J’aborde dans cet article [1] trois thèmes extrêmement importants dans le champ de la didactique et de la pédagogie du Français Langue Précoce et des langues étrangères en général. Le premier thème est celui de l’âge considéré comme idéal par les spécialistes pour “l’apprentissage” d’une langue étrangère. Ensuite, j’aborde le problème de la finalité de cet “enseignement” dans ce monde moderne en perpétuelle évolution et dont les acteurs et décideurs au niveau politique et économique n’ont pas toujours les mêmes conceptions. Mon dernier point, qui est peut-être le plus important, puisqu’il concerne l’aspect pédagogique de notre problématique et qui est finalement l’aboutissement logique des thèmes précédents, concerne les objectifs et les buts à atteindre dans cet enseignement. Apres avoir développé les deux premiers points, qui sont d’une certaine manière “la colonne vertébrale” de cette vaste entreprise qu’est l’enseignement précoce du Français Langue Étrangère Précoce et des langues étrangères, j’essaierai d’apporter une réponse pédagogique à ce dernier point, qui pourrait être vu comme la substance même de notre thème, puisque finalement tout se passe dans la classe d’une manière active, riche, diverse et surtout motivante pour les enfants.
Pourquoi enseigner les langues le plus tôt possible ? Quels sont donc les avantages [2] à commencer l’enseignement d’une langue de manière “précoce” ? On peut considérer les recherches récentes des psycho-linguistes : “Les travaux des quinze dernières années montrent que, dès la naissance, l’oreille et le cerveau humains ont la faculté de percevoir et traiter des distinctions très fines entre les phonèmes appartenant aux langues maternelles. Cette sensibilité aux contrastes phonétiques s’amenuise progressivement au profit des seuls phonèmes de la langue de l’environnement.” [3] La plasticité du cerveau du jeune enfant est telle qu’il apprendra les langues, et beaucoup d’autres choses d’ailleurs, avec une facilité interdite à l’adulte ; ce fait est reconnu et à prendre en compte , à l’avenir, si l’on veut donner à l’enseignement des langues étrangères sa juste place dans nos écoles primaires.
Essayons également de comprendre ce que peut faire et ce que peut être une deuxième langue pour un jeune cerveau qui apprend à organiser le monde et ses relations à l’environnement. L’âge retenu est 8-9 ans : l’enfant est donc à l’école primaire. A cet âge :
L’enfant commence à maîtriser les opérations logiques élémentaires : il devient capable de représentation au plan cognitif et de décentration (mais aussi au plan affectif et social). Il acquiert peu à peu la capacité d’effectuer des opérations d’abstraction de plus en plus complexes. Au plan du langage, il devient capable de décontextualiser. À ce stade l’enfant serait en particulier plus rapide pour acquérir la morphologie et la syntaxe, et meilleur en compréhension auditive.
L’enfant d’âge scolaire acquiert des habiletés métacognitives, et la capacité de traiter les événements en contexte, il a donc de meilleures stratégies d’apprentissage, des capacités d’attention plus importantes, et un meilleur contrôle de son activité mentale. Dans le domaine du traitement de l’information, on a constaté que non seulement la capacité de mémorisation, mais aussi les stratégies de mémorisation s’accroissent au cours de l’enfance.
L’enfant qui se développe devient progressivement capable de traiter une plus grande quantité d’informations, plus systématique et sélectif dans sa recherche d’information ; il est davantage en mesure d’appliquer des stratégies de plus en plus variées et complexes, il est plus efficace pour assurer le suivi et le contrôle de son activité mentale en cours. [4]
L’enfant de huit ans connaît donc une vie affective intense et riche, et fait preuve d’une curiosité insatiable ; son mode d’expression est autant verbal que non verbal, ce qui devra être pris en compte par l’enseignant, qui devra orienter son enseignement en respectant ces particularités.
On considère qu’il y a trois types de besoins pour un enfant de huit ans : besoin de jeu, d’expression autant physique que verbale, et besoin de se découvrir et de se construire à travers la rencontre avec l’autre. L’enseignant devra cependant être vigilant, étant donné que l’initiation à une langue pourra réveiller des frustrations vécues auparavant ; en effet, l’enseignement devra véritablement être centré sur le jeune apprenant, qui se découvre pas à pas, et est tout de même un jeune être fragile ! À cet âge, le jeune enfant peut se projeter dans le temps et dans l’espace par la pensée ; il est donc important de mettre en oeuvre des activités qui reposent sur le raisonnement et l’anticipation. il sera ainsi amené à restructurer le réel et notamment à apprendre à nommer les choses ; il apprendra également à reconstruire son temps et son espace (grâce à des gestes et des mimiques). Pour résumer, il s’agit d’un âge durant lequel il devient autonome et apprend la vie en société (il prend, par exemple, conscience des grands problèmes humains. On l’aura compris, l’enfant est en plein développement et a un besoin primordial de mouvement, d’activité et d’expression, à tous les niveaux. Il est donc important de respecter ses rythmes et de ne surtout pas brûler les étapes dans cet apprentissage. Il faut en effet lui laisser le temps d’apprendre ; Hélène Trocmé- Fabre [5] a défini certaines étapes à respecter chez l’enfant : “le savoir-observer” avec tous ses sens, afin de comprendre le monde. Elle juge que cette étape est la première à respecter avant de franchir les autres ; “le savoir-obéir”, où l’enfant acquiert progressivement les règles du langage ; “l’étape d’organisation” où il apprend à organiser, coder, classifier. Le “savoir-créer” où l’apprenant essaie de prolonger ce qu’il a intégré, perçu, choisi. Il enrichit ensuite ce qu’il sait avant d’échanger. La dernière étape est celle où il apprend à entrer en relation avec l’autre par le langage ; ces différentes étapes sont propres à la psychologie de l’enfant. Nous verrons d’ailleurs dans notre troisième partie de quelle manière le professeur devrait orienter sa pédagogie et prendre en compte les besoins et les différentes attentes de l’enfant. Nous allons maintenant tenter de comprendre quel est le contexte dans lequel s’inscrit cet enseignement précoce du français ; nous essaierons notamment d’analyser les différentes finalités de cet enseignement.
A. Tashdjian a une réflexion très juste et qui replace l’enseignement précoce des langues dans son véritable contexte. Il dit en effet : “En l’an deux mille, le monolinguisme des jeunes pourra être comparé a une forme d’illetrisme. Il est déjà un handicap. Ceux qui gagneront leur place au soleil seront au moins bilingues d’expression et multilingues de compréhension. Si la communauté tout entière ne fait pas sien ce projet, les plus avisés, et, bien entendu, les plus nantis, pérenniseront les clivages sociaux”. [6] Les enjeux de I’enseignement précoce sont multiples mais peuvent être résumés en deux points : les enjeux politiques et économiques et les enjeux culturels.
Dans cette période de globalisation effrénée, il est évident que toute personne qui veut se faire sa place au soleil, devra au moins être trilingue ; L’europe qui se construit aura besoin d’hommes formés, dès le plus jeune âge, aux langues étrangères, et non pas seulement à l’anglais, mais à toutes les langues européennes. II va sans dire qu’une politique de proximité (à savoir enseigner les langues parlées de l’autre côté de nos frontières) devra être instaurée, si l’on veut voir de véritables équilibres politiques être créés ; à ce niveau, la France a beaucoup à apprendre, elle qui favorise l’enseignement de l’anglais au détriment des autres langues. Le français ne trouvera sa place, dans cette économie des langues, que si nous apprenons des langues telles que l’italien, le portugais ou encore le néerlandais ! Louis-Jean Calvet [7] a d’ailleurs théorisé tout cela dans son modèle gravitationnel ; ainsi selon lui :
chaque citoyen aurait besoin de et droit à trois types de langues :
- Une langue internationale pour ses rapports extérieurs. L’anglais, qui remplit le plus souvent cette fonction, pourrait être défini non pas comme une langue internationale parmi d’autres mais comme la langue « globale » du moment, résultat de la mondialisation.
- La langue de l’État (normée, standardisée), qui est souvent super-centrale ou centrale et qui lui permet de s’insérer dans la vie publique de son pays.
- Sa langue grégaire enfin qui peut être une forme locale de la langue de l’État (par exemple espagnol d’Argentine, arabe marocain, etc.) ou une langue différente (quechua en Equateur ou au Pérou, alsacien ou corse en France, etc.), langue qui peut être écrite ou non écrite, jouir ou non d’un statut ou d’une reconnaissance régionale, etc. Cette traduction individuelle de notre modèle gravitationnel, dans laquelle les différentes fonctions peuvent être remplies par différentes langues ou par différents registres d’une même langue, constituera sans doute l’équipement linguistique de base du citoyen de demain.” [8]
Jean-Paul de Gaudemar de corroborer cela :
La consolidation du processus européen commande la possibilité de donner a nos enfants une éducation européenne concrète, où la connaissance des pays voisins s’opère à partir d’une pratique directe de leurs cultures et donc de leurs langues. Nos enfants doivent pouvoir se sentir en même temps parfaitement intégrés dans leur région et leur pays et ouverts à l’Europe, à une europe à la fois entité globale et sources de voisinages renouvelés.
Il continue :
L’apprentissage précoce des langues, [ ] constitue la base fondamentale de ce sentiment de pluri-appartenance. [ ] C’est bien sur cette démarche en profondeur (plurilinguisme et pluriculturalisme effectifs) commencée dès l’âge des apprentissages fondamentaux et poursuivie dans la durée du parcours éducatif, que pourra s’édifier une Europe harmonieuse où les entités nouvelles ne seront pas perçues comme des risques d’affaiblissement des identités anciennes, mais comme des occasions de jouvences collectives et individuelles, une Europe non imposée de l’extérieur, mais assumée de l’intérieur. [9]
II va sans dire que les enjeux économiques et politiques sont de poids, dans un monde, où les échanges sont arrivés à un niveau jamais atteint auparavant. Des échanges sains doivent donc être mis en place, afin que la France puisse conserver un certain rayonnement international, ce qui est finalement l’une de ses obsessions et surtout réinstaurer de nouvelles relations avec les anciennes colonies, dans le pourtour méditerranéen et en Afrique également. Il en va de I’avenir du français [10] comme langue de communication internationale, à un moment où tant de batailles ont déjà été perdues au profit du chinois et de l’espagnol !
En fait, pour que cette Europe s’édifie, encore faudrait-il que l’action politique et économique de notre gouvernement, de nos gouvernements, repose sur une veritable philosophie, et non pas sur des bases uniquement mercantiles ou commerciales. C’est la que des concepts tels que l’interculturel et l’altérité entrent en jeu ; citons les propos de Phillipson : "Pour nous, le monolinguisme, tant au niveau de l’individu que de la société, n’est pas avant tout un phénomène linguistique (même s’il est en rapport avec la langue). il s’agit plutôt d’un état d’esprit psychologique, renforcé par le pouvoir politique. Le monolinguisme est une insularité psychologique [ ... ]. c’est une maladie, une infection qui devrait être éliminée au plus vite, parce qu’elle est dangereuse pour la paix mondiale.” [11] En effet, il nous semble que le but d’un enseignement des langues doit véritablement être interculturel, et faciliter la découverte d’autres cultures. Des notions telles que le respect, l’ouverture d’esprit, le sens de l’écoute doivent être inculqués dès le plus jeune âge, car parler une langue ne signifie pas seulement comprendre une autre culture ; le linguistique est une chose, le culturel une autre ; ces deux notions doivent être réunies dans un enseignement commun. La notion d’altérité implique ce dépassement d’un objectif uniquement linguistique en faveur d’une acquisition de compétences culturelles. Si la notion d’âge idéal dans l’apprentissage des langues ou encore les enjeux liés à cet apprentissage sont à mettre au premier plan d’une réflexion sur l’apprentissage précoce des langues, il nous reste à répondre à une question encore plus importante : quels sont les objectifs, les buts et la cible à atteindre ? Autrement dit, et plus simplement, qu’est-ce qu’il faut faire en classe, pour mener à bien cet enseignement ?
A. Gremy, lors d’un colloque sur les langues vivantes à l’école élémentaire, en juin 1990, a eu une réflexion intéressante : “II faudra répondre aux questions que se posent tous ceux qui participent à cette action [ ... ]. Certaines sont d’ordre institutionnel. Mais il y a en quelque sorte une question préalable d’ordre sémantique. Dans le texte fondateur du 16 mars 1989, c’est le terme enseignement qui est utilisé. [ ... ] Dans la circulaire parue au B.O. du 5 avril, le terme enseignement est encore utilisé [ ... ], mais la notion d’initiation apparaît. [ ... ] Un peu plus loin, on parle d’initiation à la langue, puis d’enseignement expérimental. Que veut-on exactement ? Un enseignement, un pré-apprentissage, une initiation, une sensibilisation, bien que le terme ne soit pas utilisé ? [ ... ] “Enseignement ou initiation ? La question essentielle est peut-être celle des priorités.” [12] Il va sans dire que même s’il y a des principes qui sont fondamentaux, la nature des activités et I’organisation de l’action pédagogique ne peuvent pas être du même ordre dans chacun des cas cités ci-dessus. Entre une heure d’initiation par semaine, et trois heures ou plus, les programmes et les approches ne peuvent pas être les mêmes. Une chose reste certaine, il faut que les actes d’apprentissage aient un sens (une signification et une orientation), et cela devrait être un principe de base, quelques soient les contextes et les décisions curriculaires.”
Il nous reste à déterminer la nature des activités qui seront mises en oeuvre ; Orsola Tarantino Fraternali nous éclaire de sa lanterne :
Convaincus qu’il n’existe pas “une méthode” et qu’il n’y aura jamais de “méthode idéale” mais, par contre, qu’il existe des enfants avec leurs besoins, leur personnalité à construire, et que, donc c’est l’enfant qui doit être le protagoniste de son évolution avec l’aide d’un adulte, nous avons choisi une approche visant la centralité de l’enfant et la disponibilité d’un enseignant compétent et capable de répondre aux situations dynamiques qui vont se créer dans des classes d’enfants si petits.
Ce qui est vrai c’est qu’il n’y a quâ€™à “se mettre à l’écoute des enfants” (Piaget), savoir percevoir leurs besoins, savoir évaluer leur potentiel cognitif pour les aider à se développer avec l’aide d’un adulte compétent. Nous avons défini notre approche comme “Ludique-Dynamique”, le mot ludique renvoyant a toute une série d’activités joyeuses centrées sur la mobilisation de l’intérêt des enfants de la maternelle, sur leur participation spontanée et volontaire au jeu parce qu’ils s’y reconnaissent et qu’ils le partagent.
Le mot dynamique met l’accent sur le processus qui se construit en spirale ouverte sous les yeux des enfants et des maîtresses toujours actives et toujours disponibles, pendant l’heure de français, pour ajuster, réajuster et reformuler les activités proposées au moment ou l’intérêt des enfants baisse. Dynamique donc, inscrite dans la dynamique de l’évolution des besoins des enfants.
Le rythme et la musique ont été les deux ressorts les plus féconds pour capter l’attention des enfants, exciter leur curiosité et stimuler leur imaginaire. Le rythme et la musique ont été le “contexte” de communication entre l’enfant et le monde de la langue française. [13]
L’apprenant est donc bien le point de départ que ce soit vers l’enseignant ou vers un autre apprenant ; ainsi, il peut apprendre à communiquer avec le groupe, et quoi de plus important pour un enfant ? Bien sûr, tout le monde n’est pas d’accord avec l’utilisation d’activités dites “gratuites”. Certains pensent tout de même que l’enfant aime se prêter à des jeux qui privilégient l’imaginaire ; il me semble tout de même qu’un enfant accepte de faire beaucoup de chose, tant qu’il ne s’ennuie pas. L’utilisation des disciplines artistiques est donc primordiale si l’on veut susciter le plaisir d’apprendre et développer la créativité. Ainsi, tout est possible en classe de langues : dessin, musique, théâtre, jeux etc :
L’activité artistique permet d’intégrer l’usage de la L.E dans une démarche qui ne relève pas directement d’un apprentissage scolaire mais d’une approche de la création artistique.
Sans le cadre d’activités artistiques, la L.E serait appréhendée par l’enfant non pas comme un objet d’apprentissage scolaire mais plutôt comme un moyen de communication en relation avec le plaisir de la création. En conséquence, l’activité artistique permettrait de motiver I’usage de la L.E dans un processus créatif et de lui donner ainsi une dimension plus significative pour l’enfant. [14]
Il faut cependant rester prudent, car tous les professeurs ne sont pas capables d’utiliser l’art en classe de langue, et doivent donc être bien formés. De plus, l’art ne doit pas se substituer à l’enseignement des langues mais être un adjuvant efficace (qui permet une meilleure maîtrise de la langue à l’occasion de sa mise en oeuvre dans la classe notamment).
Il nous reste à définir deux dimensions importantes : la dimension cognitive et affective. Ces deux perspectives sont également fondamentales et sont deux piliers de l’enseignement précoce d’une langue. la perspective cognitive privilégie l’acquisition d’une culture langagière (ce qu’est la langue et son fonctionnement social) et d’une culture d’apprentissage (apprendre à apprendre !). Il s’agit de “Language Awareness”, ou de sensibilisation linguistique. La dimension affective, quant à elle, vise à modifier les représentations qu’ont les apprenants de la culture cible. Un tel travail va permettre d’avoir une influence sur les attitudes, la motivation ; l’apprentissage efficace d’une langue est tributaire des émotions des apprenants, et la vie affective des enfants influencera véritablement leurs performances. Le tout est de développer une attitude positive, ce qui aura le même effet sur l’apprentissage que l’on essaie de mettre en place. L’interculturel, notion que nous avons développée plus haut est ici le maître-mot !
Il semble y avoir l’uninanimité sur l’importance que revêt I’apprentissage des langues dès le plus jeune âge, pour l’avenir économique et politique de notre planète, il n’en est pas de même en ce qui concerne les moyens pour arriver à un enseignement efficace et moderne des langues étrangères aux jeunes enfants. En effet, on multiplie les expériences depuis une trentaine d’années, et tout le monde semble tâtonner. Les cloches de l’an 2000 ont déjà retenti et l’on est en droit de se demander quand sera mis en place cet enseignement bilingue qu’on nous promet depuis trop longtemps. Alors que je relisais cet article la lecture d’un éditorial du journal Le Monde écrit par Jean-Marie Colombani, semble corroborer mes réflexions en ce qui concerne la construction de l’Europe et l’importance des langues étrangères dans cette entreprise : “L’esprit européen, en effet, a cessé d’inspirer nos gouvernements, qui ne pensent plus l’intérêt national qu’en termes franco-français. [...] l’Union est surtout le cadre culturel d’où devra émerger la conscience européenne. “il n’y a pas d’entité européenne, pas de lien réel, assure le cinéaste allemand Wim Wenders, tant que nous ne parviendrons pas à donner à voir nos propres mythes, nos sentiments, notre histoire.” Commençons donc par écarter la tentation de leur tourner le dos”. [15] Notre conscience européenne ne devrait-elle pas être forgée autour d’un ensemble de langues communes et partagées, qui nous permettraient justement d’appréhender la pluralité de toute les cultures européennes ? Pourtant, seules des décisions gouvernementales sauront changer cet état de fait et permettront à la didactique des langues (précoces) de mûrir et d’être reconnue comme une discipline à part entière ; car, ne nous leurrons pas, il faudra des gens tres bien formés pour mener à bien cette entreprise, mais également une remise en question de tout le système ; en effet on ne fait pas des bilingues, avec trois heures de langues par semaine ! A cette révolution du système devra, de plus, s’ajouter une révolution des mentalités, qui seule saurait bouleverser nos attitudes et nos habitudes ! Dans combien de temps cela ? Au moment où je relisais cet article, la lecture d’un article publié récemment dans le Nouvel Observateur concernant l’enseignement de l’anglais semble aller dans le sens de mes réflexions. Tel est le chapeau de l’article : "Faire de la France un paus bilingue ? C’est la promesse de Nicolas Sarkozy. Pour l’instant, cependant, nos bacheliers peinent à articuler trois mots. Or la nécessité de parler anglais touche désormais presque tous les métiers" et les journalistes d’affirmer : « "God help our President...", il va en avoir besoin." » [16]
[1] Je l’ai rédigé dans le cadre de ma maîtrise FLE (université de Rouen) que j’ai obtenue en 2000 ; il s’agissait d’un cours à l’initiation à l’enseignement précoce du FLE qui était donné à l’époque par Monsieur Daniel Modard. Mes réflexions, revisitées 7 ans plus tard, semblent toujours pertinentes !
[2] On lira également Claude HAGÈGE, 1996, L’enfant aux deux langues, Paris, Odile Jacob, 300 p. Claude Hagège aborde dans son livre les thèmes que nous développons dans cet article.
[3] Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale, 1995, no 19, 11 mai, p. 1649.
[4] Monique ALLÈS-JARDEL, 1997, "Psychologie du développement de I’apprentissage pour I’enseignement pré-secondaire du français langue étrangère", dans L’enseignement précoce du français langue étrangère, bilans et perspectives, Laboratoire Lidilem, Université Stendhal - Grenoble III, pp. 17-18.
[5] Voir Hélène TROCMÉ-FABRE, 1994, J’apprends, donc je suis, Paris, Éditions d’Organisation, 292 p. ; voir aussi Hélène TROCMÉ-FABRE, 1991, J’apprends, donc je suis... Entretien avec Hélène Trocmé-Fabre, dans Le Français dans le Monde, numéro spécial août-septembre 1991, consacré au thème “Enseignements / apprentissage précoces des langues”, Paris, Hachette.
[6] A. TASHDJIAN, 1990, Les langues de I’Europe sont-elles sur orbite ?, dans Fernand CARTON, Jean-Marie. ODÉRIC DELEFOSSE (Dirs), Les langues dans l’Europe de demain, Presses de la Sorbonne nouvelle, p. 18.
[7] Louis-Jean CALVET, Lía Varela, 2000, XXIème siècle : le crépuscule des langues ? Critique du discours politiquement correct, dans Estudios de Sociolingüística, 1 (2), pp. 47-64. Voir aussi Louis-Jean CALVET, 2003, La situation mondiale des quatre langues, dans la Francophonie dans le monde 2002-2003, Paris, OIF / Larousse, pp. 82-83.
[8] Louis-Jean CALVET, 2003, Mondialisation, langues et politiques linguistiques : Le versant linguistique de la mondialisation, dans Le Français dans le Monde, no 323, septembre-octobre, http://www.fdlm.org/fle/article/323....
[9] J.-P. DE GAUDEMAR, 1991, Circulaire rectorale, Rectorat de Strasbourg, programme à moyen terme de développement de I’enseignement de I’allemand à l’école", septembre, p.2.
[10] On lira également l’ouvrage suivant : Daniel MODARD, Bernard OBERMOSSER, 2005 (dirs.), Dialogue des cultures, diversité linguistique... Mythes et réalités, Actes du Colloque organisé les 19 et 20 novembre 2002 par leCRDP de Haute-Normandie en collaboration avec l’Université de Rouen, numéro spécial de la revue SYNERGIES FRANCE, Rouen, CRDP, 178 pages.
[11] T. SKUTNABB-KANGAS, R. PHILIPSON, 1992, "Mother Tongue : the Theoretical and Sociopolitical Construction of a Concept", dans U.AMMON (Dir.), Status and Function of Language Varieties, Berlin / New York, de Gruyter, p. 469.
[12] A. GRÉMY, 1991, Texte d’ouverture au colloque, dans Les langues vivantes à l’école élémentaire, Actes du Colloque de juin 1990, Institut National de Recherche Pédagogique, pp.10-11.
[13] Orsola TARANTINO FRATERNALI, 1997, "L’enseignement précoce du Français Langue Étrangère", dans L’enseignement précoce du Français Langue Étrangère, bilans et perspectives, Laboratoire Lidilem, Université Stendhal - Grenoble III, pp. 134-135
[14] Ibid., p.170.
[15] Jean-Marie Colombani, “L’identité européenne”, Le Monde, édition internationale, mardi 27 mars 2007, pages 1 et 2..
[16] Voir Carole Brizard, Véronique Radier, “My English is poor !”, Le Nouvel Observateur, 25-31 octobre 2007, pp. 16-17. Les auteures de cet article dressent un bilan inquiétant de l’enseignement de l’anglais en France ; de quoi laisser méditer nos politiques. Elles passent également en revue tous les défauts du système et le manque de réalisme de la formations des professeurs de langues en France.