poursuites judiciaires.

��������������� 1. L'amnistie. Le Parlement fran�ais a adopt�, le 31 juillet 1968, une loi portant amnistie de l'ensemble des crimes
��������������� commis pendant la guerre d'Alg�rie. "Sont amnisti�s de plein droit toutes infractions commises en relation avec
��������������� les �v�nements d'Alg�rie, dispose l'article 1 de la loi. Sont r�put�es commises en relation avec la guerre
��������������� d'Alg�rie toutes infractions commises par des militaires servant en Alg�rie."

��������������� La loi de 1968 confirmait deux d�crets datant du 22 mars 1962, le premier portant sur l'"amnistie des
��������������� infractions commises au titre de l'insurrection alg�rienne", le second sur l'"amnistie de faits commis dans le
��������������� cadre des op�rations de maintien de l'ordre dirig�es contre l'insurrection alg�rienne".

��������������� Cette loi, qui permet cependant aux victimes de demander r�paration au civil, ne peut, en principe, conduire au
��������������� d�p�t d'une plainte p�nale. Cette interpr�tation est aujourd'hui contest�e par certains juristes, dont l'avocat
��������������� William Bourdon. "La question d'application de cette loi d'amnistie n'a jamais �t� pos�e � aucune juridiction pour
��������������� le cas de la guerre d'Alg�rie, explique-t-il. On peut cependant dire qu'elle s'oppose aux principes du droit
��������������� international selon lesquels l'amnistie ne peut �tre accord�e aux auteurs de violations des droits de l'homme les
��������������� plus graves tant que les victimes n'ont pas obtenu justice par une voie de recours efficace".

��������������� Pour William Bourdon, un juge saisi d'une plainte pourrait d�cider d'instruire, malgr� la loi d'amnistie, laissant � la
��������������� cour d'appel, puis � la Cour de cassation, le soin de d�cider si la plainte est recevable.

��������������� 2. Les crimes de guerre. Les faits d�crits par le g�n�ral Aussaresses � tortures, ex�cutions sommaires,
��������������� massacres de civils � sont touch�s par la prescription en mati�re de crime /(les crimes sont prescrits dix ans
��������������� apr�s les faits).

��������������� 3. Les crimes contre l'humanit�. Les faits rel�vent-ils de la notion de crime contre l'humanit�, qui �chappe � toute
��������������� prescription ? Les faits ayant �t� commis entre 1954 et 1962, c'est � dire entre la fin de la Seconde Guerre
��������������� mondiale et l'entr�e en vigueur du nouveau code p�nal fran�ais [en 1994], "il existe incontestablement un vide
��������������� juridique, ni les r�gles jurisprudentielles tir�es du droit de Nuremberg, ni les dispositions nouvelles ne leur �tant
��������������� applicables" [Fran�is le Gunehec et Fr�d�ric Desportes, "Le Nouveau droit p�nal", �ditions Economica, Paris].

��������������� Deux cas de figures s'offrent aux juristes :

����������������� on se r�f�re � l'ancienne notion de crime contre l'humanit�. La Cour de cassation a estim�, au fil sa
��������������� jurisprudence, que la notion de crime contre l'humanit�, qui s'appuie sur le statut du tribunal de Nuremberg de
��������������� 1945, ne peut s'appliquer qu'aux crimes commis lors de la Seconde Guerre mondiale "pour le compte d'un pays
��������������� europ�en de l'Axe". Pour la Cour, cette notion de crime contre l'humanit�, qui n'est ni g�n�rale ni intemporelle, ne
��������������� peut concerner d'autres conflits comme la guerre d'Indochine (arr�t de 1993) ou, on peut le pr�voir, la guerre
��������������� d'Alg�rie;on se r�f�re au g�nocide et aux "autres crimes contre l'humanit�" d�finis par le nouveau code p�nal, entr� en
��������������� vigueur en 1994. L'article 212-2 du nouveau code stipule que "la d�portation, la r�duction en esclavage ou la
��������������� pratique massive et syst�matique d'ex�cutions sommaires, d'enl�vements de personnes suivis de leur
��������������� disparition, de la torture ou d'actes inhumains, inspir�es par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou
��������������� religieux et organis�es en ex�cution d'un plan concert� � l'encontre d'un groupe de population civile sont punies
��������������� de la r�clusion criminelle � perp�tuit�". Cette d�finition pourrait, bien s�r, s'appliquer aux crimes commis
��������������� pendant la guerre d'Alg�rie, mais la loi ne permet les poursuites p�nales que pour des crimes commis apr�s
��������������� 1994.

���������������� Peut-on juger les tortionnaires ?

��������������� "Les proc�s sont impossibles", assure Robert Badinter, ancien ministre, dans "Le Nouvel Observateur" [14-20
��������������� d�cembre 2000]. Des poursuites sont encore possibles, r�plique Monique Chemillier-Gendreau, sp�cialiste du
��������������� droit international, dans "Le Monde diplomatique" [Janvier 2001].

