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L’enseignement pr�coce des langues �trang�res

Source: http://www.edufle.net/L-enseignement-precoce-des-langues
Quels enjeux pour le monde de demain�?
dimanche 9 mars 2008 , par Jean-Marcel Morlat

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Dans cet article, je traite de la probl�matique de l’enseignement du fran�ais langue pr�coce et des autres langues�; m�me s’il semble y avoir l’uninanimit� sur l’importance que rev�t l’apprentissage des langues d�s le plus jeune �ge, pour l’avenir �conomique et politique de notre plan�te, il n’en est pas de m�me en ce qui concerne les moyens pour arriver � un enseignement efficace, moderne et digne de ce nom. Quel est en effet l’�ge consid�r� comme id�al par les sp�cialistes pour “l’apprentissage” d’une langue �trang�re�? Quelle est la finalit� de cet “enseignement”�? Quelle p�dagogie adopter pour un enseignement actif, riche, diversifi� et surtout motivant pour les enfants�? Autant de questions cruciales � un moment o� la construction de l’Europe semble �tre remise en question et o� les d�cideurs politiques ne pourront pas faire longtemps l’�conomie d’une r�flexion pouss�e sur la place des langues �trang�res dans notre syst�me �ducatif.

J’aborde dans cet article�[1] trois th�mes extr�mement importants dans le champ de la didactique et de la p�dagogie du Fran�ais Langue Pr�coce et des langues �trang�res en g�n�ral. Le premier th�me est celui de l’�ge consid�r� comme id�al par les sp�cialistes pour “l’apprentissage” d’une langue �trang�re. Ensuite, j’aborde le probl�me de la finalit� de cet “enseignement” dans ce monde moderne en perp�tuelle �volution et dont les acteurs et d�cideurs au niveau politique et �conomique n’ont pas toujours les m�mes conceptions. Mon dernier point, qui est peut-�tre le plus important, puisqu’il concerne l’aspect p�dagogique de notre probl�matique et qui est finalement l’aboutissement logique des th�mes pr�c�dents, concerne les objectifs et les buts � atteindre dans cet enseignement. Apres avoir d�velopp� les deux premiers points, qui sont d’une certaine mani�re “la colonne vert�brale” de cette vaste entreprise qu’est l’enseignement pr�coce du Fran�ais Langue �trang�re Pr�coce et des langues �trang�res, j’essaierai d’apporter une r�ponse p�dagogique � ce dernier point, qui pourrait �tre vu comme la substance m�me de notre th�me, puisque finalement tout se passe dans la classe d’une mani�re active, riche, diverse et surtout motivante pour les enfants.

Pourquoi enseigner les langues le plus t�t possible�? Quels sont donc les avantages�[2] � commencer l’enseignement d’une langue de mani�re “pr�coce”�? On peut consid�rer les recherches r�centes des psycho-linguistes�: “Les travaux des quinze derni�res ann�es montrent que, d�s la naissance, l’oreille et le cerveau humains ont la facult� de percevoir et traiter des distinctions tr�s fines entre les phon�mes appartenant aux langues maternelles. Cette sensibilit� aux contrastes phon�tiques s’amenuise progressivement au profit des seuls phon�mes de la langue de l’environnement.”�[3] La plasticit� du cerveau du jeune enfant est telle qu’il apprendra les langues, et beaucoup d’autres choses d’ailleurs, avec une facilit� interdite � l’adulte�; ce fait est reconnu et � prendre en compte , � l’avenir, si l’on veut donner � l’enseignement des langues �trang�res sa juste place dans nos �coles primaires.

