Savoir déclaratif et savoir procédural

"La théorie d’apprentissage d’Anderson sur laquelle nous nous appuyons repose sur la distinction classique en psychologie cognitive entre un savoir déclaratif, constitué d’un assemblage d’informations indispensables pour générer une action, et un savoir procédural constitué de procédures de mise en ½uvre de l’action. Or chez les didacticiens de langues étrangères on a souvent une vision trop étroite de ce que peut être le savoir déclaratif et son rapport avec le savoir procédural. On a tendance en effet à considérer le savoir déclaratif comme celui qui est donné par l’enseignement grammatical de la classe traditionnelle et destiné par la suite à être simplement automatisé, c’est-à-dire rendu implicite et inconscient. Par contraste, Anderson (1987, 206) explique sa conception du savoir déclaratif dans les termes suivants :

"Notre système de savoir déclaratif a la capacité d’emmagasiner (…) nos expériences dans n’importe quel domaine, y compris les enseignements, un modèle de comportement correct, succès et échecs de nos propres tentatives, etc. Une caractéristique de base du système déclaratif est qu’il ne requiert pas pour emmagasiner le savoir qu’on sache comment celui-ci sera utilisé. Cela signifie qu’on peut mettre aisément un savoir pertinent dans notre système, mais qu’un effort considérable doit être fait quand vient le moment de convertir ce savoir en comportement."

Dans l’expérience d’un apprenant de LE, l’input grammatical ne constitue qu’une partie du savoir déclaratif, celle qui correspond à des instructions directes. Il faut attribuer le même statut au savoir issu de l’input textuel qui donne une expérience directe de la langue. Enfin, il est évident que la réflexion métalinguistique d’un apprenant de LE est alimentée par les savoirs (linguistiques, référentiels, conceptuels, pragmatiques …) qui relèvent de la maîtrise de sa langue maternelle. Ces savoirs peuvent être plus ou moins explicites ("métalinguistiques" ou "épilinguistiques") selon la terminologie de Gombert (1990)), ils n’en constituent pas moins le savoir déclaratif.

La mémoire déclarative est le réservoir des faits dont nous avons connaissance et des expériences que nous avons faites. Selon Anderson, il faut distinguer de cette mémoire déclarative une mémoire procédurale qui contient les règles d’action gouvernant les savoir-faire. En quoi consiste une règle procédurale ? D’après Anderson (1982, 369), elle est constituée par "une condition qui spécifie les circonstances dans lesquelles elle peut s’appliquer et une action qui spécifie ce qui doit être fait quand la règle procédurale s’applique". On peut traduire une règle d’action (règle procédurale) sous forme verbale en la représentant comme une inférence pratique : si X (antécédent), alors fais Y (conséquent). Dans le cas d’une langue étrangère, il pourrait s’agir d’une règle formelle du genre "si le but est de générer le pluriel d’un substantif, alors ajoute S" ou bien d’une règle très fonctionnelle telle que "si le but est de remercier quelqu’un, alors dis THANKS". Dans l’antécédent, la règle procédurale précise le but poursuivi et les circonstances particulières de l’action. La règle procédurale est la face cognitive de l’action qui précède l’opération elle-même et guide le comportement. Sous l’effet de stimulations externes ou de computations internes, les règles d’action sont activées dans la mémoire de travail par un processus d’appariement qui met en correspondance les données présentes en mémoire de travail et les conditions d’activation d’une action..."

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http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RFLA&ID_NUMPUBLIE=RFLA_072&ID_ARTICLE=RFLA_072_0025
La dimension cognitive dans l’apprentissage des langues étrangères, par Peter GRIGGS, Rita CAROL et Pierre BANGE
| Publications Linguistiques | Revue Française de Linguistique Appliquée
2002/2 - Volume VII
ISSN 1386-1204 | pages 25 à 38