��������������� Robert Badinter, ancien ministre

��������������� "S'agissant des crimes commis pendant la guerre d'Alg�rie, la voie de la justice s'av�re barr�e. A la suite des
��������������� accords d'Evian, en 1962, deux d�crets d'amnistie intervinrent. Et, comme pour s'assurer que les crimes de
��������������� l'�poque demeureraient pour toujours impunis, la loi d'amnistie g�n�rale du 31 juillet 1968 a pr�cis� � nouveau :
��������������� "Sont amnisti�s de plein droit toutes les infractions commises en relation avec les �v�nements d'Alg�rie, toutes
��������������� les infractions commises par des militaires servant en Alg�rie". On ne saurait �tre plus clair.

��������������� "Quant au concept de crime contre l'humanit�, inscrit dans le statut de Nuremberg relatif aux poursuites contre
��������������� les criminels nazis, la cour de cassation a jug� qu'il ne pouvait �tre invoqu� � propos de faits commis pendant la
��������������� guerre d'Indochine, a fortiori pendant celle d'Alg�rie. Et m�me si, s'agissant d'enl�vements de personnes dont
��������������� les corps n'ont pas �t� retrouv�s, on peut consid�rer que la prescription n'est pas acquise, ces crimes n'en sont
��������������� pas moins amnistiables.

��������������� "Devons-nous pour autant vouer au silence et � l'oubli les crimes de l'�poque ? L'exigence de v�rit� demeure,
��������������� rendue plus forte encore parce que justice ne peut �tre faite".

��������������� Monique Chemillier-Gendreau, professeur � l'universit� Paris VII-Denis-Diderot

��������������� "C'est n�gliger les possibilit�s ouvertes par les conventions de Gen�ve du 12 ao�t 1949. La torture y est
��������������� mentionn� parmi les infractions r�prim�es (article 50 et 51 [I et II], articles 130 [III] et 147 [IV]. La
��������������� comp�tence est universelle, tous les Etats parties assumant une obligation de "rechercher les personnes
��������������� pr�venues d'avoir commis ou d'avoir ordonn� de commettre l'une ou l'autre de ces infractions graves" et devant
��������������� les d�f�rer � leurs propres tribunaux (art. 146). Les conventions sont bien ant�rieures aux faits, la France ayant
��������������� adh�r� en 1951, et aucun d�lai de prescription n'y est mentionn�. Enfin, la condition pos�e par la chambre
��������������� criminelle de la Cour de cassation (arr�t Javor du 26 mars 1966), � savoir que les auteurs de crimes se trouvent
��������������� sur le territoire fran�ais, est notoirement remplie.

��������������� "Cette proc�dure est donc possible. Il faut seulement que des juges courageux assument de mettre en uvre
��������������� l'obligation de juger que le gouvernement fran�ais a accept�e en adh�rant � ces Conventions et qu'il rechigne �
��������������� honorer".


�Services sp�ciaux, Alg�rie 1955-1957� : les�aveux du g�n�ral Paul Aussaresses

http://www.droitshumains.org/faits_documents/algerie/Aussaresses.html

| LES PREMIERS AVEUX, NOVEMBRE 2000 |
A L'AFP : "JE NE ME REPENS PAS" | LE LIVRE : EXTRAITS |

Dans un ouvrage publi� d�but mai 2001, � Paris, "Services sp�ciaux, Alg�rie 1955-1957" (Editions Perrin), le g�n�ral Paul Aussaresses, 83 ans, coordinateur des services de renseignements de l'arm�e � Alger en 1957 aupr�s du g�n�ral Massu, revendique, sans remords, les tortures, les ex�cutions sommaires de suspects parfois maquill�es en suicides, les massacres de civils, auxquels il a particip� ou qu'il a ordonn�s. "Tout ce que j'ai fait �tait conforme � la d�ontologie de tout militaire dans les conditions de guerre".

Selon lui, l'utilisation de la torture "�tait tol�r�e, sinon recommand�e" par le pouvoir politique. Il affirme avoir agi avec l'aval des politiques, notamment du juge Jean B�rard qu'il qualifie d'"�missaire" du garde des Sceaux de l'�poque, Fran�ois Mitterrand.

"Ses aveux sont terribles pour la France, la R�publique et lui-m�me. Ils renvoient l'arm�e fran�aise et le pouvoir politique de l'�poque � une page sanglante de leur histoire", �crit le quotidien "Le Monde" qui publie, le 3 mai, les nouvelles "r�v�lations" du g�n�ral Aussaresses sur la guerre d'Alg�rie.

Personnage central de la bataille d'Alger en 1957, le g�n�ral Aussaresses - dont les premi�res r�v�lations sur les tortures, en novembre 2000, avaient suscit� un vif d�bat en France - se refuse � "tout acte de repentance". Il estime avoir "� peu pr�s tout dit" et "prends le risque" d'une action en justice. "Un proc�s ne me fait pas peur. Je redirais exactement ce que [�] j'ai �crit dans mon livre".

Il explique que la torture, pratiqu�e couramment par la police � Philippeville, au moment de son arriv�e sur le territoire alg�rien, a �t� syst�matique pendant la bataille d'Alger, en 1957. Son commando torturait et tuait, � Alger, la nuit. "C'est efficace, la torture, la majorit� des gens craquent et parlent. Ensuite, la plupart du temps, on les achevait. [�] Est-ce que �a m'a pos� des probl�mes de conscience ? Je dois dire que non".

