Lecture

"la lecture est une activité qui est loin d’être passive. L’activité de lecture relève d’un processus interactif au cours duquel le lecteur fait en permanence la liaison entre l’information donnée et ses propres connaissances antérieures, qui vont lui permettre de comprendre cette information et d’en inférer le sens.
Le lecteur repère des indices (visuels, sémantiques, syntaxiques) et les utilise pour faire des hypothèses sur le sens. Elles sont ensuite confirmées ou non, parfois ajustées, au fur et à mesure qu’il avance dans sa lecture." (Tagliante, Christine (2006):  L'évaluation et le Cadre européen commun de référence. Le Français dans le Monde, Mars-avril 2006, No  344: http://www.fdlm.org/fle/article/344/344cadre.php)


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Extraits:

Exploration de la notion de ‘stratégie de lecture’ en français langues étrangère et maternelle

"La lecture studieuse est une stratégie mise en ½uvre par le lecteur pour tirer le maximum d’informations du texte lu ; la lecture balayage intervient lorsque le lecteur veut simplement prendre connaissance de l’essentiel du texte ; la stratégie de sélection est sollicitée lorsque le lecteur cherche une information ponctuelle ; la lecture-action est adoptée par un lecteur occupé à réaliser une action à partir d’un texte contenant des consignes ; la lecture oralisée consiste à lire un texte à haute voix."
Blandine Rui, «Exploration de la notion de ‘stratégie de lecture’ en français langues étrangère et maternelle», Acquisition et Interaction en Langue Étrangère [Mise en ligne le 14 décembre 2005], Disponible sur : http://aile.revues.org/document387.html.

Table des matières


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Le repérage des traces de subjectivité dans la construction de la relation lecteur - scripteur au cours de la lecture de textes de médiacritique d’art en langue étrangère

"Cette recherche renvoie au domaine de la lecture-compréhension de textes en FLE et s’inscrit dans une approche sémiotique de la réception de l’écrit. Nous nous sommes intéressée à la relation de communication très particulière qui s’établit à l’écrit entre un émetteur s’exprimant dans sa langue et un récepteur alloglotte en nous appuyant sur le concept d’‘attitude responsive active’ de M. Bakhtine (Esthétique de la création verbale, 1984) :

L’auditeur qui reçoit et comprend la signification linguistique d’un discours adopte simultanément par rapport à ce discours une attitude responsive active : il est en accord ou en désaccord […], il complète, il adapte […], et cette attitude de l’auditeur est, dès le tout début du discours, […] en élaboration constante durant tout le processus d’audition et de compréhension. La compréhension d’une parole vivante, d’un énoncé vivant s’accompagne toujours d’une responsivité active […] ; toute compréhension est prégnante de réponse et, sous une forme ou une autre, la produit obligatoirement (p. 274, les italiques sont dans le texte)..."

Raquel Pastor de De la Silva, «Le repérage des traces de subjectivité dans la construction de la relation lecteur - scripteur au cours de la lecture de textes de médiacritique d’art en langue étrangère», Acquisition et Interaction en Langue Étrangère [Mise en ligne le 14 décembre 2005], Disponible sur :  http://aile.revues.org/document1471.html.


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Le passage des processus de bas niveau aux processus de haut niveau dans l’élaboration d’une représentation du texte

"Pour comprendre un texte, il faut, d’une part intégrer les données informationnelles des différents mots et des différentes phrases en une représentation unique et cohérente - la signification de ce qui est dit par le texte1 ; et d’autre part, combiner, par un processus de construction, les informations explicites du texte et les informations générales et spécifiques provenant d’autres sources de connaissances - mémoire à long terme et contexte - pour produire une représentation de la situation décrite par le texte. Cette construction relève de la mise en ½uvre d’inférences (Bransford et Franks, 1971 ; Bransford, Barclay et Franks, 1972) et correspond à la structure de la situation, telle que les humains la conçoivent, et non pas à la structure linguistique du discours (Johnson-Laird, 1983).

Si l’intégration des données textuelles et la construction d’une représentation situationnelle se font plus ou moins sans problèmes chez les lecteurs en LM, il n’en est pas toujours en LE. C’est surtout la difficulté à mener des activités en parallèle - traitement des particularités orthographiques et des configurations syntaxiques particulières à la LE, accès lexical, rétention dans la mémoire à court terme, etc. - qui rend difficiles ces processus. En LE, la maîtrise insuffisante des opérations liées à la manipulation du code graphémique (Cziko, 1980, Acuña, 1999) perturbe, voire empêche l’utilisation des stratégies fondées sur des opérations de haut niveau liées aux aspects discursifs du texte. Il en résulte que la compréhension du texte en est perturbée.