Essayons �galement de comprendre ce que peut faire et ce que peut �tre une deuxi�me langue pour un jeune cerveau qui apprend � organiser le monde et ses relations � l’environnement. L’�ge retenu est 8-9 ans�: l’enfant est donc � l’�cole primaire. A cet �ge�:

L’enfant commence � ma�triser les op�rations logiques �l�mentaires�: il devient capable de repr�sentation au plan cognitif et de d�centration (mais aussi au plan affectif et social). Il acquiert peu � peu la capacit� d’effectuer des op�rations d’abstraction de plus en plus complexes. Au plan du langage, il devient capable de d�contextualiser. � ce stade l’enfant serait en particulier plus rapide pour acqu�rir la morphologie et la syntaxe, et meilleur en compr�hension auditive.
L’enfant d’�ge scolaire acquiert des habilet�s m�tacognitives, et la capacit� de traiter les �v�nements en contexte, il a donc de meilleures strat�gies d’apprentissage, des capacit�s d’attention plus importantes, et un meilleur contr�le de son activit� mentale. Dans le domaine du traitement de l’information, on a constat� que non seulement la capacit� de m�morisation, mais aussi les strat�gies de m�morisation s’accroissent au cours de l’enfance.
L’enfant qui se d�veloppe devient progressivement capable de traiter une plus grande quantit� d’informations, plus syst�matique et s�lectif dans sa recherche d’information�; il est davantage en mesure d’appliquer des strat�gies de plus en plus vari�es et complexes, il est plus efficace pour assurer le suivi et le contr�le de son activit� mentale en cours.�[4]

L’enfant de huit ans conna�t donc une vie affective intense et riche, et fait preuve d’une curiosit� insatiable�; son mode d’expression est autant verbal que non verbal, ce qui devra �tre pris en compte par l’enseignant, qui devra orienter son enseignement en respectant ces particularit�s.

On consid�re qu’il y a trois types de besoins pour un enfant de huit ans�: besoin de jeu, d’expression autant physique que verbale, et besoin de se d�couvrir et de se construire � travers la rencontre avec l’autre. L’enseignant devra cependant �tre vigilant, �tant donn� que l’initiation � une langue pourra r�veiller des frustrations v�cues auparavant�; en effet, l’enseignement devra v�ritablement �tre centr� sur le jeune apprenant, qui se d�couvre pas � pas, et est tout de m�me un jeune �tre fragile�! � cet �ge, le jeune enfant peut se projeter dans le temps et dans l’espace par la pens�e�; il est donc important de mettre en oeuvre des activit�s qui reposent sur le raisonnement et l’anticipation. il sera ainsi amen� � restructurer le r�el et notamment � apprendre � nommer les choses�; il apprendra �galement � reconstruire son temps et son espace (gr�ce � des gestes et des mimiques). Pour r�sumer, il s’agit d’un �ge durant lequel il devient autonome et apprend la vie en soci�t� (il prend, par exemple, conscience des grands probl�mes humains. On l’aura compris, l’enfant est en plein d�veloppement et a un besoin primordial de mouvement, d’activit� et d’expression, � tous les niveaux. Il est donc important de respecter ses rythmes et de ne surtout pas br�ler les �tapes dans cet apprentissage. Il faut en effet lui laisser le temps d’apprendre�; H�l�ne Trocm�- Fabre�[5] a d�fini certaines �tapes � respecter chez l’enfant�: “le savoir-observer” avec tous ses sens, afin de comprendre le monde. Elle juge que cette �tape est la premi�re � respecter avant de franchir les autres�; “le savoir-ob�ir”, o� l’enfant acquiert progressivement les r�gles du langage�; “l’�tape d’organisation” o� il apprend � organiser, coder, classifier. Le “savoir-cr�er” o� l’apprenant essaie de prolonger ce qu’il a int�gr�, per�u, choisi. Il enrichit ensuite ce qu’il sait avant d’�changer. La derni�re �tape est celle o� il apprend � entrer en relation avec l’autre par le langage�; ces diff�rentes �tapes sont propres � la psychologie de l’enfant. Nous verrons d’ailleurs dans notre troisi�me partie de quelle mani�re le professeur devrait orienter sa p�dagogie et prendre en compte les besoins et les diff�rentes attentes de l’enfant. Nous allons maintenant tenter de comprendre quel est le contexte dans lequel s’inscrit cet enseignement pr�coce du fran�ais�; nous essaierons notamment d’analyser les diff�rentes finalit�s de cet enseignement.

A. Tashdjian a une r�flexion tr�s juste et qui replace l’enseignement pr�coce des langues dans son v�ritable contexte. Il dit en effet�: “En l’an deux mille, le monolinguisme des jeunes pourra �tre compar� a une forme d’illetrisme. Il est d�j� un handicap. Ceux qui gagneront leur place au soleil seront au moins bilingues d’expression et multilingues de compr�hension. Si la communaut� tout enti�re ne fait pas sien ce projet, les plus avis�s, et, bien entendu, les plus nantis, p�renniseront les clivages sociaux”.�[6] Les enjeux de I’enseignement pr�coce sont multiples mais peuvent �tre r�sum�s en deux points�: les enjeux politiques et �conomiques et les enjeux culturels.

Dans cette p�riode de globalisation effr�n�e, il est �vident que toute personne qui veut se faire sa place au soleil, devra au moins �tre trilingue�; L’europe qui se construit aura besoin d’hommes form�s, d�s le plus jeune �ge, aux langues �trang�res, et non pas seulement � l’anglais, mais � toutes les langues europ�ennes. II va sans dire qu’une politique de proximit� (� savoir enseigner les langues parl�es de l’autre c�t� de nos fronti�res) devra �tre instaur�e, si l’on veut voir de v�ritables �quilibres politiques �tre cr��s�; � ce niveau, la France a beaucoup � apprendre, elle qui favorise l’enseignement de l’anglais au d�triment des autres langues. Le fran�ais ne trouvera sa place, dans cette �conomie des langues, que si nous apprenons des langues telles que l’italien, le portugais ou encore le n�erlandais�! Louis-Jean Calvet�[7] a d’ailleurs th�oris� tout cela dans son mod�le gravitationnel�; ainsi selon lui�:

chaque citoyen aurait besoin de et droit � trois types de langues�:

  1. Une langue internationale pour ses rapports ext�rieurs. L’anglais, qui remplit le plus souvent cette fonction, pourrait �tre d�fini non pas comme une langue internationale parmi d’autres mais comme la langue ��globale�� du moment, r�sultat de la mondialisation.
  2. La langue de l’�tat (norm�e, standardis�e), qui est souvent super-centrale ou centrale et qui lui permet de s’ins�rer dans la vie publique de son pays.
  3. Sa langue gr�gaire enfin qui peut �tre une forme locale de la langue de l’�tat (par exemple espagnol d’Argentine, arabe marocain, etc.) ou une langue diff�rente (quechua en Equateur ou au P�rou, alsacien ou corse en France, etc.), langue qui peut �tre �crite ou non �crite, jouir ou non d’un statut ou d’une reconnaissance r�gionale, etc. Cette traduction individuelle de notre mod�le gravitationnel, dans laquelle les diff�rentes fonctions peuvent �tre remplies par diff�rentes langues ou par diff�rents registres d’une m�me langue, constituera sans doute l’�quipement linguistique de base du citoyen de demain.”�[8]

Jean-Paul de Gaudemar de corroborer cela�:

La consolidation du processus europ�en commande la possibilit� de donner a nos enfants une �ducation europ�enne concr�te, o� la connaissance des pays voisins s’op�re � partir d’une pratique directe de leurs cultures et donc de leurs langues. Nos enfants doivent pouvoir se sentir en m�me temps parfaitement int�gr�s dans leur r�gion et leur pays et ouverts � l’Europe, � une europe � la fois entit� globale et sources de voisinages renouvel�s.

Il continue�:

L’apprentissage pr�coce des langues, [ ] constitue la base fondamentale de ce sentiment de pluri-appartenance. [ ] C’est bien sur cette d�marche en profondeur (plurilinguisme et pluriculturalisme effectifs) commenc�e d�s l’�ge des apprentissages fondamentaux et poursuivie dans la dur�e du parcours �ducatif, que pourra s’�difier une Europe harmonieuse o� les entit�s nouvelles ne seront pas per�ues comme des risques d’affaiblissement des identit�s anciennes, mais comme des occasions de jouvences collectives et individuelles, une Europe non impos�e de l’ext�rieur, mais assum�e de l’int�rieur.�[9]

II va sans dire que les enjeux �conomiques et politiques sont de poids, dans un monde, o� les �changes sont arriv�s � un niveau jamais atteint auparavant. Des �changes sains doivent donc �tre mis en place, afin que la France puisse conserver un certain rayonnement international, ce qui est finalement l’une de ses obsessions et surtout r�instaurer de nouvelles relations avec les anciennes colonies, dans le pourtour m�diterran�en et en Afrique �galement. Il en va de I’avenir du fran�ais�[10] comme langue de communication internationale, � un moment o� tant de batailles ont d�j� �t� perdues au profit du chinois et de l’espagnol�!

En fait, pour que cette Europe s’�difie, encore faudrait-il que l’action politique et �conomique de notre gouvernement, de nos gouvernements, repose sur une veritable philosophie, et non pas sur des bases uniquement mercantiles ou commerciales. C’est la que des concepts tels que l’interculturel et l’alt�rit� entrent en jeu�; citons les propos de Phillipson�: "Pour nous, le monolinguisme, tant au niveau de l’individu que de la soci�t�, n’est pas avant tout un ph�nom�ne linguistique (m�me s’il est en rapport avec la langue). il s’agit plut�t d’un �tat d’esprit psychologique, renforc� par le pouvoir politique. Le monolinguisme est une insularit� psychologique [ ... ]. c’est une maladie, une infection qui devrait �tre �limin�e au plus vite, parce qu’elle est dangereuse pour la paix mondiale.”�[11] En effet, il nous semble que le but d’un enseignement des langues doit v�ritablement �tre interculturel, et faciliter la d�couverte d’autres cultures. Des notions telles que le respect, l’ouverture d’esprit, le sens de l’�coute doivent �tre inculqu�s d�s le plus jeune �ge, car parler une langue ne signifie pas seulement comprendre une autre culture�; le linguistique est une chose, le culturel une autre�; ces deux notions doivent �tre r�unies dans un enseignement commun. La notion d’alt�rit� implique ce d�passement d’un objectif uniquement linguistique en faveur d’une acquisition de comp�tences culturelles. Si la notion d’�ge id�al dans l’apprentissage des langues ou encore les enjeux li�s � cet apprentissage sont � mettre au premier plan d’une r�flexion sur l’apprentissage pr�coce des langues, il nous reste � r�pondre � une question encore plus importante�: quels sont les objectifs, les buts et la cible � atteindre�? Autrement dit, et plus simplement, qu’est-ce qu’il faut faire en classe, pour mener � bien cet enseignement�?

A. Gremy, lors d’un colloque sur les langues vivantes � l’�cole �l�mentaire, en juin 1990, a eu une r�flexion int�ressante�: “II faudra r�pondre aux questions que se posent tous ceux qui participent � cette action [ ... ]. Certaines sont d’ordre institutionnel. Mais il y a en quelque sorte une question pr�alable d’ordre s�mantique. Dans le texte fondateur du 16 mars 1989, c’est le terme enseignement qui est utilis�. [ ... ] Dans la circulaire parue au B.O. du 5 avril, le terme enseignement est encore utilis� [ ... ], mais la notion d’initiation appara�t. [ ... ] Un peu plus loin, on parle d’initiation � la langue, puis d’enseignement exp�rimental. Que veut-on exactement�? Un enseignement, un pr�-apprentissage, une initiation, une sensibilisation, bien que le terme ne soit pas utilis�? [ ... ] “Enseignement ou initiation�? La question essentielle est peut-�tre celle des priorit�s.”�[12] Il va sans dire que m�me s’il y a des principes qui sont fondamentaux, la nature des activit�s et I’organisation de l’action p�dagogique ne peuvent pas �tre du m�me ordre dans chacun des cas cit�s ci-dessus. Entre une heure d’initiation par semaine, et trois heures ou plus, les programmes et les approches ne peuvent pas �tre les m�mes. Une chose reste certaine, il faut que les actes d’apprentissage aient un sens (une signification et une orientation), et cela devrait �tre un principe de base, quelques soient les contextes et les d�cisions curriculaires.”

