Machines � Sous

Les rapports entre la langue maternelle et la langue �trang�re dans l’enseignement pr�coce

Source: http://www.edufle.net/Les-rapports-entre-la-langue

L’exemple des �coles fran�aises de l’�tranger
dimanche 2 mars 2008 , par Anthony Joubier

Les rapports entre langue maternelle (LM) et langue �trang�re (LE) sont des aspects essentiels de l’enseignement pr�coce. L�v Vygotski affirme que "l’enfant assimile � l’�cole une langue �trang�re tout autrement qu’il n’apprend sa langue maternelle (…). L’enfant assimile sa langue maternelle de mani�re inconsciente et non intentionnelle alors que l’apprentissage d’une langue �trang�re commence par la prise de conscience et l’existence d’une intention" .

Nous allons essayer de v�rifier cette affirmation en �voquant le cas de l’�cole fran�aise de Bratislava.

Cette �tude se fera en 3 parties. Tout d’abord, il conviendra d’analyser la situation dans laquelle �volue l’�cole fran�aise de Bratislava. Puis, apr�s avoir �tabli les rapports entre la langue maternelle et la langue �trang�re, il sera question de s’int�resser � la mani�re avec laquelle les �coles fran�aises, et plus particuli�rement l’�cole fran�aise de Bratislava, g�rent les rapports entre ces deux langues.

I) L’analyse de la situation

L’�cole fran�aise de Bratislava est implant�e dans un �tablissement slovaque. Elle fonctionne dans le cadre d’une �cole slovaque, dans le quartier Nov�-Mesto Kramare. L’�cole slovaque compte environ 250 �l�ves r�partis dans 10 classes. Cette �cole a une forte tradition dans l’enseignement des langues et du sport. L’�cole slovaque met � disposition de l’�cole fran�aise des locaux�:

�3 classes dans le b�timent des classes �l�mentaires,
�1 classe dans le b�timent des classes maternelles.

Les 4 enseignants sont int�gr�s � l’�quipe p�dagogique en place. L’�cole a rempli les conditions pour �tre homologu�e en janvier 2004 tant par la partie fran�aise que slovaque. De plus, elle a obtenu le conventionnement avant l’�t� 2004.

L’�cole fran�aise scolarise des enfants de familles fran�aises qui r�sident provisoirement ou durablement en Slovaquie et des �l�ves issus de Slovaquie (pays de r�sidence) ou de pays tiers. A l’�cole, les enfants sont majoritairement francophones�:

�en maternelle, sur 37 �l�ves, 5 ne parlent fran�ais que partiellement,
�en �l�mentaire, sur 53 �l�ves, 4 ne parlent fran�ais que partiellement.

A l’�cole �l�mentaire, il y a�:

�36 Fran�ais (dont les binationaux),
�13 Slovaques,
�4 tiers (Suisse/Italien, Anglais/Am�ricain, Hollandais). 28 enfants ne parlent pas slovaque du tout.

Ainsi, il s’av�re que les classes sont tr�s h�t�rog�nes et donc tr�s riches du fait de la vari�t� des �ges, des nationalit�s, des cursus et des situations familiales de chacun.

II) Les rapports entre la langue maternelle et la langue �trang�re

A) Une approche th�orique

a) De l’�tranget� de la langue �trang�re et de son appropriation

Aucune langue n’est �trang�re en soi. Ce n’est que d’un point de vue existentiel qu’une langue peut �tre dite �trang�re. Il est n�cessaire de consid�rer la langue maternelle comme point de d�part oblig� � toute r�flexion sur la notion m�me de langue �trang�re comme r�alit� subjective. Pour qu’il y ait apprentissage et ici pour ce qui concerne l’apprentissage d’une langue �trang�re, il faut qu’il y ait intention, c’est-�-dire une d�cision li�e � une �valuation, un jugement. Ce sont l� des fonctions essentielles de ce qu’on appelle la conscience. Comment cette d�cision se construit-elle�? Cela rel�ve d’un processus de formation complexe qui articule des param�tres aussi bien individuels que sociologiques. Ramen� � la probl�matique de la construction de l’individu, elle r�sulte dans le d�veloppement de ce que le psycholoque Vygotski appelle des fonctions psychiques sup�rieures .