Selon des auteurs comme Johnson-Laird (1983, 1993) et van Dijk et Kintsch (van Dijk et Kintsch, 1983 ; van Dijk, 1987, 1988), la compréhension d’un texte passe par des étapes distinctes, obéissant à des processus cognitifs et sémantiques de nature différente : une étape relative à la construction d’une représentation propositionnelle proche de la surface du texte, et une étape relative à l’élaboration d’un modèle analogue à la situation à laquelle se rapporte le texte, dans laquelle les éléments de la surface disparaissent. La représentation propositionnelle se trouve à l’interface entre, d’une part, la construction d’une configuration syntaxique, liée à des processus de bas niveau, et d’autre part, l’élaboration d’un modèle de situation, liée à des processus de haut niveau...."
Teresa Acuña, «Le passage des processus de bas niveau aux processus de haut niveau dans l’élaboration d’une représentation du texte», Acquisition et Interaction en Langue Étrangère [Mise en ligne le 13 décembre 2005], Disponible sur : http://aile.revues.org/document356.html.

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La lecture en langue étrangère : un tour d’horizon d’une problématique de psychologie cognitive

"(...) L’influence du courant théorique représenté en particulier par Goodman (1971) et Smith (1971) a été très grande pour ce qui concerne la lecture en langue seconde. Ces auteurs en effet défendaient l’idée que la lecture n’était pas fondamentalement une activité de prise d’information à partir de lettres et de mots, mais qu’elle consistait pour l’essentiel en l’élaboration d’hypothèses sur la signification du texte lu, hypothèses que le lecteur soumettrait régulièrement à examen en les confrontant avec les données recueillies - pas nécessairement de manière systématique - dans le texte lu. C’est dire qu’on insistait, dans cette perspective, sur la contribution fondamentale du lecteur lui-même, à travers notamment les connaissances initiales qu’il peut mettre en ½uvre face au texte. Ceci explique qu’on ait été conduit, à partir de ces analyses théoriques, à mettre l’accent sur les stratégies du lecteur (rôle du contexte, des attentes, des références…), ainsi que sur ses connaissances métatextuelles (utilisation des « approches textuelles » en linguistique et psycholinguistique comme contenus scientifiques pouvant servir de référence à une « transposition » vers des activités didactiques). Les « exercices de lecture » ont donc pris alors surtout, et ce de manière tout à fait logique par rapport aux discours théoriques ambiants, l’allure d’entraînements à la prise en compte de la dimension textuelle de la lecture.

Le déficit des mécanismes de base

On sait maintenant (voir Golder et Gaonac’h, 1998, ou Gaonac’h, 1998, pour une présentation synthétique) que la reconnaissance des mots en lecture passe par différentes « voies », qui peuvent avoir des poids différents, selon le stade d’apprentissage chez l’apprenti-lecteur, selon les situations de lecture, selon les stratégies du lecteur. Trois codes différents sont supposés être en jeu :

- un code logographique, qui permet une reconnaissance des mots à travers leur forme globale ; on sait que cette reconnaissance s’appuie fortement sur le contexte ;

- un code phonologique, qui permet la reconnaissance des mots à travers l’établissement d’une correspondance entre les formes graphémiques et les représentations phonologiques stockées en mémoire ; on sait que cette forme de reconnaissance implique des mécanismes très subtils de mise en correspondance grapho-phonémique, qui impliquent un apprentissage coûteux, et qui peuvent être en difficulté de manière assez tardive chez certains enfants ;

- un code orthographique, qui permet la reconnaissance des mots à travers la prise en compte des suites de lettres qui les composent.

Ces mécanismes, s’ils apparaissent comme « transparents » au lecteur expert, relèvent cependant d’habiletés complexes, qui sont l’objet d’apprentissages implicites (dans les trois cas) ou en certains cas explicites (dans le cas du codage phonologique). Ils peuvent de plus apparaître comme aisément transférables d’une langue à l’autre ; on sait pourtant que, pour chacun de ces trois types de codage, des difficultés peuvent apparaître lorsqu’on doit travailler en langue seconde :

- Le recours au contexte est gêné ou ralenti, du fait du ralentissement général de la construction de la signification, ce qui rend difficile la reconnaissance globale des mots.

- Le code phonologique est souvent peu disponible (d’autant plus que l’utilisation de l’écrit précède souvent la bonne maîtrise de la langue orale) ; on sait que la lecture dans une langue seconde peut conduire chez chaque lecteur à l’émergence d’un système phonologique idiosyncrasique, fondé en grande partie sur le système de la langue maternelle. Le recours au codage phonologique, s’il n’est pas un passage obligé, constitue cependant un mode de traitement de l’écrit particulièrement efficace, d’une part dans le cas de mots non familiers (c’est-à-dire moins susceptibles de pouvoir être traités à travers les deux autres types de code), d’autre part lorsque la complexité des traitements syntaxiques fait peser des contraintes sur la mémoire de travail (le code phonologique étant alors le plus efficace, pour des raisons qui tiennent au fonctionnement de la mémoire humaine). On peut de plus évoquer le cas des apprenants qui ont eu une première expérience d’apprentissage de la lecture dans un système d’écriture idéographique, ou même dans un système d’écriture syllabique (comme le système Katakana du japonais), et pour qui, face aux systèmes d’écriture phonémiques, des difficultés peuvent se présenter, qui relèvent de celles éprouvées par les jeunes enfants à propos de la prise de conscience du système phonologique induite par ce type d’écriture.

