"Cette recherche renvoie au domaine de la lecture-compr�hension de textes en FLE et s’inscrit dans une approche s�miotique de la r�ception de l’�crit. Nous nous sommes int�ress�e � la relation de communication tr�s particuli�re qui s’�tablit � l’�crit entre un �metteur s’exprimant dans sa langue et un r�cepteur alloglotte en nous appuyant sur le concept d’‘attitude responsive active’ de M. Bakhtine (Esth�tique de la cr�ation verbale, 1984)�:
L’auditeur
qui re�oit et comprend la signification linguistique d’un discours
adopte simultan�ment par rapport � ce discours une attitude responsive
active�: il est en accord ou en d�saccord […], il compl�te, il
adapte
[…], et cette attitude de l’auditeur est, d�s le tout d�but du
discours, […] en �laboration constante durant tout le processus
d’audition et de compr�hension. La compr�hension d’une parole vivante,
d’un �nonc� vivant s’accompagne toujours d’une responsivit� active
[…]�; toute compr�hension est pr�gnante de r�ponse et, sous une
forme
ou une autre, la produit obligatoirement (p. 274, les italiques sont
dans le texte)..."
Raquel Pastor de De la Silva,
�Le rep�rage des traces de subjectivit�
dans la construction de la relation lecteur�- scripteur au cours
de la
lecture de textes de m�diacritique d’art en langue �trang�re�, Acquisition
et Interaction en Langue �trang�re [Mise en ligne le 14 d�cembre
2005], Disponible sur :� http://aile.revues.org/document1471.html.
"Pour comprendre un texte, il faut, d’une part int�grer les donn�es informationnelles des diff�rents mots et des diff�rentes phrases en une repr�sentation unique et coh�rente�- la signification de ce qui est dit par le texte1�; et d’autre part, combiner, par un processus de construction, les informations explicites du texte et les informations g�n�rales et sp�cifiques provenant d’autres sources de connaissances�- m�moire � long terme et contexte�- pour produire une repr�sentation de la situation d�crite par le texte. Cette construction rel�ve de la mise en �uvre d’inf�rences (Bransford et Franks, 1971�; Bransford, Barclay et Franks, 1972) et correspond � la structure de la situation, telle que les humains la con�oivent, et non pas � la structure linguistique du discours (Johnson-Laird, 1983).
Si l’int�gration des donn�es textuelles et la construction d’une repr�sentation situationnelle se font plus ou moins sans probl�mes chez les lecteurs en LM, il n’en est pas toujours en LE. C’est surtout la difficult� � mener des activit�s en parall�le�- traitement des particularit�s orthographiques et des configurations syntaxiques particuli�res � la LE, acc�s lexical, r�tention dans la m�moire � court terme, etc.�- qui rend difficiles ces processus. En LE, la ma�trise insuffisante des op�rations li�es � la manipulation du code graph�mique (Cziko, 1980, Acu�a, 1999) perturbe, voire emp�che l’utilisation des strat�gies fond�es sur des op�rations de haut niveau li�es aux aspects discursifs du texte. Il en r�sulte que la compr�hension du texte en est perturb�e.
Selon des auteurs
comme Johnson-Laird (1983, 1993) et van Dijk et Kintsch (van Dijk et
Kintsch, 1983�; van Dijk, 1987, 1988), la compr�hension d’un texte
passe par des �tapes distinctes, ob�issant � des processus cognitifs et
s�mantiques de nature diff�rente�: une �tape relative � la
construction
d’une repr�sentation propositionnelle proche de la surface du texte, et
une �tape relative � l’�laboration d’un mod�le analogue � la situation
� laquelle se rapporte le texte, dans laquelle les �l�ments de la
surface disparaissent. La repr�sentation propositionnelle se trouve �
l’interface entre, d’une part, la construction d’une configuration
syntaxique, li�e � des processus de bas niveau, et d’autre part,
l’�laboration d’un mod�le de situation, li�e � des processus de haut
niveau...."
