Le maître
Extrait de: Cicurel, Francine (2003):
Figures de maître.
Le
Français dans le Monde,
Mars-avril - N°326.
http://www.fdlm.org/fle/article/326/fignaitre.php
Le « maître ancien »
Une étude consacrée au comportement d’étudiants chinois apprenant
l’anglais en Chine avec des professeurs occidentaux
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illustre les attentes contradictoires dues à l’appartenance des uns et
des autres à des cultures éducatives différentes. Chacun interprète le
comportement de l’autre selon ses propres normes. Les étudiants
chinois, s’ils apprécient les professeurs natifs comme représentants de
leur culture, estiment que les professeurs d’anglais chinois
transmettent davantage de connaissances. Les professeurs anglais, eux,
trouvent les Chinois peu actifs, peu participants. Or ces derniers,
interrogés sur leurs attitudes, donnent un sens à leur manière d’agir
en classe qui mérite d’être relevé. Ainsi, l’acte de « demander de
l’aide publiquement » est-il considéré comme une marque d’incompétence
: il signifie que l’on n’est pas autonome, que l’on risque de faire
perdre la face au professeur et par là même la sienne ; il est donc de
bon ton d’apprendre « dans sa tête » … En revanche, pour le professeur
occidental, participer verbalement à l’interaction, ou mieux «
manifester son esprit critique » est le signe d’une indépendance
intellectuelle.
Le respect du passé et de ce qui est hérité a été mis en rapport
par les auteurs de l’étude avec les valeurs traditionnelles relevant
des principes du Confucianisme et du Taoïsme (piété filiale, altruisme,
vie ascétique, sacrifice de soi, voie moyenne) encore très présentes en
Chine.
On peut parler ici de « pratiques de transmission » qui sont en
partie issues de l’héritage culturel. Qui se découvrent à l’occasion du
face-à-face avec l’autre. Cet ensemble de
façons de faire
héritées d’une tradition éducative laissent une trace dans le mode
d’enseignement ou l’apprentissage.
Sans parole magistrale
Très différente est la figure d’un maître moderne qui « laisse
parler les élèves ». L’analyse des tours de parole en classe de langue
donne le plus souvent la proportion d’au moins 50 % de temps de parole
pour l’enseignant. Confrontés à ce chiffre au cours de leur formation
en didactique, les étudiants s’étonnent que l’enseignant s’attribue
plus de la moitié du temps de parole . Affleure ici une conception
d’une forme d’enseignement orientée vers la communication orale. Sont
valorisés des moments où ce sont les apprenants qui prennent la parole,
où les activités proposées permettent une décentration de ce médiateur
si présent qu’est le professeur. Ce qui est dénié ou renié d’une
certaine manière, c’est le règne de la parole magistrale - de la parole
de ceux que l’on appelait auparavant les
maîtres. Un terme que
l’on utilise aujourd’hui avec circonspection : le discrédit des formes
de l’autorité entretient sans doute d’autres pratiques de transmission…
Quoi qu’il en soit, ce second cas montre que le système de
régulation de la parole, la façon de prendre ou de donner la parole, le
cadre participatif, constituent des
indices qui révèlent les
conceptions sous-jacentes de l’enseignement, des traces permettant
d’appréhender l’évolution d’une culture éducative ou sa métamorphose.
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Le maître stupéfait (...)
« Le maître en devenir»
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Constituants de la culture éducative
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