- On sait que les redondances orthographiques de chaque langue nécessitent un apprentissage spécifique, et que la faiblesse des connaissances implicites sur ces redondances induit, en langue seconde, un ralentissement des mécanismes de reconnaissance. Les représentations orthographiques pertinentes peuvent être différentes selon les langues : les informations orthographiques peuvent être saisies sur la base de découpages incluant des lettres composant, selon les cas, un phonème, une syllabe, ou encore un morphème. Deux facteurs interviennent donc en langue seconde, et peuvent se cumuler : d’une part les connexions entre lettres qui peuvent être traitées ensemble sont plus faibles que celles qui existent pour la langue maternelle ; d’autre part, certaines connexions utiles en langue maternelle peuvent être inutiles dans la langue seconde étudiée, et vice versa, ce qui constitue donc une source de transfert négatif.

Ces points concernent de manière générale le problème du degré d’automatisation des processus de ce type dans l’utilisation d’une langue : il ne s’agit pas là directement d’un problème d’acquisition de la langue seconde en général, mais plutôt d’un problème de niveau de maîtrise des processus impliqués. On sait d’ailleurs qu’il existe entre apprenants de même niveau des différences importantes dans la maîtrise de ces processus, et ce y compris pour des apprenants avancés, et y compris chez des sujets bilingues, dont le degré « d’équilibre » - c’est-à-dire de maîtrise de la langue seconde par rapport à la langue maternelle - peut être aisément évalué à travers des épreuves portant par exemple sur la rapidité des processus de reconnaissance lexicale (Favreau et Segalowitz, 1982, 1983 ; voir Gaonac’h, 1990, pour une synthèse).

L’importance de l’automatisation des processus de base de la lecture a été prise en compte par tout un secteur de recherche particulièrement prolifique, y compris en langue seconde (McLaughlin, 1990). Ces recherches ont conduit notamment à changer totalement la perspective des psychologues quant à ce qui constitue la compétence en lecture : on considère maintenant que la compétence du bon lecteur ne tient pas à ce que celui-ci se reposerait moins sur les informations visuelles - les « données » du texte ; elle tient surtout à ce que les mécanismes d’analyse visuelle du bon lecteur utilisent moins de ressources. Une bonne illustration de ce raisonnement est illustrée par ce qu’on sait maintenant de l’évolution des mécanismes de fixation oculaire au fur et à mesure que la compétence de lecture s’accroît : Bernhardt (1987), par exemple, a montré, à propos de la lecture en langue seconde, que le nombre de fixations oculaires en lecture diminue peu quand la maîtrise de la langue seconde augmente, et que ce qui change principalement, c’est la durée de chaque fixation oculaire, autrement dit le temps passé à la réalisation des processus de traitement, et notamment de reconnaissance lexicale...

Conclusion

Dans le cas d’une activité qui implique un très fort degré d’interactivité entre des processus très nombreux et très variés, le problème majeur de la didactique revient à déterminer où il est préférable d’agir dans cet ensemble. Ce problème se trouve amplifié, pour ce qui concerne la lecture, dans le cas d’une langue seconde, puisqu’il n’y a plus là vraiment de « début » dans la mise en ½uvre d’une activité souvent déjà largement entraînée à propos de la langue maternelle.

Un principe d’action général peut être d’agir là où les processus les plus spécifiquement déficitaires sont particulièrement mis en cause. La référence à la faible automatisation des processus de base - reconnaissance lexicale, et sans doute aussi, bien qu’on dispose encore de peu de données à ce sujet, traitements syntaxiques - peut sans doute conduire à des hypothèses didactiques. Il est sans doute difficile d’envisager des exercices qui conduisent directement à améliorer l’automatisation de tels processus. Mais on peut envisager deux types d’intervention :

- Avec effet immédiat, on peut penser que la double lecture systématique des textes est une technique qui doit permettre l’exercice séparé des processus de bas niveau, dont la mise en ½uvre en première lecture serait susceptible de libérer les ressources cognitives suffisantes pour la mise en ½uvre efficace des processus de haut niveau en seconde lecture. On est là dans une logique de dissociation des difficultés potentielles rencontrées par l’apprenant de langue seconde..."


Daniel Gaonac’h, «La lecture en langue étrangère : un tour d’horizon d’une problématique de psychologie cognitive», Acquisition et Interaction en Langue Étrangère [Mise en ligne le 13 décembre 2005], Disponible sur : http://aile.revues.org/document970.html.

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Cf. aussi: