La simulation globale

Sabrina Sump, �tudiante � l’universit� de G�ttingen, mars 2008 - (en format word)



Aurore Capriles (5 ao�t 2005)
http://www.edufle.net/La-simulation-globale
 

Quitte � avoir des �l�ves enferm�s dans une salle de classe � l’insu de leur plein gr� comme dirait l’autre ou parce que c’est leur choix (voir l’opposition public captif / non captif) autant mettre en place une p�dagogie version deuxi�me mill�naire.

Dans la perspective historique de Christian PUREN, apr�s l’approche communicative des ann�es 80, nous sommes maintenant, depuis le milieu des ann�es 90, dans une nouvelle approche p�dagogique appel�e "approche actionnelle". Celle-ci propose de mettre l’accent sur les t�ches � r�aliser � l’int�rieur d’un projet global. Mais ce projet, quel est-il ?

� Prenez un lieu, de pr�f�rence clos : une �le, un immeuble, un village, un h�tel, etc. Faites-le investir et d�crire par des �l�ves qui imagineront en �tre les habitants... Utilisez ce lieu-th�me comme lieu de vie pour localiser toutes les activit�s d’expression �crite et orale (...). Vous obtenez ainsi une simulation globale. � Voici ce qu’on peut lire en guise d’introduction au dos du fameux livre de Francis Yaiche, Les simulations globales, mode d’emploi.

Ce titre d’ailleurs n’est pas anodin et fait �cho � l’une des �uvres majeures de la litt�rature oulipienne : La Vie, mode d’emploi de Georges Perec, roman qui coordonne le temps d’un instant (vers 20 heures, le 23 juin 1975) et dans l’espace parfaitement circonscrit d’un immeuble parisien (au 11, rue Simon-Crubellier), une pluralit� d’histoires, de personnages, de mondes m�me.

Allusion faite aux ann�es fondatrices, pendant lesquelles le BELC (Bureau pour l’Enseignement des Langues et de la Civilisation), h�raut tragique de la mise � mort du manuel, tente de r�volutionner les m�thodes d’enseignement en s’appuyant sur le plaidoyer oulipien (Ouvroir de Litt�rature Potentielle) lequel pose la contrainte comme auxiliaire pr�cieux � l’�panouissement de l’imaginaire (voir par contraste la pens�e surr�aliste � la m�me �poque).

Ainsi donc, avec la simulation globale, nous voici face � une p�dagogie de l’imaginaire. Imaginaire du lieu, puisque la salle de classe se transforme, le temps d’une simulation, en terra incognita, en village ou en ch�teau. P�dagogie des masques aussi puisque les �l�ves ne sont plus des �l�ves mais des explorateurs, des naufrag�s, des astronautes, guid�s dans cette folle aventure par le ma�tre... du jeu. Jouer � la vie r�elle en classe de langue � l’heure de la r�cr�-r�alit�, qui l’e�t cru ?

Nous nous situons l� aux confins de l’approche communicative qui, quoi qu’on dise, n’offre que des ersatz de communication authentique entre apprenants. La simulation globale va permettre une mise en situation v�ritable, pendant laquelle la langue sera envisag�e comme un outil et non plus comme un objet de savoir (d’o� l’id�e de mort du manuel...). A partir de l�, le virtuel appelant le virtuel, les simulations globales ne pouvaient pas faire l’impasse sur Internet.

La simulation globale et ses avatars

Les simulations globales sont des projets de longue haleine, recr�er un monde ne se fait pas en une s�ance, et les nombreuses productions qui en d�coulent vont devoir �tre tri�es, r�pertori�es et conserv�es ; d’o� l’int�r�t d’avoir � disposition un ordinateur, qui �vitera au ma�tre du jeu et aux participants d’avoir � se soucier d’une conservation et d’un classement papier qui occasionneraient perte de temps et complications.

Dans son livre sur les simulations globales, Francis Yaiche fait allusion � la fonction statistique des ordinateurs, qui permet d’int�grer la probabilit� et le hasard sans avoir � effectuer soi-m�me des op�rations impliquant de tr�s nombreuses variables ; ainsi, si l’on veut avoir recours au hasard pour poser quelques principes de jeu, on peut se servir de la m�thode dite de � Monte-Carlo � comme dans ces livres dont vous �tes le h�ros qui n�cessitent l’usage de d�s -donc du hasard- pour combattre les cr�atures ennemies rencontr�es en route.

D’autre part, pour se d�velopper, la simulation doit s’appuyer sur la recherche documentaire, l’exploitation de ressources en tout genre. Quoi de plus naturel donc que d’aller butiner la Toile pour y extraire, suivant le th�me donn�, les informations utiles � l’�laboration d’une personnalit� nouvelle (qu’est-ce que c’est qu’�tre Fran�ais ? Comment pense l’Am�ricain de base ?...), � la mise en place d’un syst�me politique, � la d�couverte d’un pays �tranger ? Ainsi, des naufrag�s pourront s’int�resser au climat qui r�gne dans les �lots du Pacifique, des astronautes pourront s’enqu�rir de la temp�rature qu’il fait sur Mars ou du ph�nom�ne de trous noirs ...