Il nous reste � d�terminer la nature des activit�s qui seront mises en oeuvre�; Orsola Tarantino Fraternali nous �claire de sa lanterne�:

Convaincus qu’il n’existe pas “une m�thode” et qu’il n’y aura jamais de “m�thode id�ale” mais, par contre, qu’il existe des enfants avec leurs besoins, leur personnalit� � construire, et que, donc c’est l’enfant qui doit �tre le protagoniste de son �volution avec l’aide d’un adulte, nous avons choisi une approche visant la centralit� de l’enfant et la disponibilit� d’un enseignant comp�tent et capable de r�pondre aux situations dynamiques qui vont se cr�er dans des classes d’enfants si petits.
Ce qui est vrai c’est qu’il n’y a qu’� “se mettre � l’�coute des enfants” (Piaget), savoir percevoir leurs besoins, savoir �valuer leur potentiel cognitif pour les aider � se d�velopper avec l’aide d’un adulte comp�tent. Nous avons d�fini notre approche comme “Ludique-Dynamique”, le mot ludique renvoyant a toute une s�rie d’activit�s joyeuses centr�es sur la mobilisation de l’int�r�t des enfants de la maternelle, sur leur participation spontan�e et volontaire au jeu parce qu’ils s’y reconnaissent et qu’ils le partagent.
Le mot dynamique met l’accent sur le processus qui se construit en spirale ouverte sous les yeux des enfants et des ma�tresses toujours actives et toujours disponibles, pendant l’heure de fran�ais, pour ajuster, r�ajuster et reformuler les activit�s propos�es au moment ou l’int�r�t des enfants baisse. Dynamique donc, inscrite dans la dynamique de l’�volution des besoins des enfants.
Le rythme et la musique ont �t� les deux ressorts les plus f�conds pour capter l’attention des enfants, exciter leur curiosit� et stimuler leur imaginaire. Le rythme et la musique ont �t� le “contexte” de communication entre l’enfant et le monde de la langue fran�aise.�[13]

L’apprenant est donc bien le point de d�part que ce soit vers l’enseignant ou vers un autre apprenant�; ainsi, il peut apprendre � communiquer avec le groupe, et quoi de plus important pour un enfant�? Bien s�r, tout le monde n’est pas d’accord avec l’utilisation d’activit�s dites “gratuites”. Certains pensent tout de m�me que l’enfant aime se pr�ter � des jeux qui privil�gient l’imaginaire�; il me semble tout de m�me qu’un enfant accepte de faire beaucoup de chose, tant qu’il ne s’ennuie pas. L’utilisation des disciplines artistiques est donc primordiale si l’on veut susciter le plaisir d’apprendre et d�velopper la cr�ativit�. Ainsi, tout est possible en classe de langues�: dessin, musique, th��tre, jeux etc�:

L’activit� artistique permet d’int�grer l’usage de la L.E dans une d�marche qui ne rel�ve pas directement d’un apprentissage scolaire mais d’une approche de la cr�ation artistique.
Sans le cadre d’activit�s artistiques, la L.E serait appr�hend�e par l’enfant non pas comme un objet d’apprentissage scolaire mais plut�t comme un moyen de communication en relation avec le plaisir de la cr�ation. En cons�quence, l’activit� artistique permettrait de motiver I’usage de la L.E dans un processus cr�atif et de lui donner ainsi une dimension plus significative pour l’enfant.�[14]

Il faut cependant rester prudent, car tous les professeurs ne sont pas capables d’utiliser l’art en classe de langue, et doivent donc �tre bien form�s. De plus, l’art ne doit pas se substituer � l’enseignement des langues mais �tre un adjuvant efficace (qui permet une meilleure ma�trise de la langue � l’occasion de sa mise en oeuvre dans la classe notamment).

