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Apprentissage et enseignement
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Laisser � l’�l�ve le soin de r�soudre le probl�me d’apprendre, c’est se soustraire au devoir de r�soudre le probl�me d’enseigner.
B.F. Skinner (1968�: 171).
  • 1. 2. 1. Le savoir�et les savoirs
  • 1. 2. 2. Mod�les ternaires de la situation d’enseignement-apprentissage
  • 1. 2. 1. Le savoir�et les savoirs

    � chacun des diff�rents niveaux d’apprentissage �voqu�s dans les pages qui pr�c�dent, nous avons associ� un type de ��savoir��, du ��savoir quelque chose�� au ��savoir�� tout court, en passant par le ��savoir-faire��. Il est bien �vident qu’apprendre, c’est toujours apprendre quelque chose, dans le but de conna�tre, de ��savoir��. Mais toute l’ambigu�t� de ce terme est qu’il appara�t en amont comme en aval du processus ��apprendre���; le savoir (S) d�signe aussi bien l’objet de l’apprentissage (a) que son r�sultat, son produit, selon l’�quation�: SaS. La situation se complique quand on sait que, pour les cognitivistes, le terme de cognition, qui peut �tre consid�r� comme synonyme de ��savoir�� ou ��savoirs��, recouvre � la fois le processus d’apprentissage et son produit. En effet, selon Le Ny,
    la cognition recouvre � la fois l’ensemble des activit�s qui concourent � la connaissance, qu’elles fonctionnent de fa�on correcte ou plus ou moins correcte, et l’ensemble des produits de ces activit�s, qu’il s’agisse de connaissances proprement dites, d’erreurs franches, de repr�sentations et de croyances approximatives, ou partiellement inexactes (1992�: 136)52.
    On constate que cette d�finition s’�loigne consid�rablement de la conception traditionnelle de l’apprentissage comme acquisition d’un savoir pr��tabli, et de la conception corr�lative de l’enseignement comme ��transmission des savoirs��. En effet, l’auteur cit� va jusqu’� consid�rer que ��les erreurs franches�� et ��les croyances approximatives�� non seulement concourent � la connaissance mais qu’elles en font partie. Et m�me si nous n’adh�rons pas tout � fait au regroupement des activit�s d’apprentissage et des connaissances en un seul et m�me concept, il nous faut tout au moins reformuler notre �quation de d�part, pour tenir compte du fait que le savoir acquis n’est jamais l’�quivalent exact du savoir � acqu�rir�: S a S’.
    Or, dans le cadre de l’apprentissage par instruction, la m�diation de l’enseignant intervient sur le ��savoir savant�� pour le didactiser (d), le transformer en ��savoir � faire apprendre��, et notre �quation se transforme � nouveau pour donner�: S d S’ A S’’. Si nous nous int�ressons � l’apprenant (A) en tant que sujet de l’apprentissage, nous tenons ici deux des trois c�t�s du triangle p�dagogique�: le c�t� de la didactisation, ou de la ��transposition didactique�� (S d S’) d’une part, et celui de la p�dagogie (S’ A S’’) d’autre part.

    1. 2. 2. Mod�les ternaires de la situation d’enseignement-apprentissage

    — Le triangle p�dagogique
    Arriv� � ce stade de notre r�flexion, il devient n�cessaire de d�finir un terme d�j� utilis� � plusieurs reprises, celui de ��triangle p�dagogique��, que nous empruntons � Houssaye (1988), cf. Figure�1.1 ci-dessous. La th�se de cet auteur est que la relation triangulaire p�dagogique fonctionne selon le principe du tiers exclu, qu’il d�finit ainsi�:
    La situation p�dagogique peut �tre d�finie comme un triangle compos� de trois �l�ments, le savoir, le professeur et les �l�ves, dont deux se constituent comme sujets tandis que le troisi�me doit accepter la place du mort ou, � d�faut, se mettre � faire le fou.
    Les processus sont au nombre de trois�: ��enseigner�� qui privil�gie l’axe professeur-savoir, ��former�� qui privil�gie l’axe professeur-�l�ves, ��apprendre�� qui privil�gie l’axe �l�ves-savoir�; sachant qu’on ne peut tenir �quivalemment les trois axes, il faut en retenir un et red�finir les deux exclus en fonction de lui (op. cit.�: 233).

    Figure�1.1 - Le triangle p�dagogique de J. Houssaye
    — Une approche ternaire de la formation
    La litt�rature du domaine propose bien d’autres mod�les de la relation p�dagogique, souvent construits, comme le mod�le de Houssaye, sur une forme ternaire. Dans leur ouvrage sur l’autoformation, Carr� et al. (1997�: 34 et s.), qui font allusion � la ��probl�matique des trois ma�tres�� d’un illustre devancier, Rousseau53, proposent un mod�le ternaire de la formation (Figure�1.2).

