Compétence : « Maîtrise des savoirs et des savoir-faire qui permettent d’effectuer les tâches scolaires dans une discipline donnée et qui constituent le niveau d’expertise de chacun » (Cahiers pédagogiques n° 280, janvier 1990, p. 55). Elle se manifeste par des comportements observables au cours d’activités et peut donc être évaluée. La compétence est le contexte concret qui permet d’évaluer une capacité. Ainsi la capacité intermédiaire « identifier l’idée essentielle » (dans le cadre plus vaste de la capacité fondamentale « comprendre un message écrit ») peut être évaluée par le biais de la compétence « choisir parmi plusieurs énoncés celui qui exprime l’idée essentielle d’un paragraphe ». (d’après Y. Cossu, 1995)


2.1.1 Compétences générales individuelles (CECR, 2000)

"Les compétences sont l’ensemble des connaissances, des habiletés et des dispositions qui permettent d’agir. Les compétences générales ne sont pas propres à la langue mais sont celles auxquelles on fait appel pour des activités de toutes sortes, y compris langagières." (CECR:15)

Les compétences générales individuelles du sujet apprenant ou communiquant (voir 5.1) reposent notamment sur les savoirs, savoir-faire et savoir-être qu’il possède, ainsi que sur ses savoir-apprendre.

Les savoirs, ou connaissance déclarative (voir 5.1.1) sont à entendre comme des connaissances résultant de l’expérience sociale (savoirs empiriques) ou d’un apprentissage plus formel (savoirs académiques). Toute communication humaine repose sur une connaissance partagée du monde. En relation à l’apprentissage et à l’usage des langues, les savoirs qui interviennent ne sont pas, bien entendu, seulement ceux qui ont à voir directement avec les langues et cultures. Les connaissances académiques d’un domaine éducationnel, scientifique ou technique, les connaissances académiques ou empiriques d’un domaine professionnel sont évidemment d’importance dans la réception et la compréhension de textes en langue étrangère relevant des domaines en question. Mais les connaissances empiriques relatives à la vie quotidienne (organisation de la journée, déroulement des repas, modes de transport, de communication et d’information), aux domaines public ou personnel, sont tout aussi fondamentales pour la gestion d’activités langagières en langue étrangère. La connaissance des valeurs et des croyances partagées de certains groupes sociaux dans d’autres régions ou d’autres pays telles que les croyances religieuses, les tabous, une histoire commune, etc., sont essentielles à la communication interculturelle. Les multiples domaines du savoir varient d’un individu à l’autre. Ils peuvent être propres à une culture donnée; ils renvoient néanmoins à des constantes universelles.

Si l’on admet que toute connaissance nouvelle ne vient pas seulement s’adjoindre à des connaissances préexistantes mais, d’une part, dépend pour son intégration de la nature, de la richesse et de la structuration de ces dernières et, d’autre part, contribue comme en retour à les modifier et à les restructurer, ne serait-ce que localement, alors il va de soi que les savoirs dont dispose l’individu intéressent directement l’apprentissage d’une langue. Dans de nombreux cas, les méthodes d’enseignement et d’apprentissage présupposent que cette connaissance du monde existe. Toutefois, dans certains contextes (expériences d’immersion, scolarisation ou poursuite d’études universitaires en langue autre que maternelle), il y a enrichissement simultané et articulé de connaissances linguistiques et de connaissances autres. Les relations entre savoirs et compétence à communiquer demandent qu’on les considère attentivement. (CECR:16)



Les habiletés et savoir-faire (voir 5.1.2), qu’il s’agisse de conduire une voiture, jouer du violon ou présider une réunion, relèvent de la maîtrise procédurale plus que de la connaissance déclarative, mais cette maîtrise a pu nécessiter, dans l’apprentissage préalable, la mise en place de savoirs ensuite « oubliables » et s’accompagne de formes de savoir-être, tels que détente ou tension dans l’exécution.

Ainsi, pour s’en tenir au cas de la conduite automobile ce qui est devenu, par l’accoutumance et l’expérience, un enchaînement quasi automatique de procédures (débrayer, passer les vitesses, etc.) a demandé à l’origine, une décomposition explicite d’opérations conscientes et verbalisables (Vous relâchez doucement la pédale d’embrayage, vous passez en troisième…) et la mise en place initiale de savoirs (il y a trois pédales dans une voiture non automatique, qui se situent les unes par rapport aux autres de telle manière, etc.) auxquels il n’est plus besoin de faire appel consciemment en tant que
tels lorsque l’on « sait conduire ». Pendant l’apprentissage de la conduite, une attention forte a généralement été requise, une conscience de soi et de son corps d’autant plus vive que l’image de soi (risque d’échec, de raté, de manifestation d’incompétence) se trouve particulièrement exposée. Une fois la maîtrise atteinte, on attendra du conducteur ou de la conductrice une manière d’être marquant l’aisance et la confiance en soi, sauf à inquiéter les passagers ou les autres automobilistes. Il est clair que l’analogie avec certaines dimensions de l’apprentissage d’une langue pourrait ici être facilement établie (par exemple, la prononciation ou certaines parties de la grammaire telle que la conjugaison des verbes).
(CECR:16-17)

cf. aussi:
Acquisition du savoir faire http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RFLA&ID_NUMPUBLIE=RFLA_072&ID_ARTICLE=RFLA_072_0025


Les savoir-être (voir 5.1.3), sont à considérer comme des dispositions individuelles, des traits de personnalité, des dispositifs d’attitudes, qui touchent, par exemple, à l’image de soi et des autres, au caractère introverti ou extraverti manifesté dans l’interaction sociale. On ne pose pas ces savoir-être comme des attributs permanents d’une personne et ils sont sujets à des variations. Y sont inclus les facteurs provenant de différentes sortes d’acculturation et ils peuvent se modifier.

Il est à noter que ces traits de personnalité, ces manières d’être, ces dispositions, se trouvent souvent pris en compte dans les considérations relatives à l’apprentissage et à l’enseignement des langues. C’est en cela aussi que, même si ils constituent un ensemble difficile à cerner et à désigner, ils doivent trouver leur place dans un Cadre de référence. D’autant plus si on les catégorise comme relevant des compétences générales individuelles et donc comme, d’une part, constitutifs aussi des capacités de l’acteur social et comme, d’autre part, acquérables ou modifiables dans l’usage et l’apprentissage mêmes (par exemple, d’une
ou de plusieurs langues), la formation à ces manières d’être peut devenir un objectif. Comme le constat en est fréquent, les savoir-être se trouvent culturellement inscrits et constituent dès lors des lieux sensibles pour les perceptions et les relations entre cultures : telle manière d’être que tel membre d’une culture donnée adopte comme propre à exprimer chaleur cordiale et intérêt pour l’autre peut être reçue par tel membre d’une autre culture comme marque d’agressivité ou de vulgarité.
(CECR:17)

Définition: "Capacité affective à abandonner des attidudes et des perceptions éthnocentriques vis-à-vis de l'altérité et aptitude cognitive à établir et à maintenir une relation entre sa propre culture et une culture étrangère.
Objectifs généraux
  • attitude d'ouverture et d'intérêt à l'égard des personnes, des sociétés et des cultures étrangères;
  • aptitude à relativiser son propre point de vue et son propre système de valeurs culturelles;
  • capacité à maîtriser des catégories descriptives propres à la mise en relation des cultures maternelle et étrangère;
  • capacité à se distancier de la relation ordinaire à la différence culturelle, telle que la relation touristique, ou la relation scolaire classique,
  • <>capacité à tenir le rôle d'intermédiaire culturel entre sa culture d'apparencance et la culture étrangère apprise, y compris dans des situations à caractère conflictuel."
    (
    Michael Byram et Geneviève Zarate, Définitions, objectifs et évaluation de la compétence socioculturelle, Éditions du Conseil de l'Europe, Strasbourg, 1998, p. 14.)

Les savoir-apprendre (voir 5.1.4) mobilisent tout à la fois des savoir-être, des savoirs et des savoir-faire et s’appuient sur des compétences de différents types. En la circonstance, « savoir-apprendre » peut aussi être paraphrasé comme « savoir/être disposé à découvrir l’autre », que cet autre soit une autre langue, une autre culture, d’autres personnes ou des connaissances nouvelles.

Si la notion de « savoir apprendre » est valable dans tous les domaines, elle trouve un écho particulier à propos de l’apprentissage des langues. Selon les apprenants, savoir apprendre renvoie à des combinaisons différentes à différents degrés de certains aspects du savoir-être, du savoir-faire et du savoir. Savoir apprendre se combine à

- savoir-être : par exemple une disposition à prendre des initiatives, voire des risques dans la communication en face à face, de manière à se donner des occasions de prise de parole, à provoquer une aide éventuelle de l’interlocuteur, à demander à ce dernier des reformulations facilitantes, etc. ; par exemple aussi des qualités d’écoute, d’attention à ce que dit l’autre, de conscience éveillée aux possibilités de malentendu culturel dans la relation avec l’autre
- savoir : par exemple savoir quels types de relations morpho-syntaxiques correspondent à des variations de déclinaisons pour telle langue à cas ; autre exemple : savoir que les pratiques alimentaires et amoureuses peuvent comporter des tabous ou des rituels particuliers variables suivant les cultures ou marqués par la religion
- savoir-faire : par exemple, se repérer rapidement dans un dictionnaire ou dans un centre documentaire ; savoir manipuler des supports audiovisuels ou informatiques offrant des ressources pour l’apprentissage.

Suivant les apprenants, les savoir-apprendre peuvent présenter des compositions et des pondérations variables entre savoirêtre, savoirs et savoir-faire ainsi que la capacité à gérer l’inconnu.

Savoir apprendre peut présenter des pondérations en fonction de
- variations suivant les objets : selon qu’il a affaire à de nouvelles personnes, à un secteur de connaissance vierge pour lui, à une culture très peu familière, à une langue étrangère
- variations suivant les projets : face à un même objet (par exemple, les rapports parents/enfants dans une communauté donnée), les procédures de découverte, de recherche de sens ne seront sans doute pas les mêmes pour un ethnologue, un touriste, un missionnaire, un journaliste, un éducateur, un médecin, intervenant chacun dans leur perspective propre
- variations suivant les moments et l’expérience antérieure : les savoir-apprendre mis en oeuvre pour une cinquième langue étrangère ont quelque chance d’être différents de ceux qui avaient été mis en oeuvre pour une première langue étrangère.

Il faudra examiner ces variations au même titre que des concepts tels que « style d’apprentissage » ou « profil de l’apprenant » pour autant que ces derniers ne soient pas considérés comme immuablement fixés une fois pour toutes.
(CECR:17)

Dans une visée d’apprentissage, les stratégies que l’individu sélectionne pour accomplir une tâche donnée peuvent jouer de la diversité des savoir-apprendre qu’il a à sa disposition. Mais c’est aussi au travers de la diversité des expériences d’apprentissage, dès lors que celles-ci ne sont ni cloisonnées entre elles ni strictement répétitives, qu’il enrichit ses capacités à apprendre.


Tableau  : les quatre savoir-faire

Expression écrite Production personnelle et autonome d’un message écrit énonciativement engagé. Définir à qui l'on écrit, pour quoi on écrit et ce qu'on écrit.
Expression orale Prise de parole/émission de message dans une situation directe de dialogue. Il n’est pas forcément nécessaire de faire des phrases complètes dans la mesure ou la langue parlée est faite d’abréviations et de mots isolés.
Compréhension écrite Saisir le sens littéral, le message
« Percevoir le ton, le point de vue, les intentions de l’auteur » etc. Il n’est pas non plus nécessaire de comprendre tous les mots du texte. Utiliser le paratexte induire le sens des mots par rapport au contexte, etc
Compréhension orale Distinction des sons, accentuation, etc.
Compréhension et prise de notes.
Il n’est pas nécessaire de tout comprendre pour comprendre la teneur du message.



Compétences, capacités, savoirs René Amigues, Professeur des Universités, Sciences de l’Education. Source: http://recherche.aix-mrs.iufm.fr/publ/voc/n1/laurent2/index.html


Ces notions sont plus ou moins récentes. Celle de compétence, souvent utilisée dans le sens de capacité ou de savoir, est la plus récente et a connu, comme les autres, une évolution au fil du temps. Son sens varie selon les disciplines (linguistique, psychologie, éthologie...) et les usages qui en sont faits dans divers domaines : professionnel ou scolaire par exemple (1,2).

Compétence

L'origine juridique (un tribunal est compétent ou pas pour juger une affaire), relativement ancienne, s'avère peu pertinente pour le domaine de l'éducation. En revanche, la notion de compétence issue de la grammaire générative de N. Chomsky (1969), bien plus proche de nous, a inspiré de nombreux travaux relatifs à la maîtrise de la langue, par exemple. La compétence désigne le système de règles intériorisé qui permet de comprendre et de produire un nombre infini de phrases inédites. Cette compétence grammaticale, à la fois innée et implicite, est partagée par tous les locuteurs appartenant à une même communauté linguistique et confère une dimension créatrice à la langue.

Performance

La notion de compétence est proche de celle de langue chez Saussure, tandis que la notion de performance serait proche de celle de parole. La performance désigne la manifestation de la compétence des locuteurs et réfère à la diversité des actes de langage et des contextes d'énonciation et de communication. En psychologie le terme de performance désigne le comportement observable qui permet d'inférer les processus psychologiques qui le sous-tendent. D'une façon générale, la performance dans la réalisation d'une tâche dépend à la fois des contraintes de réalisation (matérielles, conceptuelles, sociales, temporelles...) et des capacités de l'individu.

Capacité

Actuellement le terme de capacité n'est plus distingué de celui d'aptitude, par les psychologues (en France). Dans cette perspective, les compétences désignent les capacités ou l'efficience plus ou moins grande d'un individu à mobiliser des opérations mentales pour résoudre des problèmes ou maîtriser une classe de situations. Ces capacités, développées ou acquises, sont évaluées à l'aide de tests standardisés qui permettent d'ordonner des individus selon différentes dimensions (3). Cette notion véhicule un vieux débat scientifique et idéologique à la fois sur le caractère inné ou acquis des capacités et sur le caractère privé ou public de celles-ci. C'est à une conception individualiste et innéiste que s'oppose l'approche historico-culturelle pour laquelle les capacités cognitives, d'origine sociale, se développent par l'appropriation individuelle des systèmes de signes culturellement transmis (4,5).

Contexte

La compétence désigne la capacité à réaliser de façon satisfaisante une tâche déterminée. Dans ces conditions, la définition de cette compétence s'accompagne nécessairement de la définition de la situation de mise en ½uvre. Ce travail n'est toujours pas facile car il est peu aisé de décrire de façon précise et exhaustive l'ensemble des contraintes de réalisation et l'on sait qu'une légère modification de contexte peut affecter le niveau de compétence. Or, aussi bien les activités scolaires que les activités productives ne se réduisent pas à la réalisation d'une seule tâche. L'activité consiste généralement à réaliser plusieurs tâches simultanément. C'est la raison pour laquelle en ergonomie, par exemple, la modélisation des compétences demeure problématique car même les tâches les plus routinières mobilisent diverses capacités cognitives apprises ou développées en situation par les opérateurs (6). Il en va de même dans les situations de classe où les compétences exercées dépendent du contexte de pratiques sociales, des règles du jeu et des valeurs qui orientent et finalisent l'activité. Le contexte est considéré comme un champ d'interactions entre des dispositifs matériels, symboliques et sociaux qui sert de cadre pour penser l'action et lui donner une forme socialement acceptable. Ainsi les capacités mobilisées sont indissociablement liées au contexte cognitif et social de réalisation.
Dès lors deux types de questions se posent : d'abord, comment se fait-il, si l'on suppose que les compétences sont spécifiques aux tâches à réaliser, que persiste l'idée selon laquelle il existerait des "connaissances ou compétences générales", des "stratégies générales de résolution de problèmes" ou encore des "compétences transversales" ? De même que persiste solidement ancrée dans les croyances l'idée qu'un "transfert" d'un contexte à l'autre soit aisé alors qu'il est le plus souvent problématique. Même, les auteurs de méthodes de remédiation cognitive tempèrent leur enthousiasme initial en constatant l'étroitesse de cette zone de transfert à l'intérieur d'une même famille de tâches (7).
Se pose ensuite la question de l'évaluation des compétences : Comment évaluer une compétence autrement qu'en faisant exécuter la tâche ? Comment une même compétence peut-elle être à l'origine de niveaux de performance différents chez le même individu ? A quoi est dû l'écart éventuellement constaté : à la tâche, à l'élève ou au contexte ? Comment peut-on être sûr qu'une erreur ou une réponse ("bonne" ou "mauvaise" d'ailleurs) témoigne d'un fonctionnement cognitif correspondant au niveau de compétence requis ?
En matière d'enseignement, la question des compétences est rarement envisagée du point de vue du contexte : lieu où se construisent et s'actualisent les compétences. Les compétences sont davantage envisagées du point de vue de leur évaluation, indépendamment du contexte.

Référentiel de compétences

Un référentiel de compétences présente un inventaire complet de compétences à réaliser dans des domaines d'actions prédéfinis. Il existe deux types de référentiels :
- Le référentiel de compétences professionnelles qui inventorie les domaines d'activités professionnelles et les compétences requises. Dans les années soixante dix ces "référentiels métier" ont inspiré d'abord l'organisation des programmes de l'enseignement technique, ensuite ils ont nourri les réflexions relatives aux programmes de biologie, de physique et de français. Actuellement, la réflexion concerne l'ensemble des disciplines scolaires. En ce qui concerne les enseignants, le Ministère a récemment publié des référentiels de compétences pour les professeurs des écoles (8) et pour les professeurs de collèges et lycées (9). Ici la notion de compétence est liée à la question des nouvelles qualifications professionnelles auxquelles sont formés les futurs professeurs dans les IUFM.
- Le référentiel du diplôme assure une fonction certificative et permet d'évaluer au terme de la formation si l'étudiant est capable de mobiliser les compétences requises dans les domaines de référence définis. Utilisé pour les CAP, BEP, Bac professionnel, BTS le référentiel diplôme fait son apparition pour la validation de la formation des professeurs des écoles (10) et des personnels préparant le certificat d'aptitude aux actions pédagogiques spécialisées d'adaptation et d'intégration scolaires (CAPSAIS) (11).
D'une façon générale, en amont, les référentiels de compétences font l'objet d'une concertation entre divers degrés de la hiérarchie institutionnelle, lors de la conception. En aval, le rôle qui leur est dévolu est celui de "contrat de formation " qui doit s'instaurer entre les divers partenaires. Ils constituent enfin le fondement sur lequel s'appuie toute évaluation externe.

Savoirs

On entend généralement par savoir le corps de connaissances historiquement élaboré, stabilisé et validé socialement. Ce corps de savoirs est constitué par l'ensemble des théories existantes ou des ½uvres (littéraires, scientifiques, techniques, artistiques...) diffusées par diverses institutions, et en particulier par l'institution scolaire qui transmet les "classiques" (Racine, Molière, la loi de Mariotte, le principe d'Archimède, la structure de l'ADN, la théorie de la relativité...) et permet ainsi aux élèves d'instrumenter les éléments de cette culture. Ces savoirs ne peuvent être confondus ni avec l'information - matière première mise en forme et pouvant constituer le contenu d'un message ("il pleut")- ni avec les connaissances - ce que l'individu est appelé à construire en interagissant avec une situation ou un objet de savoir. La connaissance ainsi construite dépendra à la fois de ce que sait déjà le sujet sur la question et des contraintes de la situation. Ces connaissances sont relatives aux objets de savoir et aux conditions de leur élaboration.

Savoirs scolaires

L'école transmet des savoirs enseignés qui ne sont ni des savoirs savants ni des savoirs simplifiés, mais des savoirs scolaires spécifiquement reconstruits pour être transmis. La théorie de la transposition didactique (12) rend compte de ce processus de transition, de fabrication et de transmission de contenus scolaires. Les savoirs scolaires présentent une double spécificité. D'une part, l'École transmet des savoirs objectivés et socialement validés (voir supra) sous forme d'écriture. Le caractère scripturalisé de ces savoirs suscite une activité réflexive et normative sur les connaissances à apprendre. D'autre part ces savoirs sont dépersonnalisés et décontextualisés, car ils ont justement conquis leur autonomie et leur conservation par l'écriture. Aussi, leur transmission consiste-t-elle à procéder à une re-personnalisation et à une re-contextualisation. Les savoirs scolaires font nécessairement l'objet d'une "mise en scène" au sein d'un processus d'enseignement-apprentissage qui offrent un mode de questionnement particulier (13). Il en est ainsi du T.P. de physique, par exemple, où les connaissances sont mises en jeu dans le cadre d'une activité scientifique reconstituée.

L'usage des compétences par l'institution scolaire

Comme nous l'avons vu, l'institution scolaire se préoccupe davantage de l'évaluation des compétences que de leur contexte de mise en ½uvre. Dans cette perspective elle propose un triptyque capacité-compétence-objectif qui permet de situer la notion de compétence. Chaque capacité est subdivisée en compétences, chacune d'elles est décomposée en objectifs, chacun d'eux correspondant à une tâche. Il s'agit ainsi de mesurer les savoir-faire de méthode afin de savoir si les élèves maîtrisent ou pas telle notion ou tel outil ; les connaissances et les savoirs ne faisant pas l'objet d'évaluation. Ce découpage appelle trois remarques :

• Alors que pour les scientifiques la notion de compétence constitue une catégorie pour le moins floue ou mal définie, l'institution produit un "effet de réalité " : dès l'instant où elle peux nommer, répertorier, classer, mesurer des compétences, ces dernières existent et, de surcroît, elles existent sous une forme organisée. En effet, l'institution scolaire propose un ordre selon lequel ces compétences sont supposées se succéder et donc s'acquérir dans le cursus scolaire. Cette représentation quantitativiste des compétences ne correspond pas, ici non plus, aux conceptions scientifiques actuelles pour lesquelles les compétences cognitives se développent (i) de façon relativement autonome les unes des autres et non selon un ordre chronologique déterminé ; (ii) à travers l'apprentissage de contenus de savoirs particuliers et dans des situations de mise en ½uvre (matérielle, symbolique, technique et sociale) variées ; (iii) sur une longue période de temps dépassant le temps de la scolarisation (14). Pour l'institution scolaire, la compétence ne recouvre pas nécessairement les dimensions cognitives, il s'agit plutôt d'une notion construite afin d'assurer une gestion administrative du système éducatif et de redéfinir ses finalités.

• Fondée sur la pédagogie de maîtrise qui atteste si l'élève est compétent ou pas pour réaliser la performance attendue (15), l'évaluation se veut formative. C'est à dire que l'élève doit apprendre à maîtriser telle technique ou tel savoir-faire. La question qui se pose ici est celle de l'apprentissage du sens lorsque ce dernier est affranchi des connaissances et des savoirs. S'agit-il d'un apprentissage qui serait l'expression de capacités préexistantes et non d'un processus de construction de connaissances nouvelles? N'est-on pas en train de ramener des processus d'apprentissage (comprendre, raisonner, inférer, déduire...) à des processus de traitement de l'information (coder, décoder, identifier, classer...) et à écraser l'apprentissage du sens au profit d'une pédagogie par objectifs ? La "Formation par l'information " actuellement prônée dans les lycées professionnels (16) témoigne-t-elle d'une orientation actuellement dominante ou d'exigences intellectuelles différentes selon l'enseignement général, technique (17) ou agricole (18)?

• La définition institutionnelle des compétences engendre des modifications curriculaires dont il conviendra d'apprécier l'importance. La question essentielle est de savoir si la perspective administrative et gestionnaire de la définition et de l'évaluation des compétences consiste à optimiser la mise en ½uvre des programmes d'enseignement tels qu'ils existent ou si cette entreprise consiste à redéfinir les savoirs scolaires à l'image des qualifications professionnelles qui se re-dessinent actuellement ?(19). Ces questions sont d'importance. Elles ne se situent pas seulement au niveau du fonctionnement de l'institution scolaire et de l'évaluation de son efficacité. Elles concernent directement le rôle fondamental que joue l'école dans la transmission des savoirs auprès des élèves et comme lieu d'instrumentation de la culture par ces futurs citoyens.