Il nous reste � d�finir deux dimensions importantes�: la dimension cognitive et affective. Ces deux perspectives sont �galement fondamentales et sont deux piliers de l’enseignement pr�coce d’une langue. la perspective cognitive privil�gie l’acquisition d’une culture langagi�re (ce qu’est la langue et son fonctionnement social) et d’une culture d’apprentissage (apprendre � apprendre�!). Il s’agit de “Language Awareness”, ou de sensibilisation linguistique. La dimension affective, quant � elle, vise � modifier les repr�sentations qu’ont les apprenants de la culture cible. Un tel travail va permettre d’avoir une influence sur les attitudes, la motivation�; l’apprentissage efficace d’une langue est tributaire des �motions des apprenants, et la vie affective des enfants influencera v�ritablement leurs performances. Le tout est de d�velopper une attitude positive, ce qui aura le m�me effet sur l’apprentissage que l’on essaie de mettre en place. L’interculturel, notion que nous avons d�velopp�e plus haut est ici le ma�tre-mot�!

Il semble y avoir l’uninanimit� sur l’importance que rev�t I’apprentissage des langues d�s le plus jeune �ge, pour l’avenir �conomique et politique de notre plan�te, il n’en est pas de m�me en ce qui concerne les moyens pour arriver � un enseignement efficace et moderne des langues �trang�res aux jeunes enfants. En effet, on multiplie les exp�riences depuis une trentaine d’ann�es, et tout le monde semble t�tonner. Les cloches de l’an 2000 ont d�j� retenti et l’on est en droit de se demander quand sera mis en place cet enseignement bilingue qu’on nous promet depuis trop longtemps. Alors que je relisais cet article la lecture d’un �ditorial du journal Le Monde �crit par Jean-Marie Colombani, semble corroborer mes r�flexions en ce qui concerne la construction de l’Europe et l’importance des langues �trang�res dans cette entreprise�: “L’esprit europ�en, en effet, a cess� d’inspirer nos gouvernements, qui ne pensent plus l’int�r�t national qu’en termes franco-fran�ais. [...] l’Union est surtout le cadre culturel d’o� devra �merger la conscience europ�enne. “il n’y a pas d’entit� europ�enne, pas de lien r�el, assure le cin�aste allemand Wim Wenders, tant que nous ne parviendrons pas � donner � voir nos propres mythes, nos sentiments, notre histoire.” Commen�ons donc par �carter la tentation de leur tourner le dos”.�[15] Notre conscience europ�enne ne devrait-elle pas �tre forg�e autour d’un ensemble de langues communes et partag�es, qui nous permettraient justement d’appr�hender la pluralit� de toute les cultures europ�ennes�? Pourtant, seules des d�cisions gouvernementales sauront changer cet �tat de fait et permettront � la didactique des langues (pr�coces) de m�rir et d’�tre reconnue comme une discipline � part enti�re�; car, ne nous leurrons pas, il faudra des gens tres bien form�s pour mener � bien cette entreprise, mais �galement une remise en question de tout le syst�me�; en effet on ne fait pas des bilingues, avec trois heures de langues par semaine�! A cette r�volution du syst�me devra, de plus, s’ajouter une r�volution des mentalit�s, qui seule saurait bouleverser nos attitudes et nos habitudes�! Dans combien de temps cela�? Au moment o� je relisais cet article, la lecture d’un article publi� r�cemment dans le Nouvel Observateur concernant l’enseignement de l’anglais semble aller dans le sens de mes r�flexions. Tel est le chapeau de l’article�: "Faire de la France un paus bilingue�? C’est la promesse de Nicolas Sarkozy. Pour l’instant, cependant, nos bacheliers peinent � articuler trois mots. Or la n�cessit� de parler anglais touche d�sormais presque tous les m�tiers" et les journalistes d’affirmer�: ��"God help our President...", il va en avoir besoin."���[16]

[1] Je l’ai r�dig� dans le cadre de ma ma�trise FLE (universit� de Rouen) que j’ai obtenue en 2000�; il s’agissait d’un cours � l’initiation � l’enseignement pr�coce du FLE qui �tait donn� � l’�poque par Monsieur Daniel Modard. Mes r�flexions, revisit�es 7 ans plus tard, semblent toujours pertinentes�!

[2] On lira �galement Claude HAG�GE, 1996, L’enfant aux deux langues, Paris, Odile Jacob, 300 p. Claude Hag�ge aborde dans son livre les th�mes que nous d�veloppons dans cet article.