    Figure�1.2 - L’approche ternaire de la formation (Carr� et al., 1997)
    Ces auteurs insistent sur la valeur heuristique de l’approche ternaire, qui leur permet une analyse de chaque niveau de l’autoformation, � la fois ��polaris�e�sur un aspect sp�cifique (psychologique, p�dagogique, social) et dialectiquement articul�e aux trois autres��. Corr�lativement, la prise en compte de la dimension dialectique permet d’�chapper aux pi�ges du psychologisme, du sociologisme et du p�dagogisme (ou technicisme), qui guettent quiconque se focalise sur un seul des trois p�les de la situation de formation (pour nous�: la situation p�dagogique).
    Le mod�le propos� par Carr� et al. accorde au p�le de l’Environnement autant d’importance qu’aux p�les du Sujet apprenant et du Dispositif de formation. Cette importance accord�e au p�le ���co�� est relativement nouvelle dans le domaine de la p�dagogie, mais elle nous semble surtout justifi�e par le fait que, dans les milieux de l’autoformation �tudi�s par ces auteurs, le Sujet apprenant est typiquement un adulte, engag� dans un milieu socioprofessionnel qui constitue un �l�ment non n�gligeable de son environnement d’apprentissage. L’influence du facteur ��sociop�dagogique�� nous semble moins importante dans le cadre de l’apprentissage institutionnel traditionnel qui est celui de notre pr�sente �tude. Par ailleurs, la fusion op�r�e dans ce mod�le entre l’enseignant et les supports d’apprentissage, sous l’�tiquette commune de ��dispositif de formation�� nous para�t pr�judiciable � l’analyse de ce qui fait la sp�cificit� du dispositif humain d’une part et des dispositifs non humains d’autre part. Comme le fait remarquer Springer, ��le fait de classer l’enseignant dans la cat�gorie des ressources et des moyens peut d�ranger et choquer�� (1996�: 166). Nous admettons volontiers que, du point de vue de l’apprenant, l’enseignant puisse �tre consid�r� comme une ressource parmi d’autres. Ce qui nous choque dans ce regroupement, c’est que, en mettant sur le m�me plan l’enseignant et les ressources, il ne met pas en �vidence les r�les distincts jou�s par l’enseignant dans la m�diatisation du savoir (la didactisation des ressources) et la m�diation p�dagogique.
    — Un mod�le syst�mique

    Figure�1.3 -Le mod�le syst�mique d’Altet
    Un troisi�me mod�le, dont on peut consid�rer qu’il compl�te celui de Houssaye en explicitant les champs de la didactique et de la p�dagogie, est le mod�le syst�mique propos� par Altet (1997�: 15-17, Figure�1.3 ci-dessus). Ce mod�le, qui d�crit la p�dagogie comme ��la r�gulation fonctionnelle et dialectique entre les processus enseigner-apprendre, apprendre-enseigner�[...], met l’accent sur la dynamique de la r�gulation p�dagogique qui est plus de l’ordre du flux, de l’�nergie et du temps que de l’�quilibre entre des p�les�� (Altet, 1991, cit� par Altet, 1997�:�15). L’approche syst�mique a �t� vulgaris�e par des auteurs comme De Rosnay (1975), et appliqu�e au domaine p�dagogique par Gagn� (1975, cit� par Altet, op. cit.�: 16). D’apr�s Lerbet, ��[l’approche syst�mique] n’occupe pas encore en �ducation la place souvent pr�pond�rante qu’elle peut avoir dans d’autres disciplines comme, par exemple, les sciences de la cognition�� (1997�:�5). Tout en regrettant que la r�f�rence aux syst�mes et � la syst�mique soit devenue une mode qui suscite ��des discours parfois p�remptoires��, Demaizi�re et Dubuisson retiennent que, ��sans �tre une science ou une th�orie � laquelle se r�f�rer n�cessairement��, la syst�mique est ��li�e � une d�marche qui se r�v�le utile [...] dans le champ de l’utilisation des NTF54 dans la formation�� (1992�: 151).
    D’apr�s De Rosnay, tandis que l’approche analytique convient bien � l’analyse des syst�mes homog�nes, ��c’est-�-dire comportant des �l�ments semblables et pr�sentant entre eux des interactions faibles, [...] les lois d’additivit� des propri�t�s �l�mentaires ne jouent [...] plus dans le cas des syst�me de haute complexit�, constitu�s par une tr�s grande diversit� d’�l�ments li�s par des interactions fortes�� (1975�: 118). Il nous appara�t que la diversit� des �l�ments qui composent ce syst�me complexe qu’est la situation d’enseignement-apprentissage, ainsi que les interactions fortes qui lient ces �l�ments entre eux, rendent l’approche syst�mique particuli�rement appropri�e � l’�tude d’un tel syst�me.
    — Le mod�le SOMA de Legendre
    Dans son Dictionnaire actuel de l’�ducation55, Legendre d�finit un mod�le de situation p�dagogique56 qui comporte quatre composantes�:
    Ce mod�le de la situation p�dagogique, adapt� au domaine de la didactique des langues par Germain, est illustr� par le sch�ma de la Figure�1.4 (ci-dessous)�.
    La relation p�dagogique, qui se trouve au centre de la situation p�dagogique, se d�finit comme ��l’ensemble des relations d’apprentissage, d’enseignement et didactique dans une situation p�dagogique�� (Legendre, op. cit.�: 491). Par rapport au mod�le de Carr�, celui de Legendre pr�sente l’avantage de ne pas faire de l’environnement un p�le parmi les trois p�les de la situation p�dagogique, mais un Milieu qui inclut les trois autres p�les. En revanche, la position de l’enseignant para�t peu claire, puisqu’on le retrouve aussi bien en tant que composante de l’Agent que comme composante du Milieu. D’ailleurs, ces deux composantes Agent et Milieu semblent se recouper. Nous reviendrons sur ce mod�le lors de notre discussion d’un mod�le de la situation p�dagogique propre � l’apprentissage des langues.

    Figure�1.4 - Le mod�le SOMA de la situation p�dagogique (Legendre, 1988, adapt� � la didactique des langues par Germain, 1989)
    — Un mod�le provisoire
    Nous proposerons un premier mod�le, bas� sur le triangle p�dagogique de Houssaye, de qui nous avons conserv� provisoirement la terminologie des trois ��processus���: apprendre, enseigner et former (Figure�1.5). Nous y int�grons le champ de la didactique, que nous associons � la gestion de l’information et celui de la p�dagogie, qui rel�ve de l’�conomie de la communication (d’apr�s Lerbert, 1984�: 33). Pour faire pendant aux deux champs57 de la didactique et de la p�dagogie, nous proposons, � d�faut d’oser le n�ologisme d’��apprentique��, mais pour tout au moins mettre en �vidence le point de vue �mique de notre approche, ��l’art de l’apprentissage��. Les fl�ches doublement orient�es qui relient les trois p�les de notre mod�le symbolisent la stabilit� dynamique, les �quilibres de flux, l’interaction, caract�ristiques emprunt�es � l’approche syst�mique. Enfin, nous attribuons provisoirement une place ��flottante�� � la composante Environnement de la situation p�dagogique, place qui demandera � �tre affin�e ult�rieurement.
    Ce premier mod�le va nous permettre de discuter des rapports entre p�dagogie et didactique, termes soit souvent confondus dans l’usage courant soit au contraire revendiqu�s comme distincts, voire oppos�s par les sp�cialistes des champs qu’ils d�signent.

    Figure�1.5 - Un premier mod�le de la situation
    d’enseignement-apprentissage

    52. ���Cit� par Raynal et Rieunier, 1997�: 73.

    53. �����Le d�veloppement interne de nos facult�s et de nos organes est l’�ducation de la nature�; l’usage qu’on nous apprend � faire de ce d�veloppement est l’�ducation des hommes�; et l’acquis de notre propre exp�rience sur les objets qui nous affectent est l’�ducation des choses. Chacun de nous est donc form� par trois ma�tres ([1762] 1966�: 37).��
    54. ���NTF = Nouvelles Technologies de Formation.
    55. ���Legendre, R. (1988) Dictionnaire actuel de l’�ducation, Paris, Montr�al�: Larousse.
    56. ���Dans le but d’all�ger la lecture de notre texte, nous utiliserons d�sormais le plus souvent possible l’expression de ��situation p�dagogique�� comme synonyme de ��situation d’enseignement-apprentissage��.
    57. ���On pourrait presque �crire les deux camps, tant les rapports entre ces deux champs sont conflictuels, comme le signale Astolfi�: ��Depuis que le champ des didactiques s’est structur� comme tel, les rapports que celles-ci entretiennent avec la p�dagogie sont rarement sereins. [...] Chacun est g�n�ralement pri� de choisir son camp (1997�: 67).��