L'assassinat du chef FLN Ben M'Hidi

Dans son "accablante confession" ("Le Monde"), le g�n�ral Aussaresses reconna�t avoir assassin� le chef FLN (Front de lib�ration nationale) alg�rois Larbi Ben M'Hidi aini que l'avocat Ali Boumendjel. Selon la version officielle, les deux hommes s'�taient "suicid�s".

Il relate en d�tail l'ex�cution de Ben M'Hidi, apr�s son arrestation dans la nuit du 15 au 16 f�vrier 1957 par les parachutistes du colonel Marcel Bigeard et raconte la derni�re phase de l'ex�cution du chef du FLN, dans une ferme, � une vingtaine de kilom�tres au sud d'Alger: "Nous avons isol� le prisonnier dans une pi�ce d�j� pr�te. Un de mes hommes se tenait en faction � l'entr�e. Une fois dans la pi�ce, avec l'aide de mes grad�s, nous avons empoign� Ben M'Hidi et nous l'avons pendu, d'une mani�re qui puisse laisser penser � un suicide".

L'ancien militaire reconna�t �galement l'assassinat de l'avocat Ali Boumendjel qui, selon la version officielle, s'�tait "suicid�" le 23 mars 1957 en se jetant d'un immeuble

Source : presse fran�aise dont le quotidien "Le Monde", Paris, mai 2001.

Paul Aussaresses, novembre 2000 : "On n'a pas � se repentir. Qu'on reconnaisse des faits pr�cis et ponctuels, oui, mais en prenant garde � ne pas g�n�raliser. Pour ma part, je ne me repens pas."

Le 23 novembre 2000, le g�n�ral Paul Aussaresses, 83 ans, g�n�ral du cadre de r�serve, s'�tait confi� au quotidien "Le Monde", reconnaissant qu'il avait lui-m�me ex�cuter des prisonniers et ordonn� la mort sans jugement de centaines de suspects. "Je me suis r�solu � la torture... J'ai moi-m�me proc�d� � des ex�cutions sommaires..." / Extraits.

[La figure du g�n�ral Aussaresses appara�t dans de nombreux r�cits parus ces derni�res ann�es. Dans La Guerre d'Alg�rie , Yves Courri�res le pr�sente sous l'appellation "commandant O". Pierre Vidal-Naquet, dans La Torture dans la R�publique, parle de lui comme �tant le chef de file "de ce qu'il faut bien appeler une �quipe de tueurs professionnels" et souligne que son nom "ne figurera gu�re que dans un seul dossier publi�, celui de l'affaire Audin.". Dans Les Centurions , de Jean Lart�guy, le g�n�ral Aussaresses est pr�sent� sous le nom de Boisfeuras. Il est enfin "le barbu" dans le roman de Robert Escarpit, Meurtre dans le pignadar .]

"Je suis arriv� � Alger d�but 1957, � la demande du g�n�ral Massu qui, � la t�te de la 10e division parachutiste, venait de se voir confier les pouvoirs de police sur le Grand Alger. Son second, le colonel Yves Godard, ne voulait pas de cette action polici�re. "Ce n'est pas pour nous" , disait-il. Alors Massu avait d�cid� d'appeler deux types qu'il estimait s�rs et sur lesquels il pourrait s'appuyer : le lieutenant-colonel Trinquier et moi. J'avais re�u une mission pr�cise : travailler avec la police d'Alger � dont Paul Teitgen �tait alors secr�taire g�n�ral � la pr�fecture � et les officiers de renseignement, ainsi que le juge B�rard, conseiller juridique de Massu. Au d�but, nous n'avons eu aucun probl�me avec Teitgen. Ce n'est que plus tard qu'il a commenc� � montrer des r�ticences � coop�rer avec les paras. [�]

Paul Teitgen [il a d�missionn� de ses fonctions le 12 septembre 1957] a dit que, sur les 24'000 assignations � r�sidence qu'il avait sign�es, 3'024 des personnes concern�es avaient disparu.

"Oui, cela doit correspondre � peu pr�s � la r�alit�. L'int�r�t, si j'ose dire, du syst�me mis en place par Massu tenait justement � cela : avoir un officier de liaison � moi, en l'occurrence � avec les services de police et la justice, et qui endossait beaucoup de responsabilit�s.

"Tous les matins, avec Trinquier, je faisais mon rapport � Massu et lui racontais ce qui s'�tait pass� la nuit pr�c�dente. Pour qu'on s'en souvienne, nous consignions tout dans un gros cahier manifold. Il y avait quatre pages pour chaque jour : une pour Massu, une pour Salan [commandant en chef des forces arm�es en Alg�rie], une pour Lacoste, [ministre r�sident en Alg�rie] et enfin une pour moi.