[3] Bulletin Officiel de l’�ducation Nationale, 1995, no 19, 11 mai, p. 1649.

[4] Monique ALL�S-JARDEL, 1997, "Psychologie du d�veloppement de I’apprentissage pour I’enseignement pr�-secondaire du fran�ais langue �trang�re", dans L’enseignement pr�coce du fran�ais langue �trang�re, bilans et perspectives, Laboratoire Lidilem, Universit� Stendhal - Grenoble III, pp. 17-18.

[5] Voir H�l�ne TROCM�-FABRE, 1994, J’apprends, donc je suis, Paris, �ditions d’Organisation, 292 p.�; voir aussi H�l�ne TROCM�-FABRE, 1991, J’apprends, donc je suis... Entretien avec H�l�ne Trocm�-Fabre, dans Le Fran�ais dans le Monde, num�ro sp�cial ao�t-septembre 1991, consacr� au th�me “Enseignements / apprentissage pr�coces des langues”, Paris, Hachette.

[6] A. TASHDJIAN, 1990, Les langues de I’Europe sont-elles sur orbite�?, dans Fernand CARTON, Jean-Marie. OD�RIC DELEFOSSE (Dirs), Les langues dans l’Europe de demain, Presses de la Sorbonne nouvelle, p. 18.

[7] Louis-Jean CALVET, L�a Varela, 2000, XXI�me si�cle�: le cr�puscule des langues�? Critique du discours politiquement correct, dans Estudios de Socioling��stica, 1 (2), pp. 47-64. Voir aussi Louis-Jean CALVET, 2003, La situation mondiale des quatre langues, dans la Francophonie dans le monde 2002-2003, Paris, OIF / Larousse, pp. 82-83.

[8] Louis-Jean CALVET, 2003, Mondialisation, langues et politiques linguistiques�: Le versant linguistique de la mondialisation, dans Le Fran�ais dans le Monde, no 323, septembre-octobre, http://www.fdlm.org/fle/article/323....

[9] J.-P. DE GAUDEMAR, 1991, Circulaire rectorale, Rectorat de Strasbourg, programme � moyen terme de d�veloppement de I’enseignement de I’allemand � l’�cole", septembre, p.2.

[10] On lira �galement l’ouvrage suivant�: Daniel MODARD, Bernard OBERMOSSER, 2005 (dirs.), Dialogue des cultures, diversit� linguistique... Mythes et r�alit�s, Actes du Colloque organis� les 19 et 20 novembre 2002 par leCRDP de Haute-Normandie en collaboration avec l’Universit� de Rouen, num�ro sp�cial de la revue SYNERGIES FRANCE, Rouen, CRDP, 178 pages.

[11] T. SKUTNABB-KANGAS, R. PHILIPSON, 1992, "Mother Tongue�: the Theoretical and Sociopolitical Construction of a Concept", dans U.AMMON (Dir.), Status and Function of Language Varieties, Berlin / New York, de Gruyter, p. 469.

[12] A. GR�MY, 1991, Texte d’ouverture au colloque, dans Les langues vivantes � l’�cole �l�mentaire, Actes du Colloque de juin 1990, Institut National de Recherche P�dagogique, pp.10-11.

[13] Orsola TARANTINO FRATERNALI, 1997, "L’enseignement pr�coce du Fran�ais Langue �trang�re", dans L’enseignement pr�coce du Fran�ais Langue �trang�re, bilans et perspectives, Laboratoire Lidilem, Universit� Stendhal - Grenoble III, pp. 134-135

[14] Ibid., p.170.

[15] Jean-Marie Colombani, “L’identit� europ�enne”, Le Monde, �dition internationale, mardi 27 mars 2007, pages 1 et 2..

[16] Voir Carole Brizard, V�ronique Radier, “My English is poor�!”, Le Nouvel Observateur, 25-31 octobre 2007, pp. 16-17. Les auteures de cet article dressent un bilan inqui�tant de l’enseignement de l’anglais en France�; de quoi laisser m�diter nos politiques. Elles passent �galement en revue tous les d�fauts du syst�me et le manque de r�alisme de la formations des professeurs de langues en France.