b) La notion de fonction psychique sup�rieure pour expliquer les places respectives de LM et LE dans la construction de l’individu

Sch�matiquement et fondamentalement, les fonctions psychiques sup�rieures sont des fonctions acquises qui se d�veloppent d’abord au plan des rapports sociaux et sont transmises aux individus dans les processus d’apprentissage et de socialisation/individualisation. Elles naissent de l’interaction des individus dont la dynamique constitue concr�tement la r�alit� sociale. Leur acquisition s’effectue dans un mouvement qui va de l’ext�rieur du sujet vers l’int�rieur (la conscience). L’acquisition d’une fonction psychique rel�ve donc d’un processus sp�cifique qui consiste dans l’organisation d’un transfert de l’inter-psychique (le social comme r�alit� �manant de l’interaction des individus) � l’intra-psychique (la conscience du sujet en tant qu’elle refl�te sous formes de syst�mes de signes les structures de l’univers social).

c) Acquisition spontan�e de la LM et apprentissage conscient de la LE

La connaissance d’accueil que repr�sente la langue maternelle, cette matrice en quelque sorte, n’est de m�me nature que la connaissance nouvelle propos�e par le processus d’apprentissage. Pour ce qui concerne l’enfant, la langue maternelle appartient � son v�cu intime, et elle a �t� acquise spontan�ment dans des exp�riences suscit�es par le contact avec son environnement imm�diat. Elle n’est pas essentiellement r�flexive, elle organise le monde selon des rapports sensibles imm�diats. Elle est li�e � la vie affective et � son d�veloppement. Elle est organis�e subjectivement et renvoie � l’intimit�. Vygotski �crit que "l’enfant assimile � l’�cole une langue �trang�re tout autrement qu’il n’apprend sa langue maternelle. On peut dire que cette assimilation suit une voie directement oppos�e � celle qu’emprunte le d�veloppement de la langue maternelle. L’enfant ne commence jamais � assimiler sa langue maternelle par l’�tude de l’alphabet, la lecture et l’�criture, la construction consciente et intentionnelle d’une phrase, la d�finition et la signification d’un mot, l’�tude de la grammaire, toutes choses qui constituent habituellement le d�but de l’assimilation d’une langue �trang�re. L’enfant assimile sa langue maternelle de mani�re inconsciente et non intentionnelle alors que l’apprentissage d’une langue �trang�re commence par la prise de conscience et l’existence d’une intention. C’est pourquoi on peut dire que le d�veloppement de la langue maternelle se fait de bas en haut tandis que celui de la langue �trang�re s’op�re de haut en bas" .

Au-del� des variations d’approche p�dagogique, la position de Vygotski garde une validit� absolue. Le caract�re scolaire de l’apprentissage de langue �trang�re d�termine des modalit�s sp�cifiques dans la relation � l’objet langagier qui d�coule de l’aspect conscient et rationnel de cette relation � la langue dite �trang�re. Ceci la place irr�m�diablement du cot� du concept scientifique, dont elle aura les forces (le caract�re conscient, organis�, structur�) et les faiblesses (un d�ficit de r�alit� subjective, d’enracinement dans l’intimit� existentielle du sujet). C’est parce qu’elle est de l’ordre du concept scientifique que la langue �trang�re est dans une d�pendance n�cessaire � la langue maternelle, de la m�me fa�on que le concept vrai d�pend du concept spontan� pour construire son mode propre de g�n�ralisation.