"Parfois, je disais � Massu : "On a ramass� untel" et je le regardais dans les yeux avant d'ajouter : "On le tuera demain." Massu poussait un grognement, et je prenais cela pour un oui. "Une nuit, je m'en souviens, Bigeard m'a dit: "J'ai captur� le groupe terroriste de Notre-Dame d'Afrique, une bande de tueurs dont je ne sais pas quoi faire. Est-ce que vous pouvez demander � Massu son avis ?" Que pouvait-on faire ? Livrer ces hommes � la justice ? C'�tait hors de question, nous avions autre chose � faire que d'examiner les situations particuli�res de certains individus dans le cadre de la l�galit�... Trinquier et moi, on va alors chez Massu, et Trinquier lui sugg�re : "Tu ne crois pas qu'on devrait les envoyer dans le maquis (autrement dit les flinguer) ?" Massu a r�pondu : "Un maquis �loign�!" [�]

"La torture ne m'a jamais fait plaisir mais je m'y suis r�solu quand je suis arriv� � Alger. A l'�poque, elle �tait d�j� g�n�ralis�e. Si c'�tait � refaire, �a m'emmerderait, mais je referais la m�me chose car je ne crois pas qu'on puisse faire autrement. Pourtant, j'ai le plus souvent obtenu des r�sultats consid�rables sans la moindre torture, simplement par le renseignement et la d�nonciation. Je dirais m�me que mes coups les plus r�ussis, �a a �t� sans donner une paire de gifles. [�]

"Personnellement, je n'ai jamais tortur�, et pourtant, je n'ai pas les mains propres. Il m'est arriv� de capturer des types haut plac�s au sein du FLN et de me dire : "Celui-l� est dangereux pour nous, il faut le tuer" et je l'ai fait, ou je l'ai fait faire, ce qui revient au m�me. Ce qu'il faut que vous compreniez, car c'est essentiel, c'est que cela ne me faisait pas plaisir. Et si j'ai moi-m�me proc�d� � des ex�cutions sommaires, c'est que je voulais assumer ce genre de choses, pas mouiller quelqu'un d'autre � ma place. C'est d'ailleurs pourquoi je ne veux pas accuser le pouvoir civil de l'�poque. Affirmer qu'il nous donnait des ordres dans ce domaine serait faux et, surtout, s'abriter derri�re, cela reviendrait � dire que les militaires se d�gonflent et qu'ils se d�chargent de leurs responsabilit�s. En mon nom personnel � mais je n'engage que moi �, je refuse cette attitude.

Combien de prisonniers alg�riens avez-vous ainsi abattus, en dehors de tout accrochage sur le terrain ?

"C'est difficile � dire... Ce sont des actes difficiles... On ne s'y fait jamais. Je dirais entre 10 et 30...

Vous ne savez vraiment pas pr�cis�ment combien d'hommes vous avez tu�s ?

"Si J'en ai tu� 24.

[�] Quelle serait votre r�action si l'Etat fran�ais en venait un jour � faire une sorte de repentance � propos de l'Alg�rie ?

"Je serais contre. On n'a pas � se repentir. Qu'on reconnaisse des faits pr�cis et ponctuels, oui, mais en prenant garde � ne pas g�n�raliser. Pour ma part, je ne me repens pas."

[Propos recueillis par Florence Beaug�, "Le Monde", 23 novembre 2000.]


1951-1954...Du "J'accuse" de Claude Bourdet � la condamnation de la torture par Fran�ois Mauriac

Pour r�primer la r�bellion en Alg�rie et faire parler les suspects, certains militaires n'h�sitent pas � employer la� torture. Les gouvernements successifs nient que de tels actes soient commis. Trois ans avant l'insurrection alg�rienne, Claude Bourdet l'�crivain d�non�ait, dans "France Observateur" [du 6 d�cembre 1951], des m�thodes dignes de la Gestapo. En 1954, Fran�ois Mauriac, dans �L�Express�, d�nonce la pratique de la torture par certains officiers en Alg�rie.

��������������� Le "J'accuse" de Claude Bourdet ( France-Observateur, 6 d�cembre 1951)
��������������� http://www.droitshumains.org/faits_documents/algerie/Bourdet.html
��������������� "Les faits dont je suis amen� � parler aujourd'hui sont d'une exceptionnelle gravit�. [�] A Paris, sous
��������������� l'Occupation, la Gestapo poss�dait, outre la rue des Saussaies, et quelques autres immeubles, une s�rie de
��������������� b�timents situ�s avenue Foch. Les musulmans d'Alg�rie ne connaissent pas "l'avenue Foch"; ils connaissent
��������������� tous un autre immeuble, dont la r�putation est pour eux la m�me : la villa Mahieddine, o� officie la police des
��������������� renseignements g�n�raux d'Alg�rie.