L’utilisation informatique dans le cadre des simulations globales ne s’arr�te pas l�.

En 1997, un projet pilote lanc� par Ademirnet donne naissance au premier livre collectif � l’�chelle de la plan�te ; quelques deux cent cinquante �tudiants europ�ens et am�ricains reli�s par Internet se lancent dans l’aventure et deviennent les habitants virtuels de l’immeuble parisien du 109, rue Lamarck, Paris 18�.

L’id�e est tir�e de L’Immeuble de Francis Debyser, ouvrage p�dagogique utilis� pour les simulations globales en classe de fran�ais langue �trang�re :

� Vous n’allez pas construire un immeuble anonyme o� personne ne se conna�t ; la vie de l’immeuble est faite de communications ; vous allez imaginer et jouer ces sc�nes. Certaines seront tr�s simples : Mme X rencontre M. Z dans l’escalier ; ils se saluent et �changent une ou deux phrases sur le temps qu’il fait. D’autres seront un peu moins banales : la m�re Michel demande au p�re Lustucru de l’aider � retrouver son chat... �

Le professeur animateur d’Ademirnet a jou� le r�le de la concierge Yvonne Chopard. Elle recevait par courrier �lectronique tous les messages venus du monde entier, puis elle les regroupait et les rediffusait � tous les locataires. Voici ce que l’on nous apprend de la vie de l’immeuble sur la page Internet consacr�e au projet :

� La vie de l’immeuble �tait tr�s anim�e et il s’en est pass� des choses au 109, rue Lamarck : un bapt�me chez les Fisher du 6�me, un vol, une p�tition contre les mauvaises odeurs des Martin, des histoires d’amour, une gr�ve, et bien s�r des tas de potins... Nous avons aussi imagin� des visages pour nos personnages simul�s et par e-mail toutes les (fausses) photos ont circul� ! �

Les productions des habitants ont toutes �t� r�dig�es en fran�ais, y compris par les �tudiants am�ricains et allemands, et l’on voit bien l’int�r�t pour les classes de langue de mettre en place ce genre de projets p�dagogiques hautement formateurs.

From : [email protected] (J. Vincent H.Morrissette) USA Californie-Monterey Santa Catalina School

Nous voudrions nous plaindre des odeurs qui proviennent de la famille MARTIN. Ces odeurs empestent notre appartement ainsi que tout l’immeuble. Nous songions � envoyer une note � la concierge et, si elle n’y rem�die pas, � faire circuler une p�tition contre la famille. Nous aurons, bien s�r, � frapper aux portes de nos voisins pour leur demander de signer la p�tition. En m�me temps, nous devrons faire connaissance et apprendre ce que d’autres ont sur le c�ur...

BIZARRE. Perdu : mon dragon-l�zard

Mon dragon-l�zard est perdu. Est-ce que vous l’avez vu ? Car c’est vraiment g�nant. Il est tr�s mignon, avec des crocs et deux petit cornes sur la t�te. Il est vert, et ail�. Il a quatre pieds avec des griffes. Il est curieux, et d�prime, alors fermez votre fen�tre, gardez le couvercle des W.C. ferm�, parce qu’il pense que c’est un aquarium. Si vous l’avez vu, donnez-moi un coup de fil, s’il vous pla�t. Daryne Lef�e, USA, Denver.

Cette correspondance asynchrone a permis aux �tudiants de s’investir plus avant dans un travail linguistique qui n’aurait pas les m�mes vertus sur le babillard, pour reprendre la terminologie canadienne. L’usage des messageries instantan�es, bien qu’envisageable dans le contexte de projets p�dagogiques tels que la simulation globale, ne pr�sente pas les avantages de relecture, de correction orthographique, de travail sur la forme stylistique ou sur le plan des id�es qu’un �change asynchrone permet de mettre en place. Le chat, quoiqu’ utile si l’on veut converser avec des gens de toutes nationalit�s, rel�ve plus de l’oral, de l’�ph�m�re .. verba volant, scripta manent, c’est bien l� le probl�me.

Pour ceux qui souhaitent en savoir plus, rien ne vaut l’empirisme ! Allez donc jeter un �il sur les sites suivants et devenez vous aussi les h�ros de l’H�tel, du Cirque, de l’Entreprise (pour le fran�ais des affaires), devenez acteurs de l’histoire et aidez les P�res Fondateurs sur le site de la D�claration d’Ind�pendance : 1776, ou d�couvrez le Canada du 19� si�cle en visitant le Village Prologue.

Pour les passionn�s, � lire absolument :

YAICHE F., Les simulations globales, mode d’emploi , Hachette, 1996

DEBYSER F., YAICHE F. : L’immeuble. Hachette, 1986.

PEREC G. : La vie mode d’emploi. Hachette, 1978.

Le village: Une simulation globale en classe d’accueil pour �l�ves primo-arrivants comme outil d’int�gration et d’�ducation � la citoyennet� PDF 19 p.