A part la simple acquisition des connaissances, l’apprentissage r�ussi doit aboutir � une nouvelle capacit� psychique r�sultat de l’interaction entre le sujet et le social et aboutissant � une transformation de l’identit� du sujet. Cette dialectique d�pend d’une autre, intra-psychique cette fois, entre nouvelle fonction et fonction(s) d�j� install�e(s). La langue maternelle est la principale de ces fonctions d’accueil�: "Comme on sait, l’assimilation d’une langue �trang�re � l’�cole suppose un syst�me d�j� form� de significations dans la langue maternelle. En l’occurrence, l’enfant n’a pas � d�velopper � nouveau une s�mantique du langage, � former � nouveau des significations de mots, � assimiler de nouveaux concepts d’objets. Il doit assimiler des mots nouveaux qui correspondent point par point au syst�me d�j� acquis de concepts. De ce fait un rapport tout � fait nouveau, distinct de celui de la langue maternelle, s’�tablit entre le mot et l’objet. Le mot �tranger que l’enfant assimile a avec l’objet un rapport non pas direct mais m�diatis� par les mots de la langue maternelle" .

Ce passage explicite le syst�me des relations d’identit� qui articule la LE sur la LM�: "Si le d�veloppement de la langue maternelle commence par sa pratique spontan�e et ais�e et s’ach�ve par la prise de conscience de ses formes verbales et de leur ma�trise, le d�veloppement de la langue �trang�re comme par la prise de conscience de la langue et sa ma�trise volontaire et s’ach�ve par un discours ais� et spontan�. Les deux voies vont en sens oppos�. Mais entre ces voies de sens oppos� il existe une interd�pendance r�ciproque tout comme entre le d�veloppement des concepts scientifiques et celui des concepts spontan�s" .

Ainsi, � la diff�rence �vidente des mots, c’est-�-dire de l’organisation phon�tique, et des relations syntaxiques entre deux langues diff�rentes, Vygostki nous fait prendre conscience qu’il s’en ajoute une autre qui r�side dans la nature de l’exp�rience conceptuelle (r�alit� de pens�e) qui unit le sujet � l’une et � l’autre.

Vygotski nous rappelle que le but vis� est en principe identique dans les deux cas�: parvenir � l’existence d’un locuteur. Ce qui implique que ce qui manque � l’apprentissage scolaire d’une LE, le v�cu existentiel qui plonge ses racines dans le plus intime de l’exp�rience subjective, doit faire l’objet d’un travail particulier dans le cadre de la classe de langue, destin� � compenser, autant que possible, ce manque essentiel qui fragilise la pr�sentation didactique d’une langue.

B) La LM et la LE � l’�cole, d’un point de vue didactique

a) L’enseignement de la LM et de la LE � l’�cole

La LM et la LE ne se pr�sentent pas � l’individu avec le m�me enjeu. Dans le cas de la langue qualifi�e de maternelle, l’enjeu de son acquisition est vital pour l’enfant qui grandit, se construit psychiquement et se construit une identit� en m�me temps qu’il entre dans la parole et acquiert la ma�trise du langage dans ses relation sociales au contact des autres. La langue dite �trang�re est par nature secondaire, sur un plan temporel d’abord, et surtout parce qu’elle appara�t comme d�nu�e de sens pour l’enfant, car non rattach�e dans son environnement de vie � un imm�diat communicatif et affectif.
Quant � la place respective de la langue maternelle et de la langue �trang�re au sein m�me de l’�cole (en tant qu’instance d’apprentissage), elle diff�re en de nombreux points.
La LM est � la fois langue de communication (qui permet les �changes entre les �l�ves et avec les enseignants, dans la classe et � l’ext�rieur), langue d’enseignement (vecteur oral et �crit de transmission des connaissances pour toutes les mati�res) et langue cible ou objet d’enseignement dans le cas de l’apprentissage de la langue en tant que norme qui inclut principalement l’enseignement de ses aspects grammaticaux et lexicaux, � l’�crit et � l’oral. Elle est alors l’objet de toutes les attentions dans chacune des mati�res scolaires.
Elle est finalement disponible comme instrument pour l’�cole, alors m�me que l’�cole n’a pas � se poser les probl�mes de son initiation. Commune au ma�tre et aux �l�ves, la LM est transparente. Elle est n�cessaire et l�gitime, motiv�e comme instrument de communication.

La LE, au contraire de la LM, n’est pour les enfants ni un outil de communication, ni un vecteur de transmission de connaissances, au sein de l’�cole, de la famille et plus largement de la soci�t� dans laquelle ils �voluent. Par cons�quent, elle n’est que peu motiv�e/l�gitim�e par l’environnement extrascolaire pour lequel elle n’est pas objectivement n�cessaire en tant qu’instrument de communication. Elle dispose d’un statut exclusif de langue cible, d’objet d’enseignement dont l’initiation d�pend enti�rement de l’�cole. Sa pratique est forc�ment restreinte dans le temps et circonscrite dans l’espace. Son apprentissage est sans enjeux pratiques imm�diats, � la diff�rence des apprentissages fondamentaux (lire, �crire et compter), des savoirs urgents et n�cessaires.

L’enseignement pr�coce de la LE correspond davantage � une attitude volontariste des institutions (scolaires et politiques) pour des raisons en partie id�ologiques qu’� une n�cessit� clairement ressentie par l’enfant, un besoin socio-subjectif spontan�.
C’est un enseignement fragile, qui se heurte � des handicaps que la pr�cocit� de l’apprentissage ne permet pas de lever. Ce que l’on gagne du point de vue de la facilit� articulatoire par exemple ne compense pas les lacunes repr�sentatives du jeune enfant par rapport au contexte �tranger. De ce fait, sa motivation restera essentiellement ext�rieure. Elle d�pendra principalement de la pertinence et de la richesse de la d�marche p�dagogique qu’on lui proposera. Cependant, cette d�marche, au niveau de sa mise en �uvre, reste de toute mani�re tr�s �loign�e de l’efficacit� des proc�dures d’acquisition de la LM et m�me de la langue seconde.

b) Apprentissage de la LE et m�diation

La LE rel�ve, comme le dit Winnicott � propos de la r�alit�, d’un myst�re pour le sujet. C’est pourquoi il est n�cessaire de m�nager des transitions, plus exactement des espaces potentiels habit�s par des objets transitionnels destin�s � �tre rejet�s et oubli�s lorsque la distance qui s�pare le sujet du r�el aura �t�, au moins en partie, combl�e. Ces objets sont constitu�s dans le processus d’apprentissage par les outils p�dagogiques, les exercices, les activit�s de classe, les comportements de l’enseignant.
Ainsi, la planification p�dagogique n’est pas simplement repr�sentation de l’objet mais �galement processus transitionnel, mouvement vers, qui doit transformer l’abstraction ext�rioris�e de la connaissance en int�riorit� vivante. C’est � ce point que la probl�matique didactique rencontre les questions de la mod�lisation non seulement cognitive mais aussi fictionnelle et ludique.
Enseigner une LE va donc demander la mise en place d’un dispositif didactique ad�quat qui permette d’organiser la rencontre, dans les conditions sp�cifiques de l’�cole, entre celle-ci et les enfants. Une simple pr�sentation sur le mode traditionnel, le�on d’analyse et d’explicitation puis apprentissage et m�morisation, a peu de chance d’aboutir � un r�sultat satisfaisant. Si le fonctionnement effectif d’une langue met bien en �uvre les param�tres que nous avons essay� d’analyser (les dimensions identitaires et affectives), il faudra construire un dispositif p�dagogique qui les prenne effectivement en compte.