��������������� "Cette r�putation est-elle surfaite ? En toute sinc�rit�, je ne le crois pas. [�] La presque totalit� des accus�s
��������������� [d'un proc�s en cours] a d�pos� devant le procureur g�n�ral des plaintes circonstanci�es concernant diverses
��������������� tortures, et ceux en libert� provisoire que j'ai pu interroger fournissent des pr�cisions nombreuses sur les
��������������� tortures dont ils ont �t� l'objet ; leur description est convaincante pour un homme connaissant l'atmosph�re des
��������������� locaux de la Gestapo ; il y a des d�tails qu'il faut avoir vus soi-m�me. [�] Il y a la m�choire fracass�e d'un des
��������������� inculp�s. [�] Il y a les br�lures d'�lectrode relev�es sur les mains d'un accus�, et il y a surtout les plaintes
��������������� d�pos�es par tous, ou presque. [�]

��������������� Tous se plaignent des s�questrations arbitraires, qui ne peuvent �tre ni�es ; tous parlent de coups violents sur
��������������� tout le corps, presque tous affirment avoir �t� soumis au supplice de la baignoire, certains parlent de tortures
��������������� �lectriques et de pendaison ; plusieurs relatent un proc�d� qui semble nouveau : la bouteille. Voici par exemple
��������������� un extrait de la plainte de Khiter Mohamed, qui resta dix-sept jours avant d'�tre remis au juge : "Les deux pieds
��������������� et les deux poings li�s, on me passa un manche de pioche simultan�ment sous les genoux et la face ant�rieure
��������������� des deux coudes. Ensuite on m'a fait asseoir sur une bouteille, le goulot de cette derni�re me rentrant dans l'anus
��������������� pendant que les inspecteurs [...] appuyaient de toutes leurs forces sur mes �paules." [�]

��������������� "Quant � nous, nous aurons fait ce qui d�pendait de nous pour que personne ne puisse plus dire "je ne savais
��������������� pas"."

��������������� " France-Observateur ", 6 d�cembre 1951.

�������������� La torture par Fran�ois Mauriac� (L'Express, 3 avril 1954)
��������������� http://www.droitshumains.org/faits_documents/algerie/Bourdet.html
��������������� A l'occasion de la sortie du livre du journaliste communiste Henri Alleg, "La Question", dans lequel l'auteur
��������������� raconte les s�vices dont il a �t� victime, Fran�ois Mauriac d�nonce, dans "L'Express" [du 3 avril 1954] l'attitude
��������������� du gouvernement � l'�gard de ces v�ritables crimes.

��������������� "Saisie de "La Question" d'Henri Alleg. Une fois le principe admis qu'il faut poursuivre non les auteurs d'un crime,
��������������� mais ceux qui le d�noncent, il e�t �t� plus sage de ne pas attendre que des milliers d'exemplaires fussent vendus
��������������� et lus dans le monde entier. Et qu'ils aient pu l'�tre, c'�tait apr�s tout l'a meilleure r�ponse � faire lorsqu'un
��������������� �tranger s'indignait devant nous: la France �tait tout de m�me un pays o� la parole �crite demeurait libre. La
��������������� publication et la vente � ciel ouvert du livre d'Alleg t�moignaient en notre faveur, malgr� tant d'abus et
��������������� d'attentats. Sa saisie nous frustre de cette derni�re fiert�. Elle en l�ve au gouvernement le b�n�fice de son
��������������� lib�ralisme relatif, sans l'ombre d'un avantage puisque la diffusion du livre, � travers le monde, est d'ores et d�j�
��������������� accomplie. Tirer le pire d'une situation donn�e, c'est la r�gle d'or du r�gime, sur tous les plans, dans tous les
��������������� ordres.

��������������� "Participation � une entreprise de d�molition de l'arm�e ayant pour objet de nuire � la d�fense nationale." Tel est
��������������� le motif officiel de la saisie. Alleg a �t� tortur� ou il ne l'a pas �t�. S'il l'a �t� dans les conditions qu'il d�crit, ne
��������������� reprochez pas � la victime, mais aux bourreaux, de d�moraliser l'arm�e. En quoi le fait de demander justice contre
��������������� eux menace-t-il l'Etat, offense-t-il la nation ? Et qui pourrait douter de ce que rapporte cet ami de Maurice Audin
��������������� ? Les t�moins surgiraient de partout, si l'affaire �tait plaid�e. M. Robert Lacoste d'ailleurs, s'il n'avoue pas, ne nie
��������������� rien. En v�rit�, il plaide coupable: "L'examen m�dical du plaignant, a-t-il d�clar� hier � la Chambre, r�v�le divers
��������������� �ryth�mes sur les doigts et le poignet gauche et trois petites cicatrices." Mais les tortionnaires peuvent dormir
��������������� tranquilles. Les praticiens n'ont, para�t-il, aucune id�e sur la nature et sur les origines de ces traces suspectes.
��������������� Les praticiens. Il en est de plusieurs sortes. J'en ai entendu un, de mes oreilles, excuser ce sous-officier dont le
��������������� cas nous �tait soumis, et qui avait tu� un civil indochinois d'un coup de pied dans le ventre: "Les rates en
��������������� Indochine sont fragiles et �clatent facilement." Moli�re lui-m�me n'aurait rien pu tirer de ce mot-l� pour nous
��������������� faire rire.

��������������� "Il reste que la torture qui ne laisse pas de trace demeure une des conqu�tes de la technique polici�re qui
��������������� aujourd'hui assure mieux le repos des experts et des juges. Voici pourtant l'aveu de M. Robert Lacoste � peine
��������������� d�guis�: "Je dis qu'on ne saurait confondre certaines erreurs avec notre peuple. Mais j'ajoute qu'il n'appartient
��������������� pas � n'importe qui de nous faire la morale..."

��������������� "Certaines erreurs! Qu'un euph�misme peut donc �tre ignoble! Bien s�r vos crimes sont, dans l'ordre politique,
��������������� des erreurs, et ce n'est pas assez dire des b�tises insignes. Mais ils restent des crimes et qui atteignent �
��������������� travers ceux qui les commettent, le corps d'�lite dont ils portent l'uniforme, et � travers l'arm�e, nous-m�mes,
��������������� notre peuple, monsieur Lacoste, dont vous �tes l'�lu. Ce que vous appelez "certaines erreurs" sont donc bien le
��������������� fait de ce peuple, agissez en son nom; vous en �tes l'incarnation en Alg�rie au point que sans vous, aucun
��������������� gouvernement ne pourrait subsister et que vous ne sauriez �tre d�plac� sans que le syst�me croule. Vous en
��������������� demeurez la clef de vo�te. J'ose �crire ici cette v�rit� qui ressemble � un blasph�me: "En Alg�rie, monsieur
��������������� Lacoste, vous �tes la France." La France, c'est vous. H�las! [�] "

��������������� "L'Express", 3 avril 1954.



Lesr�actions en France apr�s les nouvelles r�v�lations du g�n�ral Aussaresses
Ouverture d�une enqu�te pour �apologie de crimes de guerre�
http://www.droitshumains.org/faits_documents/algerie/aussar_reac.html | LIONEL JOSPIN | JACQUES CHIRAC | LIGUE DES DROITS DE L�HOMME | FIDH | LA PLAINTE DE JOSETTE AUDIN |

L'�motion suscit�e par les "aveux" du g�n�ral Paul Aussaresses qui, dans son livre "Services sp�ciaux, Alg�rie 1955-1957", publi� d�but mai 2001, � Paris, revendique l'utilisation de la torture pendant la guerre d'Alg�rie, a relanc� le d�bat sur les responsabilit� de l'Etat fran�ais pendant cette guerre � et contraint les responsables politiques � sortir de leur silence.

Pour l'historien Pierre Vidal-Naquet, l'un des premiers � avoir d�nonc� les pratiques de l'arm�e fran�aise pendant la guerre d'Alg�rie, "il faut prendre ce livre pour ce qu'il est, les m�moires d'un assassin". Il ajoute : "Il s'agit du r�cit d'un Landru, mais qui avoue, y trouve m�me un certain plaisir et manifeste un effroyable cynisme de la premi�re � la derni�re page".

A la suite d�une plainte d�pos�e par la Ligue (fran�aise) des droits de l�homme (LDH), le parquet de Paris a ordonn�, le 17 mai, une enqu�te pr�liminaire � pour �apologie de crimes de guerre� - sur les propos tenus par le g�n�ral Aussaressses. Il a en revanche �cart� les poursuites pour �crime contre l�humanit� demand�es par la F�d�ration des ligues des droits de l�homme (FIDH).

"Plac� d'office en position retraite par mesure disciplinaire", le 6 juin, par le Conseil des ministres, le g�n�ral Aussaresses � �regrett� le 8 juin - dans un entretien publi� par �l'Ind�pendant de Perpignan� - la publication de ses r�v�lations sur la torture. Il assure que ses anciens camarades du service action des services secrets lui ont dit : "T'aurais d� fermer ta gueule, qu'est-ce qui t'a pris ?".

Le Pr�sident de la R�publique, Jacques Chirac, s'est dit "horrifi�" par les r�v�lations sur la torture et les ex�cutions sommaires, mais il estime que la v�rit� sur les �v�nements �voqu�s rel�vent des historiens. Le premier ministre, Lionel Jospin, qui a fait part de sa "totale condamnation morale", exclu tout acte de repentance collective et souhaite que la recherche historique permette � la communaut� nationale de "mieux tirer les le�ons du pass�". Il laisse la justice d�cider d'�ventuelles poursuites.

Poursuites qui, pour Marylise Lebranchu, ministre de la justice, qui, en l'�tat actuel du droit, "semblent difficiles", sauf si elles �manent des victimes ou de leur familles ou si elles portent sur un d�lit d'apologie de crimes de guerre.

Le pr�sident de l'Assembl�e nationale, Raymond Forni, est hostile, comme le premier ministre, � une commission d'enqu�te parlementaire r�clam�e par le Parti communiste fran�ais (PCF) et les Verts. "Il est inutile d'attiser le feu. Une guerre n'est jamais propre [�] il faut arr�ter de ressasser le pass�. Nous devons tourner la page".
Lionel Jospin : une "totale condamnation morale"

Le premier ministre, Lionel Jospin, s'est d�clar� "profond�ment choqu�", le 3 mai, par des d�clarations "faites avec un cynisme r�voltant" ; il a rappel� qu'� l'�gard de la guerre d'Alg�rie il avait "toujours souhait� observer un double imp�ratif, de v�rit� et de m�moire."

Les "faits qui viennent d'�tre reconnus et presque revendiqu�s" par le g�n�ral Aussaresses constituent, a-t-il soulign� "des exactions terribles qui appellent comme Premier ministre de la R�publique une totale condamnation morale".

En ce qui concerne les suites judiciaires susceptibles d'�tre donn�es aux d�claration du g�n�ral, Lionel Jospin a observ� que "les actions judiciaires que les d�clarations du g�n�ral Aussaresses pourraient appeler" ne relevaient pas de sa responsabilit� mais de celle de la justice.

Intervenant le 16 mai � l�Assembl�e nationale, le Premier ministre, Lionel Jospin, a d�clar� que les tortionnaires qui ont commis des actes barbares pendant la guerre d'Alg�rie devaient �tre "stigmatis�s" mais a ajout� que tous ceux qui avaient fait leur devoir devaient �tre, eux, "salu�s".

"Oui, des actes inhumains et barbares ont �t� commis et ils l'ont �t� des deux c�t�s, m�me si chaque camp, trop longtemps, a eu tendance � nier les siens", a-t-il d�clar� en r�ponse � une question d�un d�put�.

Jacques Chirac : "Horrifi� par les d�clarations du g�n�ral Aussaresses"

Le pr�sident de la R�publique fran�aise, Jacques Chirac, a exprim�, le 4 mai, son horreur devant les faits relat�s par l'ancien chef des services sp�ciaux en Alg�rie, mais il a estim� que la v�rit� sur ces �v�nements relevait des historiens.

"Horrifi� par les d�clarations du g�n�ral Aussaresses", Jacques Chirac a "condamn� une nouvelle fois les atrocit�s, les actes de torture, les ex�cutions sommaires et les assassinats qui ont pu �tre commis pendant la guerre d'Alg�rie � "Rien ne saurait jamais les justifier" - et demand� la suspension du g�n�ral Aussaresses dans l'ordre de la L�gion d'Honneur ainsi que des "sanctions disciplinaires" au niveau militaire.

Jacques Chirac a, en outre, souhait� "que les historiens soient en mesure de faire rapidement toute la lumi�re sur les responsabilit�s en acc�dant aux archives de l'�poque. Toute la v�rit� doit �tre faite sur ces actes injustifiables, qui ne doivent pas faire oublier les millions de jeunes Fran�ais, d'origine alg�rienne ou m�tropolitaine, qui se sont battus avec courage et honneur."

La Ligue des droits de l'homme : une plainte pour apologie de crimes"

La ministre de la justice, Marylise Lebranchu, a d�clar�, le 3 mai, que la loi d'amnistie du 31 juillet 1968, les r�gles applicables en mati�re de prescription et la d�finition jurisprudentielle du crime contre l'humanit� paraissent s'opposer � des poursuites judiciaires contre le g�n�ral Aussaresses. "S'il restait une voie, a-t-elle sugg�r�, le 4 mai, ce serait de r�pondre � la question : "Les propos du g�n�ral sont-ils constitutifs ou non du d�lit d'apologie de crime de guerre ?" � d�lit de presse r�prim� de 5 ans de prison et de 300'000 FF d'amende.

Elle estime que "les victimes ou leurs familles ou tout association ayant un int�r�t � agir" pourraient "saisir les juridictions".

La Ligue (fran�aise) des droits de l'homme a d�pos� plainte, le 4 mai, pour "apologie de crimes et de crimes de guerre" contre le g�n�ral Aussaresses, estimant qu'il fallait "sanctionner la glorification par le g�n�ral de ses actes", faite au travers de son livre.

La plainte pour "apologie de crimes de guerre" est plus simple techniquement que la plainte pour "crimes contre l'humanit�". "Nous avons choisi la proc�dure la plus rapide et la plus efficace, explique Michel Tubiana, pr�sident de la Ligue des droits de l'homme. Pour qu'un tribunal vienne dire qu'on ne peut pas se glorifier d'avoir commis des crimes de guerre. Ce qui nous ne emp�chera pas de nous joindre �ventuellement aux proc�dures pour crimes contre l�humanit�. Ce d�lit de presse, r�prim� par la loi du 29 juillet 1881, est puni de cinq ans de prison et 300.000 francs d'amende.

[Le parquet de Paris a ordonn� le 17 mai une enqu�te pr�liminaire. Le parquet, au vu du rapport des enqu�teurs, a d�cid� de convoquer le 6 juillet le g�n�ral Aussaresses pour "apologie de crimes de guerre"; Olivier Orban, le PDG de Plon, qui contr�le des �ditions Perrin, et Xavier de Bartillat, directeur g�n�ral de Plon, pour "complicit� d'apologie de crimes de guerre", devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal de Paris. Tous trois risquent, pour ce d�lit de presse, au maximum 5 ans de prison et 300.000F d'amende. Le proc�s aura probablement lieu � l'automne.

Entendu le 22 mai, le g�n�ral Aussaresses a d�menti avoir fait l'apologie de la torture et affirm� avoir agi dans les limites fix�es par des "ordres r�publicains". Selon son avocat, Me Gilbert Collard, l'ancien militaire a d�clar�, au cours de son audition, que son livre "�tait une contribution � l'Histoire qui ne justifie en rien, ni n'excuse, les actes de tortures".]

La FIDH : une plainte pour crimes contre l'humanit�

La F�d�ration internationale des Ligues de droits de l'Homme (FIDH), a d�pos�, le 7 mai 2001, une plainte pour "crimes contre l'humanit�" aupr�s du procureur de la R�publique de Paris. L'organisation de d�fense des droits de l'homme estime "que les faits rapport�s et personnellement assum�s" par le g�n�ral Aussaresses dans son livre ["Services sp�ciaux, Alg�rie 1955-1957"], "sont constitutifs de crimes contre l'humanit�, que les juridictions fran�aises ont l'obligation de r�primer".

La plainte de la FIDH vise les "crimes contre l'humanit�". Elle consid�re que "le caract�re syst�matique, g�n�ralis� et institutionnalis� (participant d'un plan concert�) des crimes commis en Alg�rie ressort clairement" des d�clarations du militaire fran�ais et estime que des poursuites pour crime contre l'humanit� sont possibles : les lois d'amnistie intervenues en 1962 et en 1968 sont, pour l'organisation, " incompatibles avec le droit international des droits de l'Homme". "Avec une telle amnistie, la France viole en particulier son obligation internationale d'assurer aux victimes le droit � un recours en justice effectif", estime l'organisation de d�fense des doits de l'homme.

[Le 17 mai, le procureur de Paris, Jean-Pierre Dintilhac, a �cart� la plainte d�pos�e par la FIDH qui, selon lui, se heurte � plusieurs difficult�s juridiques. Le parquet estime en effet que les poursuites pour �crimes contre l�humanit� ne sont pas possibles. �Cette incrimination n�existe dans notre droit que depuis le 1er mars 1994, date d�entr�e en vigueur du nouveau Code p�nal, indique un communiqu� du parquet. Ant�rieurement � cette date, seuls les crimes contre l�humanit� commis pendant la seconde guerre mondiale ont pu �tre poursuivi, sur le fondement de la charte du Tribunal de Nuremberg, annex�e � l�accord de Londres du 8 ao�t 1945. Les faits revendiqu�s par le g�n�ral Aussaresses et plus g�n�ralement commis � l�occasion du conflit alg�rien ne peuvent donc recevoir qu�une qualification de crime de guerre ou de droit commun. Ils sont donc prescrits et en toute hypoth�se couverts par la loi d�amnistie r�sultant de la loi du 31 juillet 1968.

�Le parquet a refus� de franchir un pas qu�il faudra franchir demain�, a comment� Me Baudoin, pr�sident d�honneur de la FIDH. Nous avons raison trop t�t; malheureusement le parquet de Paris ne veut pas prendre l�initiative des poursuites et manque d�audace. Mais l�affaire n�est pas termin�e�. La FIDH, �nullement d�courag�e�, a port� plainte avec constitution de partie civile pour �crimes contre l�humanit�, le 29 mai, aupr�s du doyen des juges d�instruction.]

Le Mouvement contre le racisme et pour l'amiti� entre les peuples (MRAP) a port� plainte, le 9 mai, pour crimes contre l'humanit�, "dans une volont� de justice et de v�rit�" et afin "qu'un travail de m�moire puisse se r�aliser".

"Une loi d'amnistie en soi ne saurait permettre � un pays de s'exon�rer de la reconnaissance de ses crimes quand ils ont �t� valid�s politiquement", a estim� Me Pierre Mairat, avocat du MRAP, dans un entretien avec l'Agence France-Presse (AFP).

La veuve de Maurice Audin, mort sous la torture, d�pose plainte pour crimes contre l'humanit� et s�questration

Josette Audin, la veuve de l�enseignant communiste � l�Universit� d�Alger qui a disparu le 21 juin 1957, en pleine bataille d�Alger, tortur� � mort par l�arm�e fran�aise, a d�pos� plainte le 16 mai 2001, aupr�s du doyen des juges d�instruction de Paris. Sa plainte contre X, avec constitution de partie civile, pour �crime contre l�humanit� et �s�questration� � ce dernier chef d�accusation, li� au fait que le corps de Maurice Audin n�a jamais �t� retrouv� - pourrait permettre de contourner l�obstacle de la prescription, selon Me Nicole Dreyfus, avocate de Josette Audin.

"Ce ne sont pas les propos d'Aussaresses qui sont seulement en cause, a-t-elle indiqu� au quotidien "Le Monde". Ce sont les faits. Il faudrait que la r�probation d�passe sa personne et englobe tous les responsables, qu'ils soient civils ou militaires. Au-del� de la proc�dure judiciaire, il faut une reconnaissance officielle et une condamnation. C'est facile de condamner Pinochet ou les auteurs du g�nocide arm�nien, il faut aussi le faire quand les crimes ont �t� commis par des Fran�ais"[10 mai 2001].

Josette Audin, comme Me Dreyfus, fait partie des douze personnalit�s ayant sign�, le 31 octobre 2000, un appel demandant aux autorit�s fran�aises de condamner "par une d�claration publique" la torture et les nombreuses ex�cutions sommaires commises en Alg�rie entre 1954 et 1962. Parmi les signataires, Henri Alleg, auteur de "La Question", les historiens Madeleine Reb�rioux, Pierre Vidal-Naquet et Jean-Pierre Vernant

Source : presse fran�aise, avril, mai et juin 2001.