Teresa Acu�a, �Le passage des processus de bas niveau aux processus de
haut niveau dans l’�laboration d’une repr�sentation du texte�, Acquisition
et Interaction en Langue �trang�re [Mise en ligne le 13 d�cembre
2005], Disponible sur : http://aile.revues.org/document356.html.
On sait maintenant (voir Golder et Gaonac’h, 1998, ou Gaonac’h, 1998, pour une pr�sentation synth�tique) que la reconnaissance des mots en lecture passe par diff�rentes ��voies��, qui peuvent avoir des poids diff�rents, selon le stade d’apprentissage chez l’apprenti-lecteur, selon les situations de lecture, selon les strat�gies du lecteur. Trois codes diff�rents sont suppos�s �tre en jeu�:
- un code logographique, qui permet une reconnaissance des mots � travers leur forme globale�; on sait que cette reconnaissance s’appuie fortement sur le contexte�;
- un code phonologique, qui permet la reconnaissance des mots � travers l’�tablissement d’une correspondance entre les formes graph�miques et les repr�sentations phonologiques stock�es en m�moire�; on sait que cette forme de reconnaissance implique des m�canismes tr�s subtils de mise en correspondance grapho-phon�mique, qui impliquent un apprentissage co�teux, et qui peuvent �tre en difficult� de mani�re assez tardive chez certains enfants�;
- un code orthographique, qui permet la reconnaissance des mots � travers la prise en compte des suites de lettres qui les composent.
Ces m�canismes, s’ils apparaissent comme ��transparents�� au lecteur expert, rel�vent cependant d’habilet�s complexes, qui sont l’objet d’apprentissages implicites (dans les trois cas) ou en certains cas explicites (dans le cas du codage phonologique). Ils peuvent de plus appara�tre comme ais�ment transf�rables d’une langue � l’autre�; on sait pourtant que, pour chacun de ces trois types de codage, des difficult�s peuvent appara�tre lorsqu’on doit travailler en langue seconde�:
- Le recours au contexte est g�n� ou ralenti, du fait du ralentissement g�n�ral de la construction de la signification, ce qui rend difficile la reconnaissance globale des mots.
- Le code phonologique est souvent peu disponible (d’autant plus que l’utilisation de l’�crit pr�c�de souvent la bonne ma�trise de la langue orale)�; on sait que la lecture dans une langue seconde peut conduire chez chaque lecteur � l’�mergence d’un syst�me phonologique idiosyncrasique, fond� en grande partie sur le syst�me de la langue maternelle. Le recours au codage phonologique, s’il n’est pas un passage oblig�, constitue cependant un mode de traitement de l’�crit particuli�rement efficace, d’une part dans le cas de mots non familiers (c’est-�-dire moins susceptibles de pouvoir �tre trait�s � travers les deux autres types de code), d’autre part lorsque la complexit� des traitements syntaxiques fait peser des contraintes sur la m�moire de travail (le code phonologique �tant alors le plus efficace, pour des raisons qui tiennent au fonctionnement de la m�moire humaine). On peut de plus �voquer le cas des apprenants qui ont eu une premi�re exp�rience d’apprentissage de la lecture dans un syst�me d’�criture id�ographique, ou m�me dans un syst�me d’�criture syllabique (comme le syst�me Katakana du japonais), et pour qui, face aux syst�mes d’�criture phon�miques, des difficult�s peuvent se pr�senter, qui rel�vent de celles �prouv�es par les jeunes enfants � propos de la prise de conscience du syst�me phonologique induite par ce type d’�criture.
- On sait que les redondances orthographiques de chaque langue n�cessitent un apprentissage sp�cifique, et que la faiblesse des connaissances implicites sur ces redondances induit, en langue seconde, un ralentissement des m�canismes de reconnaissance. Les repr�sentations orthographiques pertinentes peuvent �tre diff�rentes selon les langues�: les informations orthographiques peuvent �tre saisies sur la base de d�coupages incluant des lettres composant, selon les cas, un phon�me, une syllabe, ou encore un morph�me. Deux facteurs interviennent donc en langue seconde, et peuvent se cumuler�: d’une part les connexions entre lettres qui peuvent �tre trait�es ensemble sont plus faibles que celles qui existent pour la langue maternelle�; d’autre part, certaines connexions utiles en langue maternelle peuvent �tre inutiles dans la langue seconde �tudi�e, et vice versa, ce qui constitue donc une source de transfert n�gatif.
Ces points concernent de mani�re g�n�rale le probl�me du degr� d’automatisation des processus de ce type dans l’utilisation d’une langue�: il ne s’agit pas l� directement d’un probl�me d’acquisition de la langue seconde en g�n�ral, mais plut�t d’un probl�me de niveau de ma�trise des processus impliqu�s. On sait d’ailleurs qu’il existe entre apprenants de m�me niveau des diff�rences importantes dans la ma�trise de ces processus, et ce y compris pour des apprenants avanc�s, et y compris chez des sujets bilingues, dont le degr� ��d’�quilibre���- c’est-�-dire de ma�trise de la langue seconde par rapport � la langue maternelle�- peut �tre ais�ment �valu� � travers des �preuves portant par exemple sur la rapidit� des processus de reconnaissance lexicale (Favreau et Segalowitz, 1982, 1983�; voir Gaonac’h, 1990, pour une synth�se).
L’importance de
l’automatisation des processus de base de la lecture a �t� prise en
compte par tout un secteur de recherche particuli�rement prolifique, y
compris en langue seconde (McLaughlin, 1990). Ces recherches ont
conduit notamment � changer totalement la perspective des psychologues
quant � ce qui constitue la comp�tence en lecture�: on consid�re
maintenant que la comp�tence du bon lecteur ne tient pas � ce que
celui-ci se reposerait moins sur les informations visuelles�- les
��donn�es�� du texte�; elle tient surtout � ce que les
m�canismes
d’analyse visuelle du bon lecteur utilisent moins de ressources. Une
bonne illustration de ce raisonnement est illustr�e par ce qu’on sait
maintenant de l’�volution des m�canismes de fixation oculaire au fur et
� mesure que la comp�tence de lecture s’accro�t�: Bernhardt
(1987), par
exemple, a montr�, � propos de la lecture en langue seconde, que le
nombre de fixations oculaires en lecture diminue peu quand la ma�trise
de la langue seconde augmente, et que ce qui change principalement,
c’est la dur�e de chaque fixation oculaire, autrement dit le temps
pass� � la r�alisation des processus de traitement, et notamment de
reconnaissance lexicale...
Dans le cas d’une activit� qui implique un tr�s fort degr� d’interactivit� entre des processus tr�s nombreux et tr�s vari�s, le probl�me majeur de la didactique revient � d�terminer o� il est pr�f�rable d’agir dans cet ensemble. Ce probl�me se trouve amplifi�, pour ce qui concerne la lecture, dans le cas d’une langue seconde, puisqu’il n’y a plus l� vraiment de ��d�but�� dans la mise en �uvre d’une activit� souvent d�j� largement entra�n�e � propos de la langue maternelle.
Un principe d’action g�n�ral peut �tre d’agir l� o� les processus les plus sp�cifiquement d�ficitaires sont particuli�rement mis en cause. La r�f�rence � la faible automatisation des processus de base�- reconnaissance lexicale, et sans doute aussi, bien qu’on dispose encore de peu de donn�es � ce sujet, traitements syntaxiques�- peut sans doute conduire � des hypoth�ses didactiques. Il est sans doute difficile d’envisager des exercices qui conduisent directement � am�liorer l’automatisation de tels processus. Mais on peut envisager deux types d’intervention�:
- Avec
effet imm�diat, on peut penser que la double lecture syst�matique des
textes est une technique qui doit permettre l’exercice s�par� des
processus de bas niveau, dont la mise en �uvre en premi�re lecture
serait susceptible de lib�rer les ressources cognitives suffisantes
pour la mise en �uvre efficace des processus de haut niveau en seconde
lecture. On est l� dans une logique de dissociation des difficult�s
potentielles rencontr�es par l’apprenant de langue seconde..."