c) Enseignement de la LE et construction d’un espace fictionnel et ludique

Ainsi, le concept de fiction peut-il venir prendre sa juste place dans le dispositif de la relation du sujet au monde. Elle est ce processus par lequel le monde pour le sujet devient son monde, le moyen par lequel les objets deviennent ses objets. Et lui-m�me peut s’y reconna�tre comme protagoniste de passage dans une histoire sans commencement ni fin.
La fiction donc, non pas comme une des modalit�s possibles de l’apprentissage de la langue �trang�re, cette exp�rience recommenc�e du devenir locuteur, mais comme modalit� essentielle, d�terminante pour la r�ussite de la tentative. C’est � travers elle, � travers ses proc�d�s, que doit s’organiser la relation entre la LE et le sujet. Une question se pose�: Sur quelle modalit� autre que imaginaire l’objet langue peu-il tout d’abord exister pour l’enfant�?
Ainsi, la d�cision de construire des d�marches d’apprentissage en les consid�rant comme des proc�dures de m�diation de forme ludique, ne rel�ve pas simplement d’une intuition justifi�e par un �vident bons sens�: les enfants passent beaucoup de temps � jouer. En fait, cela nous renvoie � ce travail sur la construction du subjectif, sur la place et le mode de fonctionnement du cognitif dans cette construction, son rapport � l’inscription corporelle comme mode de formation d’appropriation du sens pour aboutir enfin � la signification linguistique qu’on ne pourra plus consid�rer seulement sous l’angle du syst�me th�orique au jeu parce qu’il constitue un mode essentiel du rapport au monde du sujet enfantin.
C’est � ce point que le principe de mod�lisation trouve � s’appliquer de mani�re tout � fait productive au processus d’apprentissage de la LE. En effet, la notion de mod�le permet de penser les limites de l’espace scolaire comme lieu d’une mise en �uvre r�gl�e de certains param�tres essentiels au fonctionnement de la deuxi�me langue sous formes d’un espace fictionnel de communication et de repr�sentations destin�e � palier l’absence d’un espace r�el.

III) Les �coles fran�aises de l’�tranger

A) "L’inqui�tante �tranget� de la langue seconde, le cas des enfants non francophones des �coles fran�aises de l’�tranger"

Ana Vivet affirme que dans les �coles fran�aises � l’�tranger, la langue d’enseignement et de communication est le fran�ais et que la langue maternelle des enfants non francophones est tol�r�e seulement au d�but de l’apprentissage, mais elle devra dispara�tre. En effet, les enseignements fondamentaux se font uniquement en fran�ais. L’objectif est que les enfants pensent en fran�ais. 2 raisons � cette vision des choses, selon elle�:

�un principe d’ordre �ducatif. En effet, le jeune enfant poss�de des facilit�s pour l’apprentissage pr�coce des langues (flexibilit� c�r�brale, capacit�s auditives, absence de pr�jug�s n�gatifs,…). De plus, l’immersion totale permet d’acc�l�rer le processus d’acquisition de la L2.
�c’est une politique linguistique de la France pour la diffusion � l’�tranger de son mod�le scolaire traditionnel…unilingue.

L’interdiction de parler la LM est du au fait que de nombreux professeurs pensent que l’utilisation de la LM est un obstacle au progr�s linguistique en fran�ais.

Par cons�quent, les enfants sont d�stabilis�s dans la relation avec autrui. Ils sont accueillis dans une langue inconnue et donc priv�s de rep�res familiers et s�curisants de la communication. Donc, les enfants non francophones deviennent angoiss�s � cause de cette perte de rep�res. Ils se posent des questions parmi lesquelles�:

�qui sont ces adultes�?
�o� suis-je�?
�qu’est-ce qu’ils veulent�?

Priv�s de leur langue, ces enfants sont donc priv�s de langage. Or, c’est avec les mots de leur langue qu’ils ont commenc� � se structurer. C’est une remise en question avec cette situation nouvelle pour les enfants. De nombreux enfants peuvent � cette occasion �tre victimes de troubles comportementaux (agressivit�, repli sur soi, mutisme, refus de participer ou de jouer,…) ou d’un manque d’attention, de dissipation,… Face � cela, les enseignants peuvent avoir des comportements maternants (c�lins,…) et � la longue, selon Ana Vivet, cette attitude semble efficace.

Ana Vivet ajoute que cette situation de monolinguisme entra�ne une situation paradoxale. Il est interdit pour les enfants non francophones d’apprendre � lire et � �crire dans leur LM.� Mais, il s’av�re que

1) les mots fran�ais n’ont pas de sens pour les enfants non francophones donc cela ils ont des difficult�s pour lire et pour d�chiffrer. Devant ce fait, certains instituteurs comprennent mal la situation et se d�couragent alors que les �l�ves non francophones, eux, peuvent�:

�avoir une perte de confiance et un d�sint�r�t de l’apprentissage scolaire qui entra�nera une soumission � l’enseignant, ce qui serait un constat d’�chec,
�prendre la d�cision de relever le d�fi (r�ussite scolaire, admiration du professeur,…).

2) les th�mes abord�s dans les contes et les comptines sont �trangers aux non francophones car les manuels sont pour des petits Fran�ais.

Selon Vivet, il faut donc�:

�remettre en question cette ignorance de la culture de tous les enfants,
�proposer des mod�les auxquels les enfants peuvent s’identifier et donc affirmer leur propre identit�.

Pour obtenir le monolinguisme, les professeurs peuvent faire semblants de ne pas comprendre les enfants quand ils s’expriment en LM (un mot, une phrase,…) pour les obliger � parler en fran�ais. Le r�sultat de ce comportement de l’enseignant est, pour les enfants�:

�pour se prot�ger de ce harc�lement linguistique, le d�veloppement de strat�gies de d�fense (se taire, se d�sint�resser,…),
�la soumission � l’enseignant,
�la r�volte et la revendication de l’utilisation de la LM interdite. Ceci est une attitude de d�fi qui peut provoquer la col�re des enseignants.

Dans les �tablissements � fonctionnement bilingue, Ana Vivet constate qu’il n’y a pas de comportements d�fensifs pour prot�ger la LE car l’objectif est la communication et la recherche de l’efficacit� pour apprendre la LE.

B) Le projet de l’�cole fran�aise de Bratislava

Tout d’abord, il convient de pr�ciser que le projet de cette �cole semble tenir compte des remarques d’Ana Vivet et rentre dans le cadre g�n�ral du projet p�dagogique et �ducatif de l’agence pour l’enseignement fran�ais � l’�tranger tout en s’adaptant au contexte local.

Les objectifs majeurs sont�:

�la mise en �uvre d’une p�dagogie attach�e � la r�ussite de tous les �l�ves,
�la d�finition de dispositifs originaux dans l’enseignement des langues (fran�ais, slovaque, anglais),
�la prise en compte des sp�cificit�s du contexte local.
L’entraide et le tutorat sont encourag�s. Il convient de permettre � la fois aux enfants, ne parlant pas slovaque de mieux conna�tre la langue et la culture du pays dans lequel ils vivent et sont scolaris�s et aux �l�ves �trangers, dont les parents ont choisi le syst�me �ducatif fran�ais de ne pas �tre coup�s de leur milieu d’origine.

Par cons�quent, la politique g�n�rale de ce projet vise �galement � l’ouverture sur la langue et la culture du pays d’accueil.

La langue slovaque fait partie des pr�occupations de l’�cole fran�aise. Ainsi, les activit�s propos�es doivent permettre aux �l�ves, non slovaques, de s’ouvrir sur l’environnement proche ou lointain de l’�cole. De ce fait, en plus de la ma�trise de langue fran�aise, un statut est offert aux autres langues.

C) Les actions mises en �uvre � l’�cole fran�aise de Bratislava

Conform�ment � la circulaire AEFE 2850 du 7/7/1993, l’�cole est engag�e dans une r�flexion sur "la fa�on de mieux prendre en compte l’environnement de l’�cole, les besoins des �l�ves �trangers, sans bouleverser en profondeur la trame et l’esprit �ducatif fran�ais". Il a donc fallu am�nager les horaires par rapport aux horaires classiques fran�ais pour favoriser l’int�gration et l’ouverture sur la culture locale et tenir compte des programmes en vigueur en Slovaquie. Dans cette partie, nous attacherons seulement aux �l�ves fran�ais et slovaques.

L’ouverture sur la langue et la culture du pays d’accueil s’est faite�:

1- Introduction syst�matique de l’enseignement de la langue du pays h�te dans les emplois du temps des classes.

Il s’agit de permettre aux �l�ves d’atteindre un niveau de communication et d’expression orale (et �crite) plus performant et donc de s’ouvrir aux divers aspects des r�alit�s culturelles v�hicul�es par cette langue.
A l’�cole �l�mentaire, l’enseignement de la langue slovaque s’organise sur une dur�e de 1h30 par semaine. Cet am�nagement a �t� mis en place avec la coop�ration de la direction slovaque. 2 enseignantes slovaques de l’�cole interviennent dans les classes � raison de deux s�ances de 45 minutes par semaine programm�es sur deux jours diff�rents.
A l’�cole maternelle GS, les enfants slovaques b�n�ficient d’un enseignement en fran�ais pendant 35 minutes, une fois par jour, pendant 4 jours. Dans le m�me temps, les enfants fran�ais apprennent le slovaque. Le 5e jour, un enseignement commun slovaque est dispens�. En MS et PS, l’enseignement de la langue slovaque est diff�renci� et a lieu 2 fois par semaine pendant 20 minutes pour chaque niveau.

Ainsi, l’enfant construit ses rep�res dans cette organisation hebdomadaire et b�n�ficie d’un enseignement de qualit�, �volutif et suivi dans le temps. Comme les autres mati�res, cet enseignement fait l’objet d’une �valuation r�guli�re par l’enseignant. Il s’int�gre dans les programmes et donc dans les livrets scolaires des enfants.
De plus, pour les enfants fran�ais, la parent� linguistique de la langue slovaque avec d’autres langues �trang�res ou des communaut�s linguistiques transfrontali�res est susceptible d’�tre exploit�e et de donner lieu � une r�flexion sur la langue de nature � faciliter l’apprentissage ult�rieur d’autres langues vivantes.

2- Acc�s � la langue (et � la culture) du pays par la m�thode de l’immersion et adapter les enseignements dans les diff�rentes disciplines�:

a) La m�thode de l’immersion

La pr�sence de la langue slovaque dans la vie de la classe, de l’�cole et de son environnement est une condition du succ�s sur l’ouverture sur le pays d’accueil. C’est pourquoi, des contacts et des �changes au sein de l’�cole sont d�velopp�s.
L’intervention de locuteurs en langue slovaque, les sorties, les manifestations culturelles, les classes de d�couvertes sont autant d’occasion d’impr�gnation linguistique que d’ouverture et d’�changes motivants.
La m�thode de l’immersion se caract�rise par l’utilisation de langue comme langue v�hiculaire pour des apprentissages et des enseignements ainsi que pour la vie scolaire. Les enfants y sont confront�s pour l’EPS, les activit�s p�ri-scolaires de l’apr�s-midi, la garderie du matin et du soir, la cantine, la r�cr�ation et les diverses sorties…
Une �valuation formative de tous les instants permet d’analyser les r�ussites ou les erreurs et de mettre en place une rem�diation imm�diate et individuelle. La mise en �uvre de cet enseignement par immersion doit concerner l’ensemble du cursus de l’�cole primaire de fa�on � garantir aux familles et aux �l�ves de b�n�ficier de la continuit� du chois des modes d’apprentissage.

b) Adapter les enseignements dans les diff�rentes disciplines Cela permet de trouver les am�nagements n�cessaires � l’introduction d’�l�ments culturels du pays de r�sidence.

En maternelle, les enfants sont amen�s�:

�� faire des drapeaux,
�� �couter de la musique et d�couvrir des compositeurs slovaques (Bella),
�� participer aux f�tes traditionnelles (St Nicolas),
�� �tudier la g�ographie slovaque (les montagnes des Tatras).

En primaire�:

�en math�matiques, situations et probl�mes authentiques en utilisant la monnaie locale, les distances entre 2 villes slovaques, les pourcentages en rapport avec des �tudes locales,
�en fran�ais, lecture ou �coute de contes traditionnels slovaques, lecture du journal scolaire slovaque, vocabulaire (un mot slovaque, anglais et fran�ais �tudi� chaque jour),
�en g�ographie, �tude du climat, du relief, des paysages et des grandes villes slovaques,…

3- Accueil et accompagnement des �l�ves non francophones.

Cela implique�:

�un temps d’enseignement du slovaque (quotidien en maternelle) tr�s important pour fonder l’apprentissage de leur propre langue. Conforter sa propre langue est indispensable pour se rassurer et investir mieux la langue �trang�re,
�l’enseignant ne doit parler qu’une seule langue lorsqu’il s’adresse � un enfant,
�d’insister sur les consignes (r�p�ter, reformuler, expliciter),
�l’attention particuli�re en d�but d’activit�,
�d’avoir des exigences moindres en d�but d’ann�e notamment,
�de recourir exceptionnellement � la traduction en cas de blocage,
�une organisation de la diff�renciation p�dagogique,
�un travail accompagn� avec l’enseignant, individuel ou en petit groupe,
�la reprise de l’�crit � l’oral en �l�mentaire (l’�l�ve formule, l’enseignant �crit),
�le contrat (un mot usuel par jour dit en fran�ais � l’enseignant au d�but de la classe),
�le tutorat avec un �l�ve francophone,
�le retour syst�matique sur les activit�s,
�de multiplier les �changes avec les parents, les associer au travail et leur demander de s’investir eux-m�mes dans la langue.

Conclusion

Ce dossier met donc en lumi�re le rapport particulier entre la langue maternelle de l’enfant et la langue qui lui est �trang�re. Ana Vivet pr�sente les conditions sp�cifiques dans lesquelles peuvent �voluer des enfants non francophones au sein des �coles fran�aises de l’�tranger et fait des propositions afin de rem�dier � certains probl�mes. L’�cole fran�aise de Bratislava semble avoir, de son c�t�, fait sienne de ces remarques et essaie de les appliquer dans son projet et ses activit�s.


Bibliographie

CALAQUE E., L’enseignement pr�coce du fran�ais langue �trang�re, Lidilem-Universit� Stendhal Grenoble 3, Grenoble, 1997.
LIETTI A., Pour l’�ducation bilingue, Favre, Lausanne, 1989.
MALLET B., Enseigner le Fle � l’�cole primaire et maternelle, Lidil- PUG, Grenoble, 1991.
PORCHER L., GROUX D., L’apprentissage pr�coce des langues �trang�res, PUF-QSJ�?, Paris, 1997.
TAESCHNER T., Les langues �trang�res d�s l’�cole primaire ou maternelle, De Boeck Universit�, Paris-Bruxelles, 1998.
VIVET A., L’inqui�tante �tranget� de la langue seconde, le cas des enfants non francophones des �coles fran�aises de l’�tranger, in Actualit� de l’enseignement bilingue, Fran�ais Dans Le Monde, num�ro sp�cial, Hachette, 01/2000.
VYGOTSKY L., Mind in Society, 1978.
VYGOTSKI L., Pens�e et langage, Terrain-Messidor, Paris, 1985.